Il s’agit dans cette analyse de se mettre à la place d’une entreprise. Il ne s’agit pas de comparer un état démocratique à un groupe islamiste intégriste.
Le premier signal faible : l’aveuglement de l’entreprise par l’orgueil
Israël a été orgueilleux, inconséquent. Ou plutôt, le gouvernement peut recevoir ce reproche : déplacer des troupes de la frontière ultra sensible de Gaza pour protéger des cabanes dans les implantations de Cisjordanie est pour le moins stupide, ici criminel.
Ceci existe dans les entreprises trop sûres d’elles-mêmes : une nouvelle équipe oublie les fondamentaux, l’entreprise néglige certains de ses concurrents, l’évolution du marché est sous-estimée.
Le deuxième signal faible : un concurrent puissant est une motivation supplémentaire
Le Hamas a un ennemi ultra puissant : Tsahal, l’armée d’Israël et ses services secrets. Le coup de force du Hamas est stratégiquement et tactiquement extraordinaire. Il aurait pu rater. Il a réussi. L’idée était puissante : des attaques simultanées quasi tout le long des 40 km de frontières, avec un brouillage technologique de génie, du matériel abondant (mais comment financer 5 000 roquettes qui sont 5 000 missiles ?) et finalement des milliers d’hommes. Et il faut ajouter sans une fuite, sans être entendu des services secrets israéliens.
Alors bien sûr, Steve Jobs dans son retour chez Apple travaillait dans le secret et Apple a conservé cette habitude. Les entreprises sont nombreuses à le pratiquer, à émettre des faux brevets, de fausses annonces d’emploi. Se faire surprendre par son concurrent est une obsession. Se laisser surprendre peut être compensé par la puissance, mais le traumatisme reste.
Le troisième signal faible : la technologie et l’Intelligence Artificielle en cause
Incontestablement le Hamas s’est joué de l’un des pays les plus en pointe en technologie. La technologie israélienne a été écrasée, hackée, détruite, aveuglée. La faille a été monstrueuse, béante !nnComment faire confiance à des entreprises israéliennes défaillantes à ce point ! le système DOIT être infaillible. Il n’a pas le droit à un pouillème d’erreur. Il faut partir du fait qu’une technologie est une somme de faiblesses et qu’il faut sans cesse les corriger et si l’on croit les avoir toutes corrigées, il en reste une. Oui, une.
Toute l’informatique d’entreprise est-elle connectée ? Où sont les pare-feu ? Quelles sont les séparations. Que se passe-t-il en cas de panne d’électricité ? De panne de satellites ? Quels sont les degrés d’autonomie, d’indépendance des circuits ?
Et surtout ,s’il n’y a plus rien … que fait-on ? Où est le papier/crayon, quelle sécurité de fonctionnement ? Bref : la high-tech c’est fabuleux, où en est la low-tech de l’entreprise ?
Que retenir
L’orgueil, la motivation, la technologie sont trois domaines de signaux faibles souvent négligés par l’entreprise. Carrefour, Arianespace, Kodak en sont des exemples : Carrefour n’a pas cru en la fin des grands hypermarchés, Arianespace a moqué (2006) SpaceX, Kodak n’a pas cru en un changement technologique. L’Intelligence Artificielle fait oublier l’Intelligence Emotionnelle sur bien des plans.
La leçon des premières heures de cette guerre est d’accepter l’humilité, l’hubris des Grecs anciens : imaginer la vengeance des dieux. Imaginer l’inverse de notre zone de confort.
Je repars en plongée…nnPhilippe Cahen
Prospectiviste
Dernier livre, juin 2023 : « Le chaos de la prospective et comment s’en sortir », éd. Kawann