Journal de l'économie

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Cette crise est un accélérateur de l’histoire





Le 25 Mai 2020, par Philippe Cahen

Comme si le futur faisait peur, le gouvernement veut sauver le passé. Les emplois du passé. Or si aujourd’hui on sauve le passé (l’automobile, l’aéronautique, le tourisme, l’enseignement, la santé, …), il sera d’autant plus difficile d’assumer la transition que l’on sait nécessaire et en voie de réalisation depuis de longues années pour répondre à un pays vieillissant, à l’environnement en danger, à une exception française parfois trop exceptionnelle, ... Il ne faut pas sauver le passé, il faut accélérer les changements en cours … juste avant le Covid-19.


 Prenons cinq exemples.
 
  1. Sauver la culture française : aider les indépendants CHR, tourisme, culture
Les métiers de la restauration, de l’hôtellerie, de la culture, ... sont une marque de fabrique de la France et subissent de plein fouet le confinement … et le déconfinement trop lent pour eux. Ils ont un besoin immédiat d’argent frais. Pas à six mois. Immédiat. De nombreuses entreprises, d’indépendants ont un pied dans la tombe. Ce sont des dizaines de milliers d’entreprises ou d’indépendants, des centaines de milliers d’emplois qui risquent de disparaitre et surtout des compétences qui peuvent encombrer les banques alimentaires ou partir vers des cieux plus cléments.

La clientèle aisée est en non-dépense selon le Trésor de 100 milliards € d’ici septembre. Une partie de cette épargne pourrait être orientée vers les indépendants de ces métiers dont cette clientèle est consommatrice. Ce pourrait être sous forme de fonds, de prêts par branche (restaurants « faits maison »), par catégories géographiques (théâtres privés parisiens), dont les prêteurs pourraient avoir un avantage fiscal, un avantage selon la branche (apéritif offert, place en avant-première), avec remboursement à 10 ans, ou plus ou moins. Mais c’est tout de suite.
Par passion du restaurant, du théâtre, quelques centaines de millions ou milliards € sauveraient des entreprises indépendantes et leurs emplois.
 
  1. Transformer l’aviation en taxant le kérosène
Concernant l’avion, la pollution engendrée par chaque vol (deux fois plus que la voiture, quarante fois plus que le train) est considérable. Afin de réduire la masse de pollution engendrée par l’aviation, L’objectif était de réduire de 90% à 2050 les émission par passager/km malgré un triplement attendu du trafic. Or le trafic ne devrait retrouver son intensité de 2019 qu’en 2023.

Devant nous, au lieu de 30 ans pour diminuer la pollution dans sa quantité produite, nous avons deux ans pour transformer une aviation à l’arrêt. La chute brutale de trafic est un temps unique. Il est temps que le kérosène de l’avion soit taxé à sa juste valeur – depuis 1944, il en est exempté - afin que le billet d’avion ait un coût transport et carbone à hauteur de sa réalité, qu’un billet d’avion ne soit pas moins cher qu’un billet de train à distance comparable.

Il n’est d’ailleurs plus certain que le triplement du trafic aérien à l’horizon 2050 soit souhaitable. Chaque aéroport est une source importante de perte de terre arable, de routes et voies ferrées, etc. Certes, l’aviation est synonyme de tourisme d’affaire et de loisirs. Depuis quelques années, le tourisme de masse devient un fléau (Venise, Barcelone, Machu Picchu).
C’est un sujet très lourd, mais le tourisme et avec lui l’aviation ont entamé une mutation depuis quelques années. Il ne s’agit surtout pas d’en être aveugle.
 
  1. Revoir l’Etat Providence
C’est un sujet sacré en France : on ne parle pas de salaires et évidemment pas de revenus. Or s’il est un sujet qui marque notamment 2018, 2019 et 2020, ce sont les écarts de salaires. La France connait des écarts de salaires importants, corrigés par la redistribution qui contribue à un indice de Gini correct. Donc oui, la France est sociale et il faudrait … « prendre aux riches » notamment en recréant l’ISF dont la réponse financière en serait très faible.

Durant le Covid, la France a fait preuve d’une générosité inégalée chez nos partenaires et concurrents avec l’assurance d’une rémunération conservée à 84% quand chez les Allemands, c’est 60%. Devant l’endettement colossal atteint par la France, la question des retraites et du temps de travail, les rémunérations insuffisantes dans la Santé, l’Enseignement, les souffrances de la Justice, … vont remettre en cause l’Etat Providence et sa bureaucratie.

L’automne à venir s’annonce comme une bombe sociale. L’occasion est là de remettre tout à plat rapidement et en cohérence du tout. Ce n’est pas un Grenelle ou un Ségur qu’il faut, c’est un Matignon ! Le revenu universel a pointé le bout de son nez qui pourrait simplifier toutes les aides que l’on a droit ou pas comme un millefeuille bureaucrate et qui développe la perception d’injustice. L’Etat Providence est un droit en écho indispensable aux devoirs des redevables. Les normes et règlements de toutes sortes ont montré leurs limites d’absurdité notamment dans le bâtiment : il faut construire (et isoler thermiquement) d’urgence des centaines de milliers de logements pour faire baisser la charge aux familles du premier budget de dépenses afin de dégager du pouvoir d’achat et créer des emplois non délocalisables tout en considérant la diminution implicite des déplacements carbonés.

L’Etat providence doit se simplifier et maigrir. L’occasion est unique de le faire globalement et non par petites touches insignifiantes et d’année en année.
 
  1. Remettre en cause la voiture à l’ancienne
L’automobile comme l’aviation subit une diminution importante de fabrication.  Si des primes à l’achat devaient relancer la consommation, donc en septembre par exemple, on ne fera que multiplier les voitures en général dans les villes, les voitures électriques en particulier dont on connait le bilan carbone négatif dès la construction. Or l’hydrogène est peut-être la solution d’un futur proche pour lequel les constructeurs français ne sont en fait pas préparés.

Le temps est venu notamment dans les grandes villes de réinventer les transports. D’une part les transports doux (notamment toutes les formes de deux roues électriques) se développent rapidement. D’autre part l’encouragement du transport partagé et les applications qui le facilitent sont une occasion de multiplier les offres entre les bus et les tramways, les véhicules de 4 à 10 places avec des itinéraires souples.

Et la voiture autonome va rapidement s’installer dans les grandes villes avec l’arrivée de la 5G, l’affaire de deux ou trois ans, faisant disparaitre la propriété de la voiture pour en promouvoir l’usage. Son développement au Japon, en Corée et en Chine va dupliquer son marché. Là aussi, c’est un objectif global de baisse de trafic de la voiture personnelle afin notamment de réduire la pollution dans les villes.

Ne relançons pas l’automobile du passé. Pensons à l’avenir si proche.
 
  1. Revoir l’enseignement
Le classement PISA de la France – dans des pays comparables de l’OCDE - est pitoyable. Pourtant, la période de confinement a confirmé la souplesse et l’adaptabilité spontanée du corps enseignant d’écoles, collèges, lycées, enseignement supérieur. En quelques jours des centaines de milliers d’enseignants, des millions d’élèves ont adopté le télé-enseignement. Sans doute ne fut-ce pas parfait. Mais cela fut. Et quasi instantanément. Toute démarche organisée aurait demandé des mois, voire des années et des budgets, des budgets et des budgets.

Cela démontre s’il en été besoin que la bureaucratie de l’Education Nationale est un frein à l’enseignement (comme celle de la Santé est un frein à l’Hôpital). Si l’on veut un tant soit peu relocaliser l’emploi en France, retrouver des initiatives industrielles locales, il faut « dégraisser le mammouth », libérer l’enseignement, faire participer les actifs (ou des jeunes retraités) à l’enseignement, orienter les formations en fonction des employeurs et en particulier des entreprises, encourager l’employabilité et développer des indemnités de chômage qui encouragent au travail.

L’enseignement peut être la voie pour certains à la recherche dans tous les domaines, il doit surtout former à l’emploi pour toutes les compétences.
 
Réinventons la France, là, tout de suite !
 
Je repars en plongée …

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles  », éd. Kawa


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