La Bataille du luxe : Hermès face au géant LVMH

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La Bataille du luxe : Hermès face au géant LVMH | journaldeleconomie.fr

Le 23 octobre 2010, LVMH annonce dans un communiqué détenir une participation de 14,2% dans Hermès International. Cette déclaration provoque une surprise générale. Après 173 années d’indépendance, Hermès était sur le point de passer aux mains du géant LVMH. Une dynastie minée par les rivalités, une bataille d’influence et juridique entre les géants du luxe, des instruments financiers opaques : notre enquête décortique l’ensemble des méthodes mises en place par le « loup en cachemire », Bernard Arnault.

Le Loup en cachemire avance à pas feutrés

Bernard Arnault, connu pour exploiter les mésententes familiales afin d’acquérir ses cibles, a fait appel aux services de Bernard Squarcini, l’ancien directeur du renseignement intérieur. L’opération baptisée « Mercure », en référence au dieu romain équivalent du dieu grec Hermès, avait pour but d’identifier les « maillons faibles » de la famille pour racheter leurs parts (La famille Hermès possédant 70% des actions). Pour cela, il a fallu étudier la situation fiscale des 12 héritiers clés et identifier ceux qui manquaient de liquidités ou ceux détachés du management de l’entreprise. En y regardant de plus près, les trois branches de la famille ne partagent ni le même nombre de parts et ni le même rôle dans la gestion de la maison. Les Dumas sont, depuis toujours, à la tête du groupe. Les Guerrand, quant à eux sont connus pour leur train de vie très dépensier (OSINT : étude de leurs réseaux sociaux). Une fois ces informations collectées, couplées à l’annonce du départ de Jean Louis Dumas -aux rênes de l’entreprise depuis plus 25 ans- Hermès était plus que jamais fragile et à la portée de LVMH. Le géant du luxe s’est donc rapproché de Nicolas Puech-Hermès, un héritier écarté du management de la maison, qui a consenti à vendre 8,8 millions d’actions. Cela a permis à Bernard Arnault de mettre en place son montage financier.

La contre-attaque d’Hermès

Dès 2001, Arnault a décidé d’acquérir des parts d’Hermès par l’intermédiaire de ses filiales luxembourgeoises et américaines. Le but de LVMH était d’obtenir 4,9% des parts de l’entreprise afin d’éviter de déclarer progressivement les franchissements de seuil de 5%, 10%, 15% auprès de l’AMF et donc de contourner la loi (Article L. 233-7 du code monétaire et financier).

Bernard Arnault décide d’accélérer sa stratégie en 2006 en utilisant des montages financiers, nommés « Equity Swaps », afin de continuer d’avancer en toute opacité. Conseillé par Natixis, cet instrument financier permet de jouer avec les actions sans réellement les posséder, ce qui évite de devoir faire une annonce publique à l’AMF. LVMH organise le rachat de titres Hermès en étoile, avec l’aide de trois banques qui ont ainsi pris des participations de moins de 5 %. Ces « Equity swaps » prévoyaient alors un dénouement en cash. En 2010, LVMH opte finalement pour un dénouement en actions et possède en décembre 2011, 22,28% des parts.

Les héritiers de la maison ont lancé une riposte pour contrer cette acquisition de LVMH. Ils ont décidé de créer une holding de contrôle afin de verrouiller le capital de l’entreprise et d’attaquer au pénal LVMH pour « délit d’initié et manipulation de cours ». Hermès essaye de se placer en victime afin d’obtenir le soutien des médias et de diaboliser LVMH. LVMH se défend dans ses communiqués et cherche à sauver sa réputation : « Le Groupe LVMH tient à préciser qu’il n’envisage nullement, ni de présenter une offre publique d’achat, ni de prendre le contrôle d’Hermès […]. ». Le groupe LVMH décide aussi de prendre part à cette bataille juridique et d’influence en déposant une plainte contre Hermès pour chantage, diffamation et concurrence déloyale​​.

Hermès cherche alors à rassembler des preuves pour démentir les propos de LVMH et d’inculper le géant pour ces actes. Le but de Hermès est de désarmer LVMH et de nuire à sa réputation afin d’éviter l’aboutissement de la transaction : une vraie guerre d’influence entre les deux groupes est lancée. Grâce à la méthode Humint, Hermès obtient en réalisant des entretiens avec les principales banques d’investissements et les avocats d’affaires de Paris, des informations cruciales : dès le 18 décembre 2006, LVMH avait lancé des études approfondies avec Rothschild & Compagnie et le cabinet d’avocats Bredin-Prat sur des scénarios très précis de prise de contrôle d’Hermès. Ces informations prouvent ainsi le caractère hostile de l’entrée de LVMH dans le capital d’Hermès.

Le dénouement

Après 4 années de bataille juridique, LVMH a été condamné en 2014 à une amende de 8 millions d’euros pour ses pratiques trompeuses​​. Le rapport élaboré par l’AMF a mis en évidence les méthodes d’intelligence économique mises en place par Bernard Arnault, ou plutôt d’espionnage industriel. Pour percer les secrets de la famille, plusieurs membres de la famille ont été suivis par des informateurs et leurs faits et gestes ont été épiés. Le rapport met aussi en évidence le rôle joué par Nicolas Puech dans cette opération.

En fin de compte, LVMH et Hermès arrivent à un commun accord grâce à la médiation du président du tribunal de commerce de Paris, Frank Gentin, et mettent fin à leur contentieux. LVMH distribue alors à ses actionnaires 23,2% du capital et s’engage à ne plus acquérir de parts dans Hermès pendant 5 années. Toutefois, à l’issue de cette distribution, LVMH continuera de rester actionnaire d’Hermès à hauteur de 8,5% du capital. Malgré cela, un doute persiste chez Hermès quant à l’avenir de son indépendance…

Bibliographie :

-LVMH déclare détenir une participation dans HERMES INTERNATIONAL – LVMH. (2010, 23 octobre). https://www.lvmh.fr/actualites-documents/communiques/lvmh-declare-detenir-participation-hermes-international/

Vulser, N. (2013, 20 mai). Le plan très secret de LVMH pour entrer chez Hermès. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/05/18/comment-lvmh-a-planifie-son-entree-chez-hermes_3301911_3234.html

Maujean, G., & Boisseau, L. (2013, 30 mai). L’affaire LVMH-Hermès devant la commission des sanctions de l’AMF. Les Echos. https://www.lesechos.fr/2013/05/laffaire-lvmh-hermes-devant-la-commission-des-sanctions-de-lamf-323398

Capital.fr. (2016, 6 avril). Quand LVMH a tenté de prendre le contrôle d’Hermès via le Panama. Capital.fr. https://www.capital.fr/entreprises-marches/quand-lvmh-a-tente-de-prendre-le-controle-d-hermes-via-le-panama-1115726

C.Anno. (2016, 7 septembre). Retour sur les multiples affaires Hermès c./ LVMH. Le Petit Juriste. https://www.lepetitjuriste.fr/retour-sur-les-multiples-affaires-hermes-c-lvmh/

Bacqué, R., & Schneider, V. (2022, 19 juillet). Hermès, une famille recomposée face au « loup du cachemire » , Bernard Arnault. Le Monde.fr. https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2022/07/18/hermes-une-famille-recomposee-face-au-loup-du-cachemire-bernard-arnault_6135247_3451060.html

Les rapport de l’AMF, rédigé par Sophie Baranger et Laurent Combourieu sur l’affaire Hermès-LVMH

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