Alors que la mise en place de nouvelles taxes douanières sur certains produits en provenance des États-Unis était initialement prévue pour début avril, la Commission européenne a choisi de différer leur entrée en vigueur de deux semaines. Un délai qui ouvre la voie à de nouvelles négociations avec Washington et révèle les tensions internes au sein de l’Union.
Le 20 mars 2025, la Commission européenne a confirmé le report à la mi-avril de ses mesures douanières ciblant plusieurs produits américains. Ces contre-mesures, annoncées le 12 mars, devaient constituer une réponse à la prolongation des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium importés de l’Union européenne, mises en place par les États-Unis depuis le premier mandat de Donald Trump.
Un calendrier modifié pour laisser place au dialogue
Selon le porte-parole de la Commission européenne pour le commerce, Olof Gill, toutes les contre-mesures prévues « prendront effet à la mi-avril », soulignant que ce délai supplémentaire vise à « laisser plus de temps aux discussions avec l’administration américaine ». Cette décision n’annule pas les mesures envisagées, mais elle modifie leur chronologie. Deux séries de sanctions étaient initialement prévues : d’abord, la réactivation automatique au 1er avril de mesures adoptées en 2018 et 2020, suspendues temporairement jusqu’au 31 mars ; ensuite, une nouvelle série de droits de douane était censée entrer en vigueur à partir du 13 avril.
La Commission a donc choisi d’aligner les deux phases, afin de pouvoir examiner conjointement l’ensemble des produits visés et de permettre une concertation plus large entre les États membres. Cette réorganisation logistique du calendrier est présentée comme un ajustement technique, mais elle intervient alors que plusieurs pays membres, dont la France, l’Espagne et l’Italie, ont exprimé le souhait d’un délai supplémentaire, soucieux des possibles répercussions d’un durcissement commercial vis-à-vis des États-Unis.
Des produits sensibles au cœur des négociations
Parmi les produits initialement inclus dans les listes européennes figuraient des biens symboliques de l’export américain, tels que les bateaux de plaisance, les motos et le bourbon. Or, selon plusieurs sources européennes citées dans les médias, certains de ces articles, en particulier le bourbon, pourraient être reconsidérés dans la version finale de la liste. Une éventuelle exclusion ne serait pas anodine : elle traduirait une volonté d’apaiser les tensions avec Washington en ciblant des produits moins sensibles politiquement ou économiquement.
En contrepartie, la menace de voir les États-Unis élargir leurs propres taxes à d’autres produits européens stratégiques — notamment les vins et les spiritueux — alimente les inquiétudes au sein de l’Union. Le secteur viticole, fortement dépendant des exportations vers le marché américain, redoute l’instauration de barrières tarifaires supplémentaires. Dans ce contexte, plusieurs États membres cherchent à préserver leurs intérêts agricoles et industriels, et appellent à une approche mesurée.
Des enjeux à la fois commerciaux et politiques
Les tensions actuelles s’inscrivent dans la continuité d’un différend commercial amorcé en 2018, lorsque l’administration Trump avait imposé des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium, invoquant la sécurité nationale. L’Union européenne avait alors réagi par des mesures de rétorsion ciblées. Après une phase de suspension partielle dans le cadre d’une tentative de désescalade, les États-Unis ont reconduit ces taxes, motivant la réaction de Bruxelles.
La décision de l’UE de temporiser reflète une approche duale : d’un côté, elle souhaite affirmer sa capacité à défendre ses intérêts dans un cadre multilatéral fondé sur les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; de l’autre, elle prend en compte la complexité des relations transatlantiques, en particulier dans un contexte politique incertain aux États-Unis, à quelques mois des échéances électorales.
La Commission européenne insiste sur sa volonté de trouver une « réponse bien calibrée », à la fois solide et proportionnée, en veillant à limiter les effets négatifs pour les producteurs, les exportateurs et les consommateurs européens. Il s’agit aussi de maintenir la cohésion entre les Vingt-Sept, alors que les sensibilités nationales varient selon l’exposition aux produits concernés.
Une situation encore évolutive
À ce stade, aucune liste définitive n’a été rendue publique, et la Commission affirme que les consultations avec les États membres sont toujours en cours. L’incertitude reste donc forte, tant du côté des entreprises européennes concernées que sur le plan diplomatique. Pour les milieux économiques, ce report ne doit pas être interprété comme une renonciation, mais comme un signal d’ouverture à la négociation.
En attendant, les acteurs économiques s’organisent. Plusieurs fédérations professionnelles, notamment dans les secteurs du vin, de l’agroalimentaire et de la mécanique, suivent avec attention l’évolution des discussions. Les exportateurs européens espèrent que ce délai permettra d’éviter une nouvelle vague de tensions douanières, dont les effets pourraient se faire sentir rapidement sur les marchés internationaux.