Sommes-nous dans une époque messianique ?

Sommes-nous dans une époque messianique ?
Ou plutôt : allons-nous échapper à l’apocalypse ? Faut-il voir un marabout comme l’a fait Paul Pogba, 55 millions de followers sur Instagram. Ou ne pas écrire ce papier un vendredi 13 ou avec un fer à cheval sous l’ordinateur. Curieux sujet pour Le Journal de l’Économie. Et pourtant…

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Sommes-nous dans une époque messianique ?
Sommes-nous dans une époque messianique ? - © journaldeleconomie.fr

Acte I : Commençons par le début : le signal faible de la petite musique

À la fin des années 10, donc 2019, toutes nos courbes montaient… au ciel, là où ne montent pas les arbres : la production industrielle, la puissance des puces, la température sur Terre, la consommation de produits, les gaz à effets de serre, la production agricole industrielle, les kilomètres parcourus par l’Homme notamment en avion, la destruction de la biodiversité, la production de déchets…nnD’ailleurs, il y a tellement de déchets que certains pays comme la Chine refusent le papier et d’autres les déchets électroniques. La France croule sous les déchets et comme les autres pays, elle ne prend pas les moyens de les limiter. La COP21 de Paris, 2015, avait conclu à une forme de promesse sans contrainte : il faut faire attention… Il n’en fut rien ou quasi.

Consciemment, mais très superficiellement, chacun entend une petite musique que finalement on en fait trop, on consomme trop. Mais d’ailleurs on vit plutôt bien sur Terre, globalement, en meilleure santé, en meilleure éducation… et même en meilleure communication grâce à Internet et au téléphone mobile.

Même si on commence à être conscient que notre monde est de plus en plus artificiel (par exemple l’alimentation via des intrants issus de l’industrie chimique et gavée d’eau) et qu’il devient compliqué de trouver certains matériaux comme le cuivre, le talc, le palladium… et les fameuses terres rares les bien nommées. Bref, on fait des petits efforts, mais l’autre ne fait rien !nnActe II, février 2020, la Covid-19, l’apocalypse

Une maladie bien mystérieuse envahit le monde. On la suppose née dans un marché comme nos marchés de rue sauf qu’il a quatre fois la taille de Rungis, dans une petite ville chinoise, sauf avec la population de la région parisienne, dans une province chinoise… aussi peuplée que la France.

Et l’accusé de cette zoonose est le pangolin que personne ne connait et qui semble né de « Game of Thrones ». On ajoute un laboratoire secret, construit par les Français, des masques que l’on ne voit que chez les asiatiques qui seraient indispensables (le ministre Olivier Véran vient de reconnaitre qu’ils « sont » indispensables), on ajoute un mage marseillais et touts les ingrédients sont réunis pour une bataille de réseaux sociaux et de série « live » où les sachant disent « je ne peux pas affirmer que… » et les « communicants disent « moi je peux vous dire que… ».

Le sommet de cette science-fiction « direct live » est atteint avec près de 7 milliards de Terriens confinés et des morts quotidiens en France équivalents à un crash d’avion. C’est Hollywood. La peur et la magie se partagent… avec le suspens du complot.

Outre la sidération mondiale, les explications sont oiseuses d’autant qu’au bout de quelques jours, deux laboratoires inconnus affirment « moi je sais ». Entre les laboratoires pharmaceutiques manipulateurs et souvent suceurs de sang dans les livres et les séries, les antennes de 5G et les ondes électromagnétiques, la punition de Dieu, car l’Homme ne respecte pas l’ordre décrit par Lui, la punition de Gaïa – déesse de la Terre – qui se venge de l’Humain qui la détruit, les migrants porteurs de la haine de l’Autre, les scientifiques qui jouent avec le feu, les chercheurs qui ne sont que des manipulateurs… la fin du monde approche.

C’est l’apocalypse. Et de savoir ce qu’il faut manger et où il faut vivre, ce qu’il faut faire avant la fin, ce qu’il faut regarder ou ne pas regarder comme chaine d’info ou de réseau social… où aller… où ne pas aller… comme disait Harpagon.
Il faut construire le monde d’après !nnActe III, l’été 2021, le soulagement

Après la sidération et les confinements successifs revisités, l’été 2021 fut vécu comme un soulagement. Tout va mieux, les contagions sont au plus bas. Certes les règles de « distanciations sociales » – quelle expression malheureuse qui entretient le soupçon – sont maintenues, mais on recommence « à vivre ». L’économie reprend. Certes, les chiffres de l’activité sont inférieurs à ceux de 2019, 2020 étant une année blanche, mais la catastrophe annoncée n’est pas là : l’emploi reprend, la consommation reprend, les déplacements reprennent. Le « monde d’après » décrit au printemps 2020, un monde plus calme, un monde moins consommateur, un monde où l’on s’interrogerait sur la finalité du monde… est oublié. C’était un mauvais rêve. Le monde d’avant, oui. Le monde d’après, non.

Acte IV, l’automne 2021, le doute

À l’automne 2021, l’économie toussote. Déjà tendue en 2020, la fabrication de semi-conducteurs craque. La reprise est trop rapide par exemple dans l’automobile et l’électrification des véhicules, dans la 5G, dans l’internet des objets et le cloud, les ordinateurs personnels.

Les retards de livraison vont de 3 mois à 8 mois. Sécheresse à Taiwan, froid aux États unis l’hiver précédent, incendie de Renesas en mars au Japon. Se pose la question de l’indépendance de l’Occident vis-à-vis de ces produits. Cette question est amplifiée par l’explosion du transport maritime (facteur 4) par manque de main-d’œuvre dans les ports. Le pangolin est toujours vivant !nnCar la Covid a repris en Asie et le variant Omicron produit une pointe violente de contamination en décembre 21. La maladie est revenue. Les pénuries ont un impact sur les produits alimentaires. En France, l’augmentation des coûts de production est de 16,3 % en 2021. Le coût des transports explose, la demande forte de produits fait augmenter le prix du pétrole et du gaz. En décembre, le gouvernement crée un chèque inflation pour aider les ménages. C’est Lidl (+06 %) et Aldi (+0,4 %) qui ont les plus fortes croissances.

Le monde d’après est définitivement oublié. Plutôt que d’aider les « covoitureurs » pour rouler moins, le gouvernement distribue un chèque carburant pour rouler autant et crée un système bancal de promesses qui aboutit en septembre 22 à un litre d’essence à moins de 1,5 € !!!nnActe V : 24 février 2022, envahissement de l’Ukraine par les Russes. Nouvelle apocalypse

Pour certains, nous avons été prévenus : c’est la fin du monde et d’ailleurs la sécheresse et la canicule de l’été 22 sont là pour nous le rappeler. Le GIEC d’abord qui nous démontre qu’avec ou sans cette guerre et ses conséquences, le climat se réchauffe tellement vite que notre réaction doit être engendrée dans les quelques années qui viennent sous peine de submersion par les mers.

Pour les gouvernants ou prétendants à gouverner, l’explosion sociale est à nos portes et il faut sauver le pouvoir d’achat ou le vouloir d’achat… des électeurs… la Terre attendra. Pour d’autres, c’est le début de la 3e guerre mondiale et d’ailleurs la Chine montre les dents à Taiwan, les démocraties s’effondrent, vive les démocratures ! Pour les survivalistes et leurs néo-adeptes, il faut cultiver son jardin au sens concret du terme et ici comme ailleurs on achète son bout de jardin même s’il faudra multiplier les voitures pour travailler ou aller à l’école.

Pour d’autres encore on ne sait plus s’il faut éteindre le nucléaire ou le développer, passer au tout électrique ou supprimer les voitures, multiplier les éoliennes tout en ne les voyant pas, couvrir tout espace « sans vie » de panneaux solaires quand bien même tous les panneaux viennent de Chine et les câbles de cuivre russes et le lithium d’Amérique du Sud alors qu’il faut une économie et une alimentation souveraines à condition d’éviter le travail dit pénible aussi bien physique que le week-end. La science n’a qu’a trouver les réponses, la médecine n’a qu’à nous soigner… comme à Hollywood, tout se termine bien.

De toute façon on joue à Euromillions et surtout les vendredis 13 avec un trèfle à quatre-feuilles dans la main. Que l’on soit religieux ou adepte de religiosité, les croyances se développent. Le fétichisme du 7 ou du 8, les mascottes ou les marabouts, tout est envisageable pour échapper à l’apocalypse dont on ne sait plus si l’on est coupable ou victime, si c’est une conjonction de hasards ou une fatalité, si l’on peut agir ou fatalement subir. Et Dieu, dieu, dieux dans tout ça ?

Il n’y a plus qu’à attendre le Messie !
  Je repars en plongée…
 

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa

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