Le paysage entrepreneurial français est en passe de subir une transformation majeure avec l’abaissement du seuil de franchise en base de TVA à 25 000 euros, contre 37 500 euros pour les activités de services et 85 000 euros pour le commerce et l’hébergement jusqu’en 2024. Cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er mars 2025, concerne directement 130 000 auto-entrepreneurs d’après l’évaluation de Bercy. Mais au-delà des chiffres bruts, c’est un modèle économique qui vacille, mettant en péril 1,5 million d’indépendants, soit près de 50 % des travailleurs non-salariés cotisants à l’URSSAF.
L’enquête réalisée par le Syndicat des Indépendants et des TPE (SDI) entre le 11 et le 13 février 2025, auprès de 1 740 entrepreneurs, éclaire les conséquences profondes de cette réforme sur l’économie des petites entreprises. Contrairement aux arguments avancés par l’exécutif, qui justifie cette réforme par la nécessité d’une concurrence équitable, l’enquête témoigne d’un rejet massif des indépendants et d’un risque de basculement vers l’économie souterraine.
Un rejet unanime des indépendants face à une mesure perçue comme brutale
L’étude révèle une opposition catégorique des entrepreneurs concernés par la franchise en base de TVA. 95 % des non-assujettis dénoncent cette réforme, arguant qu’elle va alourdir leurs charges, réduire leur compétitivité et compliquer leur gestion comptable. En comparaison, 57 % des entrepreneurs déjà soumis à la TVA soutiennent l’abaissement du seuil, principalement dans des secteurs où la franchise en base est perçue comme une distorsion de concurrence.
Cette réforme leur impose un surcoût immédiat de 20 % sur leurs prix lorsqu’ils dépassent les 25 000 euros de chiffre d’affaires annuel. L’inquiétude majeure réside dans la modification des comportements économiques. Un effet de seuil se dessine : près de 40 % des répondants envisagent de plafonner volontairement leur chiffre d’affaires pour rester sous la barre fatidique des 25 000 euros. Une décision qui freinerait leur développement et limiterait leur contribution à l’économie globale.
Un risque élevé de travail dissimulé
Si l’objectif affiché est d’augmenter les recettes fiscales et de renforcer l’égalité entre entrepreneurs, la réforme pourrait avoir l’effet inverse. Les chiffres de l’enquête montrent que 40 % des micro-entrepreneurs déclarent qu’ils pourraient sous-déclarer une partie de leur chiffre d’affaires pour éviter d’être assujettis à la TVA. Ce phénomène risque d’être particulièrement marqué dans les secteurs où la TVA constitue une charge directe difficile à absorber, comme l’artisanat ou les services aux particuliers. Par ailleurs, 21 % des micro-entrepreneurs interrogés déclarent envisager d’arrêter complètement leur activité, faute de rentabilité suffisante après l’application de la TVA.
Un secteur du bâtiment divisé entre deux visions de la réforme
Parmi les professionnels déjà soumis à la TVA, le secteur du bâtiment se distingue par son adhésion à la réforme. 78 % des artisans du BTP soutiennent cette mesure, estimant que la franchise en base offrait un avantage injuste aux auto-entrepreneurs qui exerçaient dans le même secteur. Pour eux, 90 % des artisans du bâtiment sans salarié sont confrontés à une concurrence qu’ils jugent déloyale, car les auto-entrepreneurs bénéficiaient d’une exonération leur permettant d’appliquer des prix plus attractifs. Mais cette réforme ne concerne pas que les artisans soumis à la TVA. Sur les 457 000 entreprises du bâtiment sans salarié, 164 000 travaillaient en franchise de TVA en 2024, selon les chiffres de l’URSSAF. Pour ces indépendants, l’application d’une TVA obligatoire dès 25 000 euros pourrait fragiliser leur modèle économique et les obliger à revoir entièrement leur stratégie tarifaire.
L’étude du SDI met en lumière des impacts bien au-delà du simple abaissement du seuil de TVA. La réforme s’attaque directement à un modèle qui représente 60 % des créations d’entreprises sur les dix dernières années. Elle remet en cause la dynamique entrepreneuriale en imposant une contrainte qui va freiner la croissance des indépendants et inciter certains à travailler en dehors des radars fiscaux.
Le SDI propose plusieurs alternatives pour rendre cette transition plus progressive et éviter un choc brutal pour les indépendants. Parmi les pistes avancées, une TVA progressive en fonction du chiffre d’affaires permettrait d’atténuer l’effet de seuil. L’idée serait d’appliquer 10 % de TVA pour les revenus entre 25 001 et 49 999 euros, puis 20 % au-delà de 50 000 euros.
Bonjour,
Vous confondez comme beaucoup le statut (Auto entrepreneur) et le régime (en l’occurrence en franchise de base de TVA) la réforme concerne le régime ! Donc a l’arrivé il n’y aura pas que les auto entrepreneurs de concernés ! Mais environ 3.5M d’entreprises qui utilise ce régime (EI, SARL, EURL et SASU) Merci d’en tenir compte !
Date : 18/02/2025
Objet : Préoccupations quant à l’impact de l’abaissement du seuil de TVA sur mon activité d’autoentrepreneur artisan électricien
Je me permets de vous adresser ce courrier afin de vous faire part de mes vives inquiétudes concernant les conséquences que pourrait avoir l’abaissement du seuil de franchise de TVA pour les autoentrepreneurs, réforme actuellement en discussion.
Après un licenciement, et en tant que responsable d’une famille de trois enfants, j’ai dû faire face à une situation particulièrement difficile. Ne trouvant pas d’emploi et refusant de rester au chômage après 24 ans d’activité salariée, j’ai choisi de me lancer comme autoentrepreneur. Ce statut m’a permis de rebondir rapidement grâce à sa simplicité administrative et sa gestion allégée, tout en continuant à subvenir aux besoins de ma famille.
Aujourd’hui, électricien autoentrepreneur depuis 15 ans, exerçant une activité mixte (prestation de services et vente), je dois faire face à de nombreuses charges : cotisation foncière des entreprises (CFE), assurances décennales obligatoires, achat de matériel, frais de déplacement, cotisations sociales, etc. Ce statut me permet d’exercer mon métier à des tarifs accessibles tout en maintenant une rentabilité viable.
L’abaissement du seuil de TVA m’obligerait à facturer cette taxe à mes clients, ce qui entraînerait une hausse de mes prix et, par conséquent, une diminution de mon activité. Mon secteur d’activité ne me permet pas d’absorber cette hausse sans impacter directement ma clientèle ou ma rentabilité. Une telle réforme risquerait donc de fragiliser mon entreprise, comme celles de nombreux autres artisans, nous plaçant dans une impasse financière : soit nous augmentons nos tarifs au risque de perdre notre clientèle, soit nous réduisons nos marges au point de ne plus pouvoir exercer durablement.
Certains estiment que le statut d’autoentrepreneur crée une concurrence déloyale. Cependant, il est important de rappeler que ce régime a été conçu pour permettre à des travailleurs indépendants d’exercer légalement avec une gestion simplifiée, et non pour contourner les obligations des autres formes d’entreprises. D’ailleurs, si ce statut était aussi avantageux que certains le prétendent, beaucoup d’entreprises feraient le choix d’y basculer, ce qui n’est pas le cas. La réalité est que l’autoentrepreneur ne peut ni déduire ses charges ni dépasser un certain chiffre d’affaires, ce qui limite considérablement son développement. Malgré ces contraintes, ce cadre reste adapté à de nombreux indépendants qui, comme moi, souhaitent simplement pouvoir continuer à travailler.
En ce qui me concerne, et compte tenu de mon âge de 58 ans, retrouver un emploi salarié serait extrêmement difficile si je devais cesser mon activité. Alors que l’État encourage le maintien des seniors dans l’emploi en raison du recul de l’âge de départ à la retraite, cette mesure va totalement à l’encontre de cet objectif. D’autant plus que, selon l’Insee, les autoentrepreneurs de plus de 50 ans représentent 40 % des effectifs. Une telle réforme risquerait de plonger une partie significative d’entre eux dans la précarité et de les contraindre à recourir à des aides sociales, alors que notre seul souhait est de continuer à travailler et à contribuer à l’économie.
Je souhaiterais donc savoir si des solutions sont envisagées pour éviter que cette réforme ne se transforme en un désastre social pour les petites entreprises et les artisans. Il me semble essentiel qu’une réflexion approfondie soit menée afin de ne pas pénaliser ceux qui participent activement à l’économie locale et au dynamisme de leur territoire.
Dans l’attente de votre retour et en espérant que ces préoccupations seront prises en compte, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.
Aura DOMINGO