Souveraineté numérique dans le cyberespace (1)

Nous proposons à travers plusieurs études à venir, dont celle-ci constitue la première, une analyse juridique globale de la souveraineté numérique dans le cyberespace.
L’étude ci-dessous est consacrée à la définition juridique du cyberespace :

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Souveraineté numérique dans le cyberespace (1)
Souveraineté numérique dans le cyberespace (1) - © journaldeleconomie.fr

Les « Autoroutes de l’information »
 
Initialement présenté comme un nouvel espace transfrontalier, « autoroute de l’information » – comme on l’appelait alors – affranchie de toute tutelle, où la liberté d’expression, d’opinion, de communication, de contestation devait trouver une caisse de résonnance sans précédent à l’échelle planétaire, Internet est devenu depuis lors en enjeu largement géostratégique.
 
Au-delà d’un espace conflictuel de type cyberguerre – permettant de neutraliser des armées en les privant de signaux GPS, en coupant « le signal », en brouillant des échanges, en divulguant de fausses informations… – Internet est aussi un monde beaucoup plus régulé qu’on ne le pense, où les États-Unis cherchent en particulier à régner sans partage, au bénéfice de leurs fleurons désignés par les acronymes GAFAM [1], néanmoins désormais disputé par d’autres puissances (Chine, Russie notamment).
 
L’Europe quant à elle, et la France en particulier, demeure un espace technologique ouvert, malgré la protection accrue de la vie privée avec le RGPD qui semble un frêle rempart dans ce monde digital.
 
Dès lors, il convient de s’interroger sur le périmètre du cyberespace, et les éventuelles ingérences – en particulier règlementaires sur le plan extraterritorial – qui affectent la souveraineté numérique de l’Europe tendent à dessiner cette nouvelle géostratégie juridique dans l’espace numérique.
 
Approche juridique du cyberespace
 
La loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité (transposition de la Directive UE Network and information security) définit sous l’article 1er le cyberespace comme étant :
 
1° Tout réseau de communications électroniques tel que défini au 2° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques ;
 
2° Tout dispositif ou tout ensemble de dispositifs interconnectés ou apparentés dont un ou plusieurs éléments assurent, en exécution d’un programme, un traitement automatisé de données numériques ;
 
3° Les données numériques stockées, traitées, récupérées ou transmises par les éléments mentionnés aux 1° et 2° du présent article en vue de leur fonctionnement, utilisation, protection et maintenance.
 
Avec cette approche, les experts du cyberespace estiment que celui-ci est donc constitué de trois « couches » [2]  :

  • Couche matérielle ou infrastructures : constituée des réseaux Telecom, satellites, data center, câbles sous-marins, hardware, sites immobiliers, etc.
  • La couche logique ou logicielle : constituée des systèmes d’exploitation, applications et solutions numériques, programmes informatiques, logiciels, algorithmes, intelligence artificielle, etc.
  • La couche sémantique ou informationnelle (ou encore « cognitive ») : constituées des données générées numériquement.

 
Dès lors, la souveraineté – entendue comme la maîtrise et l’autorité sur un espace donné dévolu à un pouvoir reconnu et accepté [3] doit s’appliquer à ces trois sphères, sans quoi un lien de dépendance technologique sera toujours présent, anéantissant en particulier le découplage opéré dans les autres domaines, couches et sous-couches du cyberespace.
 
Or, l’évolution du cyberespace sous l’angle géopolitique conduit à constater que le droit est toujours de plus en plus extraterritorial, au bénéfice des puissances souveraines dans les trois couches, leur permettant d’asseoir leur hégémonie et de collecter à leur bénéfice les données parmi les plus sensibles.
 
 
À suivre…
 

 


[1] Pour Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft

[2] CATTARUZZA Amaël, Géopolitique des données numériques. Pouvoir et conflits à heure du Big Data, Le Cavalier Bleu Editions, 2019
[3] ou encore, selon Jean Bodin, « La souveraineté est le pouvoir de commander et de contraindre, sans être ni commandé ni contraint », in Les six livres de la République, 1576

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