L’AOC désigne un vin dont toutes les étapes de fabrication sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même zone géographique, en l’occurrence le vignoble, et qui donne ses caractéristiques au vin. L’AOP n’est autre que l’équivalent européen de l’AOC. Quant à l’IGP, elle désigne un vin dont les caractéristiques sont étroitement liées à une zone géographique dans laquelle se déroule au moins la production, la transformation ou l’élaboration. Leur utilité est réelle : tout d’abord, une telle appellation apporte une protection évidente au producteur. AOP et IGP ont en effet pour vocation de protéger le nom d’un vin et le savoir-faire exclusif du producteur dans tous les pays membres de l’UE. Dans un marché ultra concurrentiel, il s’agit donc d’une valeur refuge pour les producteurs. Ensuite, une appellation AOP ou IGP peut être vecteur de dynamisme économique, tout en permettant de lutter contre la contrefaçon. Enfin, elle rassure les consommateurs sur l’origine d’un vin, à condition toutefois de pouvoir s’y retrouver dans les appellations, permettant ainsi la différenciation du produit.
Avec une surface cultivée de 235000 hectares classés en AOC-AOP, le vignoble du Languedoc-Roussillon est l’un des plus grands vignobles du monde. Comment se positionne cette région sur le marché mondial?
Avec 30 appellations, les vins du Languedoc-Roussillon sont pluriels (rouge, blanc, rosé, doux naturel et effervescent). Face à la mondialisation et à ses enjeux, la Région Languedoc-Roussillon a adopté un plan viticole dont l’objectif est de permettre à la filière d’accomplir la mutation indispensable à sa pérennité. Ce plan propose une approche dynamique et globale de la filière. Outre la promotion de l’ensemble des vins sous la bannière Sud de France, ce plan privilégie trois axes majeurs d’intervention : la recherche expérimentation pour favoriser l’adaptation de la filière aux exigences du marché ; le développement de la compétitivité des entreprises vitivinicoles locales, par un accompagnement global de leur projet stratégique, et la restructuration viticole liée aux arrachages.
Un des enjeux du vin français réside dans la nécessité d’un changement de stratégie au profit de « vins technologiques ». Pouvez-vous détailler cette stratégie?
La filière vitivinicole française est demeurée trop longtemps en dehors de la logique industrielle de nos principaux concurrents (Italie, Espagne, Allemagne et vins du nouveau monde), moins embarrassés par leur histoire. La principale faiblesse de la filière vitivinicole française tient dans son absence d’industrialisation performante. Car si nombreux sont les acteurs de la filière à considérer l’innovation comme fondamentale, force est de constater que sur le terrain, la filière demeure toutefois pleine d’idées reçues. La filière vitivinicole française a certes évolué, mais pas aussi rapidement que le monde du vin et que les pratiques du business. Aujourd’hui, la filière vitivinicole française, c’est la combinaison d’une filière familiale, d’une filière du luxe et d’une filière industrielle. Et cette variété de compétences (dans la vigne, le chai, mais également dans le marketing et la conquête de nouveaux marchés), associée à une multitude de terroirs et à une expérience multiséculaire dans le choix des cépages et les méthodes de vinification, constitue un vecteur puissant de diffusion des vins français. Auquel il convient d’ajouter un a priori favorable des consommateurs à l’égard de toute étiquette portant la mention « France ».
Le constat est donc sans appel : en acceptant le constat et l’idée qu’une véritable révolution culturelle s’impose, la filière vitivinicole française doit se donner les moyens de conserver son rang. Et pour toujours demeurer au premier rang mondial, elle doit se valoriser en s’industrialisant, c’est- à- dire en innovant. Tel est le défi : proposer des vins technologiques, tout en continuant à exceller dans son savoir- faire de terroir, et à penser export jusqu’à l’obsession…nnLa vague numérique traverse également la filière vitivinicole française. Pouvez-vous nous éclairer sur les principales innovations en la matière?
La filière vitivinicole française ne cesse d’innover. Et le domaine du numérique n’est pas en reste. Citons par exemple l’étiquette numérique, arme efficace de lutte contre la contrefaçon. Ainsi, grâce à une puce Inside Secure VaultIC 150X connectée à une antenne insérée dans le goulot de la bouteille, CapSeal permet de vérifier l’authenticité d’une bouteille et d’être certain qu’elle n’a pas été ouverte auparavant. Pour empêcher le réemplissage d’une bouteille, l’étiquette est désactivée mécaniquement dès le retrait de la capsule. Il suffit ensuite de scanner cette puce intégrée via l’application mobile Selinko, et la puce confirme alors que la capsule placée sur la bouteille n’a pas été falsifiée et que le bouchon n’a pas été enlevé. Dans un autre registre, OEnotools est une application pour œnologues disponible sur smartphones de calcul et d’aide à la décision en matière de sulfitage, de conversion entre unités de mesure, d’addition de produits ou de CO2 liquide, de correction d’acidité ou d’ajout de sucre et alcool… Enfin, des sites comme Winedecider.com référencent le prix, la qualité et la disponibilité de plus de 20 000 vins et alcools dans le monde.
La France a récemment retrouvé sa place de producteur de vin au monde selon le classement opéré par l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV). Est-ce le fruit d’une remise en question (voire d’une prise de conscience) face à une concurrence toujours plus forte? Comment s’annonce l’avenir de la filière vitivinicole française?
La France retrouve cette année son statut de premier producteur mondial de vin avec une récolte en hausse de 10%, à 46,15 millions d’hectolitres. Ces chiffres sont à considérer au regard d’une production mondiale 2014 qui devrait s’établir à 271 millions d’hectolitres, en recul de 6% par rapport à l’exceptionnelle année 2013. Plus que l’année décevante vécue par l’Italie, victime d’intempéries, j’ose y voir un regain de la filière vitivinicole française et surtout l’amorce d’un nécessaire virage stratégique majeur évoqué précédemment. Si la France du vin relève le défi de produire tout à la fois des vins complexes, rares et raffinés pour demeurer la référence mondiale en matière de vins de qualité et de s’imposer sur le marché des vins de cépages, des vins de marques sur lequel s’écoulent les plus gros volumes, je lui prédis un bel avenir. Sans y perdre son âme, elle se sera alors engagée sur la voie pérenne d’une certaine forme d’artisanat industriel, proposant ainsi des vins technologiques et une segmentation plus fine de son offre, afin d’être en parfaite adéquation avec l’évolution de la demande mondiale.
Editeur: De Boeck
Préface de Sylvie Tonnaire
Prix recommandé : 22 euros