Journal de l'économie

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Les ONG, de l’éthique à l’influence





Le 24 Avril 2019, par Maître Olivier de MAISON ROUGE

« De nos jours, la guerre a disparu des relations entre pays développés. Les éléments classiques de la puissance ont moins lieu d’être que la capacité à agir en réseau, à être au cœur de systèmes d’échanges et d’informations, à maîtriser de hautes technologies, et plus encore à façonner le monde, selon une idéologie et des mécanismes qui garantissent pour un Etat le bien-être de sa population et la sécurité sur son territoire. Le “pouvoir relationnel coercitif” a moins d’importance que le “pouvoir structurel indirect” (1).


Les ONG, de l’éthique à l’influence
Pour prolonger cette analyse, il convient de se pencher sur le rôle des groupements qui œuvrent à assainir les affaires et corrélativement à dénoncer les comportements moralement déviants en matière d’éthique commerciale.
 
Le but est on ne peut plus noble et sacré. Pour autant, tous les acteurs sur ce terrain sont-ils aussi angéliques ou philanthropiques qu’ils le prétendent ? Les travaux de la Fondation Prometheus ont régulièrement mis en évidence le faux-nez de Transparency International, largement financée par l’Open Society du milliardaire ultralibéral George Soros (2), qui a déclaré personnellement la guerre à la vieille Europe (3).
 
Définition juridique d’une ONG
 
Bien qu’il n’existe pas de définition juridique d’une ONG, pour le Conseil économique et social de l’ONU (4) , un tel groupement ne doit pas être constitué par une entité publique ou par voie d’un accord intergouvernemental et doit posséder des moyens financiers provenant essentiellement des cotisations de ses membres. Ce, à quoi il faut ajouter qu’une telle entité poursuit un but non lucratif d’utilité internationale (5) .
 
Pour François-Bernard HUYGHE, “Leur capacité de mettre en cause les acteurs politiques ou économiques, mais aussi d’imposer des normes et de faire l’agenda du débat public leur confère un pouvoir inédit. À ces stratégies s’en ajoutent d’autres, politiques ou économiques, qui cherchent à infléchir les décisions publiques et à diriger l’opinion au service d’intérêts matériels ou idéologiques. Lobbies, think tanks, groupes de pression jouent aussi un rôle croissant”(6) .
  
C’est pourquoi, il convient en présence de telles organisations, de toujours séparer le bon grain de l’ivraie, à savoir de celles qui agissent par sincérité à opposer à celles qui servent d’autres maîtres. Le législateur français a d’ailleurs été conduit à mener une enquête parlementaire sur de telles menées (7) . Parmi ses rédacteurs, on retrouve Jean-Michel BOUCHERON, également dirigeant de la Fondation Prometheus, évoquée ci-dessus, laquelle diffuse en complément un baromètre annuel des ONG, mesurées sur leur niveau de transparence, qu’elles prônent par ailleurs envers leurs cibles. Il ressort de cette étude parlementaire menée en 2011 que si les premières ONG, enregistrées par la Société des Nations (SDN) après 1920, portaient des principes moraux véritables – et souvent confessionnels à l’instar de la Croix-Rouge ou le CCFD – depuis les années 1990 on assiste à une montée en puissance des institutions poursuivant des buts politiques, voire idéologiques, au nom des droits de l’homme, de l’environnement et de la pénalisation des affaires. Déjà, dans les années 1970, certaines, comme Médecins du Monde, se voyaient investies d’un droit d’ingérence, prônant une forme de “sans-frontiérisme” (8) .
 
Nature des ONG
 
Et d’ailleurs, ce rôle actif dont elles se sont saisies doit être mis notamment sur le fait que l’économie est devenue globalisée, d’une part, donnant lieu corrélativement à un effacement des états et des frontières, d’autre part. Ces ONG se sont donc partiellement emparées de cet espace laissé vacant, parées de bons sentiments, tirant profit du “phénomène de sécularisation progressive des actions caritatives” (9) . Ainsi, même certaines organisations pourtant sincères servent malgré elles “d’idiots utiles” comme au temps de la guerre froide. Leur influence est importante eu égard au rôle consultatif que leur reconnaissent les institutions internationales, mais aussi par leurs coups d’éclat qui trouvent souvent une caisse de résonnance manifeste avec des médias complaisants.
 
Or, l’examen approfondi de leur nature met en évidence que 1931 ONG sur 6846 enregistrées (soit 28,2 %) se trouvent sur le continent nord-américain (10) . Pour cette raison notamment, l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert VEDRINE déclarait en 2009 (11)  : “il faut être bien naïf ou aveugle pour ne pas voir que les ONG américaines ou britanniques sont une part du soft power américain ou anglais… Et qu’elles sont souvent hostiles, de facto, sous divers prétextes, à l’influence, à la politique ou à la langue française. À noter également que 20 % des ONG les plus puissantes captent 90 % des ressources de financement (12) .
 
La part d’influence des ONG
 
Parmi les ONG qui usent de leur influence, sous plusieurs formes diverses, les plus connues sont Transparency International, Greenpeace, Human right watch, Sherpa… mais d’autres, moins identifiables, œuvrent davantage encore pour peser sur le choix des décideurs. Ainsi, ce fut le cas à l’occasion de la COP 21 qui s’est tenue à Paris en décembre 2015, où la célèbre WWF, mais aussi Corporate Europe Observatory, Women in Europe for a Common Culture, 350.org, Oxfam, Les amis de la Terre,… s’en sont pris directement à la filière nucléaire et indirectement à EDF, ENGIE ou AREVA, dont l’État français est partie prenante (oubliant que 20 % des émissions de CO2 dans le monde proviennent du territoire américain) (13) .
 
En résumé, avec certaines ONG influentes, nous sommes loin de la “main invisible” chère à Adam Smith et à ses lointains successeurs, et plus loin encore de la main innocente. En revanche, il s’agit de toute évidence d’un bras armé.
 

Compliance et code de bonne conduite : une dimension éthique de l'entreprise
Par Olivier de MAISON ROUGE
Avocat - Docteur en Droit 
Coprésident de la commission Renseignement et sécurité économique de l’ACE 



[1] Rapport d’information parlementaire sur les vecteurs privés d’influence dans les relations internationales, par Jean-Michel BOUCHERON et Jacques MYARD, Assemblée Nationale, 18 octobre 2011, p. 29.
[2] Perçus par les dirigeants chinois comme un terroriste économique (in Qiao Liang et Wang Xiangsui, La guerre hors limites, Rivages poches, 2006)
[3] « Dossier : ONG petit guide méthodologique à destination des journalistes… et des citoyens curieux », in Lettre Prometheus, avril 2016.
[4] ECOSOC, résolution 1996/31 du 25 juillet 1996 ; mais encore l’article 71 de la Charte des Nations Unies de 1945.
[5] Article 1er de la Convention 124 du 27 avril 1986 du Conseil de l’Europe.
[6] HUYGHE François-Bernard, Influence, ONG, lobbies et réseaux, www.huyghe.fr, 6 décembre 2013.
[7] Rapport d’information parlementaire sur les vecteurs privés d’influence dans les relations internationales, par Jean-Michel BOUCHERON et Jacques MYARD, Assemblée Nationale, 18 octobre 2011.
[8] RYFMAN Philippe, Les ONG, La Découverte, 3ème édition, 2009, p.13
[9] RYFMAN Philippe, Op. cit., p.7.
[10] « Dossier : ONG petit guide méthodologique à destination des journalistes… et des citoyens curieux », in Lettre Prometheus, avril 2016.
[11] In Rapport d’information parlementaire sur les vecteurs privés d’influence dans les relations internationales, par Jean-Michel BOUCHERON et Jacques MYARD, Assemblée Nationale, 18 octobre 2011, p. 20.
[12] RYFMAN Philippe, Op. cit. p.55.
[13] « COP 21 : derrière l’écologie, la pression des ONG anglo-saxonnes », entretien avec Bernard CARAYON, in Le Figaro, 11 septembre 2015.


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