TVA des auto-entrepreneurs : pourquoi le gouvernement a dû reculer face à la polémique

Conscient que la situation devenait ingérable, le gouvernement a fini par annoncer la suspension de la réforme, sans pour autant l’abandonner complètement.

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Un tournant difficile pour les chefs d'entreprise en France
TVA des auto-entrepreneurs : pourquoi le gouvernement a dû reculer face à la polémique | journaldeleconomie.fr

Lorsque le gouvernement a introduit dans le budget 2025 une mesure visant à abaisser le seuil d’exemption de TVA pour les auto-entrepreneurs, l’intention semblait claire : harmoniser la fiscalité et éviter ce qui est souvent dénoncé comme une concurrence déloyale entre micro-entrepreneurs et autres professionnels soumis à la TVA.

Réforme de la TVA : qu’est-ce qui change ?

Jusqu’ici, les auto-entrepreneurs n’étaient pas tenus de collecter cette taxe tant que leur chiffre d’affaires annuel ne dépassait pas 37 500 euros pour les prestations de services et 85 000 euros pour la vente de marchandises. La réforme prévoyait d’aligner le seuil à 25 000 euros pour tous, une décision qui devait entrer en vigueur dès le 1er mars 2025.

L’argument avancé par l’exécutif reposait sur une volonté d’équité fiscale. Plusieurs acteurs économiques dénonçaient depuis longtemps un système qui permettait aux auto-entrepreneurs de proposer des tarifs plus compétitifs, puisque exempts de TVA, tandis que d’autres indépendants, dépassant ces seuils, devaient facturer cette taxe à leurs clients, augmentant mécaniquement leurs prix. L’exécutif comptait également sur cette modification pour augmenter les recettes fiscales, une nécessité alors que le budget 2025 repose sur des ajustements destinés à combler le déficit public.

Pourtant, cette annonce a rapidement déclenché une contestation massive, tant du côté des professionnels concernés que de plusieurs responsables politiques. Dès lors, le gouvernement s’est retrouvé pris au piège d’une réforme impopulaire et d’une levée de boucliers inattendue, le contraignant à suspendre la mesure en urgence.

Une contestation portée par les auto-entrepreneurs et les professionnels libéraux

Dès que les détails du projet ont émergé, les premières critiques sont venues des fédérations d’auto-entrepreneurs et des organisations professionnelles. Pour de nombreux indépendants, cette réforme signifiait une contrainte supplémentaire, à la fois sur le plan administratif et sur leur rentabilité. Passer sous le régime de la TVA signifie non seulement devoir collecter et reverser la taxe, mais aussi modifier ses tarifs et adapter sa gestion comptable. Or, la simplicité du régime d’auto-entrepreneur repose précisément sur la limitation des charges fiscales et administratives.

De nombreuses professions libérales ont également dénoncé cette mesure. Les avocats, architectes, consultants ou encore prestataires de services indépendants y ont vu une menace directe sur leur modèle économique. Pour certains, franchir la barre des 25 000 euros de chiffre d’affaires n’aurait pas été suffisant pour absorber la TVA et rester compétitifs face aux grandes structures mieux armées pour encaisser cette hausse.

L’Union des entreprises de proximité (U2P) a rapidement exprimé son mécontentement, estimant que la réforme risquait d’accentuer le travail dissimulé. Selon les professionnels de l’accompagnement des indépendants, une partie des auto-entrepreneurs aurait préféré réduire volontairement leur activité pour ne pas franchir le seuil fatidique et éviter les nouvelles obligations fiscales.

Un rejet politique unanime qui pousse au recul

À mesure que la grogne montait dans les milieux économiques, les partis politiques ont saisi l’occasion pour s’attaquer au gouvernement. Ce qui aurait pu rester une question purement fiscale s’est transformé en un sujet hautement politique et médiatique. Plusieurs figures de l’opposition, de La France Insoumise (LFI) au Rassemblement National (RN), ont rapidement dénoncé une mesure jugée inadaptée à la réalité des petites entreprises.

Les critiques ne sont pas seulement venues des opposants traditionnels de l’exécutif. Certains députés de la majorité ont eux-mêmes émis des doutes sur la pertinence du projet. Plusieurs élus de la droite classique ont également exprimé leurs réserves, redoutant une hausse des faillites parmi les plus petites structures et des conséquences imprévisibles sur l’économie locale. Le Medef et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ont de leur côté pointé du doigt un risque accru de précarisation des indépendants, déjà fragilisés par les incertitudes économiques actuelles.

Conscient que la situation devenait ingérable, le gouvernement a fini par annoncer la suspension de la réforme, sans pour autant l’abandonner complètement. Lors d’une déclaration sur France 2 le 6 février 2025, le ministre de l’Économie Éric Lombard a reconnu la nécessité de prendre du temps pour la concertation.

Une réforme suspendue, mais pas enterrée

Si le gouvernement a choisi de faire machine arrière, la question de l’harmonisation fiscale entre auto-entrepreneurs et autres statuts reste entière. L’enjeu budgétaire est également majeur : l’abaissement du seuil de TVA aurait permis à l’État de récupérer 400 millions d’euros de recettes supplémentaires, une somme qui devra désormais être compensée autrement.

L’exécutif pourrait chercher une nouvelle approche, moins brutale, en instaurant des dispositifs transitoires ou en ciblant uniquement certaines catégories d’indépendants. Pour le moment, aucune date précise n’a été donnée pour une éventuelle remise à plat du dispositif. La ministre déléguée au Commerce, Véronique Louwagie, a été chargée d’organiser une concertation avec les représentants des auto-entrepreneurs, afin de trouver des pistes d’ajustement. En attendant, cette reculade marque une victoire symbolique pour les auto-entrepreneurs et un camouflet pour le gouvernement, qui souhaitait initialement faire adopter cette réforme sans heurts.

1 réflexion au sujet de « TVA des auto-entrepreneurs : pourquoi le gouvernement a dû reculer face à la polémique »

  1. Merci de corriger le fait que le RN s’est hypocritement offusqué en voyant que la réforme était impopulaire mais qu’en commission il avait proposé un seuil encore inférieur à 18750 € .

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