Depuis plusieurs mois, la France apparaît aux yeux des marchés financiers et des grandes places économiques comme un cas de plus en plus préoccupant. Le Financial Times souligne que la France est en train de basculer du « noyau crédible » de la zone euro vers une “périphérie” à risques, tandis que le Wall Street Journal questionne la viabilité d’un modèle fiscal et social jugé trop coûteux.
Le tournant « périphérique »
Selon le FT, les investisseurs parlent désormais d’un glissement : la France serait en train de rejoindre les rangs des pays périphériques de la zone euro, autrefois considérés comme plus fragiles. Le rendement des obligations françaises à 10 ans est monté à 3,47 %, dépassant celui de la Grèce et s’approchant de l’Italie. (Financial Times) Le FT rappelle aussi que le ratio dette/PIB de la France était de 113 % en 2024 et pourrait atteindre 118 % d’ici 2026 si rien ne change. (Financial Times)
Cette défiance des marchés trouve des échos dans les décisions des agences de notation : récemment, France a vu sa note long terme révisée – Morningstar DBRS l’a abaissée d’“AA (high)” à “AA”, avec une perspective stabilisée. (Financial Times)
Un modèle fiscal en question
Le Wall Street Journal (WSJ) souligne que les coupes fiscales promises n’ont pas produit l’élan espéré. Un article note que les réductions d’impôts du président Macron, destinées à relancer l’investissement, sont restées insuffisantes pour compenser une mécanique économique engorgée. (The Wall Street Journal)
Par ailleurs, le WSJ met l’accent sur la fragilité de la conjoncture : le pays est soumis à de fortes pressions budgétaires, avec un déficit public d’environ 5,8 % du PIB selon certaines estimations, ce qui alimente l’inquiétude des marchés quant à la soutenabilité de la dette. (The Wall Street Journal)
Dans une tribune, le WSJ avertit : “France Heads for a Fiscal Crackup” (La France se dirige vers un effondrement fiscal), pointant un chômage élevé, un effort fiscal déjà maximal dans certains secteurs, et un système social coûteux qui pèse sur les capacités de réforme. (The Wall Street Journal)
L’effet politique : instabilité et tremblements de marché
L’effondrement des gouvernements successifs aggrave cette perception de risque. Le FT explique que la crise politique a « effrayé les marchés », poussant les rendements obligataires français au-dessus de 3,5 %. (Financial Times) Le WSJ, pour sa part, rapporte que le spectre d’un blocage parlementaire permanent affaiblit la confiance des investisseurs dans la capacité de la France à adopter et maintenir des réformes structurelles. (The Wall Street Journal)
Un article du WSJ cite même une interrogation : « with another government on the brink of collapse, is France the new Italy ? » (avec un autre gouvernement au bord du gouffre, la France devient-elle la nouvelle Italie ?) (The Wall Street Journal)
Ce que les marchés redoutent
- Augmentation des primes de risque : les rendements obligataires français s’écartent de plus en plus de ceux de l’Allemagne, traduisant une perception de risque souverain. (Financial Times)
- Réticence à l’investissement : dans un contexte d’incertitude politique, les capitaux étrangers hésitent, et les investisseurs préfèrent les marchés plus stables.
- Pression fiscale accrue : pour compenser les déficits, les autorités pourraient chercher à instaurer de nouveaux impôts – le WSJ mentionne le retour possible d’un impôt sur la fortune. (The Wall Street Journal)
- Usure du modèle social : un système de protection sociale généreux est jugé difficile à financer face à une croissance anémique et une population vieillissante.
Ce qui sépare le discours anglo-saxon de la rhétorique locale
Dans les publications du FT et du WSJ, l’accent est mis sur les données — ratios, rendements, comparaison internationale — et sur les risques macroéconomiques et financiers. La critique n’est pas morale, mais pragmatique : un pays aux finances publiques fragiles, qui multiplie les réformes abandonnées, et qui ne parvient pas à aligner ses ambitions sociales avec ses ressources économiques finit par perdre sa crédibilité auprès des marchés.

