L’agence Moody’s évoque des perspectives rassurantes
Les premières perspectives rassurantes sont venues de l’agence de notation américaine Moody’s qui salue la résistance des opérateurs européens, tout en nuançant ses prévisions initiales de croissance sectorielle. En comparant les données disponibles avec celles de la crise financière de 2008, Moody’s affirme que les opérateurs télécoms devraient subir une baisse modérée de leurs revenus, de l’ordre « d’un faible pourcentage à un chiffre », alors qu’elle prévoyait initialement des revenus globalement stables pour 2020.
Pourtant, le trafic du haut débit fixe a grimpé de 40 % et le trafic de voix mobile a connu une hausse vertigineuse de 50 % pendant les différents épisodes de confinement, en France et sur le reste du continent. Mais le modèle économique des opérateurs télécoms est fondé sur la tarification forfaitaire fixe, ce qui n’a pas entraîné une augmentation des recettes. En effet, le volume d’échanges vocaux ou SMS n’a pas de conséquence sur les coûts fixes des forfaits conclus par les consommateurs. Les enseignements de la crise financière de 2008 témoignent aussi des impacts de la contraction économique d’un pays et de la baisse prévisible des revenus des opérateurs. Sur ce point, la Commission européenne prévoit d’ores et déjà un recul de 8,2 % en 2020 pour la France. Au niveau européen, la baisse devrait tourner autour de 7,75 %.
Malgré un contexte socio-économique encore incertain, les perspectives de l’agence Moody’s demeurent rassurantes pour les opérateurs européens. Les capacités de trésorerie des opérateurs sont suffisamment solides pour encaisser des chocs systémiques de cette ampleur. Des ajustements sont cependant envisageables. Une réduction des dépenses support, comme le marketing ou la communication, demeure une option envisageable pour garantir la viabilité de la trésorerie. De même, une baisse des investissements à court-terme peut être envisagée, estimée par l’agence Moody’s à environ 10 %. Même une baisse généralisée du pouvoir d’achat des ménages aura des effets modérés
Dans une période où la distanciation sociale s’est largement imposée, les télécoms sont devenues des vecteurs de proximité retrouvée. En effet, le secteur est sorti grandi de la crise en irriguant tous les pans de la société et en devenant l’un des outils majeurs de maintien des relations interpersonnelles, du travail à distance, de l’école à la maison ou, plus simplement, des prises de contact ponctuelles avec les services de secours. Les infrastructures numériques se sont affirmées comme les bouées de sauvetage des gouvernements européens, en permettant une généralisation massive du télétravail dans une grande partie du secteur tertiaire. Malgré l’augmentation très intense de l’usage des terminaux pour l’éducation, le travail ou encore le divertissement, le secteur des télécoms a tenu et témoigne de sa solidité technologique. Et fait, par la même occasion, la démonstration criante de son caractère impérieux, en temps normal, comme en temps de crise.
Évidemment, la perspective d’une érosion du pouvoir d’achat des ménages européens pourrait faire craindre des conséquences dangereuses pour le secteur. Selon le baromètre Cofidis / CSA, 40 % des Français estiment qu’ils se retrouvent, après l’épisode du Covid-19, dans une situation financière dégradée. D’un point de vue plus général, les trois quarts d’entre eux affirment que leur pouvoir d’achat ne devrait pas s’améliorer cette année. La perte de revenus pour les ménages Français est, quant à elle, fixée à environ 11 milliards d’euros depuis le début du confinement, selon les économistes de l’Observatoire français des conjectures. Au niveau européen, ces inquiétudes sont aussi partagées.
La BCE estime que la hausse du chômage, inévitable, et la baisse des revenus qui y sera associée, devrait entraîner une chute généralisée du pouvoir d’achat pour une partie non-négligeable des européens. Mais voilà, le secteur a rappelé à chacun qu’il était essentiel. Ce qui, d’un point de vue purement économique, est très rassurant. En effet, les dépenses de télécommunication (forfaits mobiles et fixes) sont devenues incontournables dans le budget des ménages et aucune économie ne devrait être réalisée sur ce poste de dépense. Chez Moody’s, les craintes d’impayés sont jugées extrêmement modérées et ne devraient pas excéder les 1 % du total des consommateurs. Quelques inquiétudes subsistent
Si les perspectives demeurent rassurantes, quelques inquiétudes planent sur l’avenir du secteur qui, pendant la crise, a révélé son caractère hautement stratégique. Le secteur pâtît encore d’un manque de concentration du fait d’une multiplicité d’opérateurs au sein des pays-membres. S’ils ne sont que 4 aux États-Unis, pour 90 % des parts de marché et 3 en Chine, on en dénombre une centaine en Europe. Ce qui pourrait expliquer la stagnation économique des acteurs européens sur un marché international en mutation constante.
Difficile aussi, dans ce cadre, d’atteindre la masse critique nécessaire pour mobiliser les colossales capacités d’investissement nécessaires au déploiement des réseaux de nouvelle génération, comme la 5G. Sur ce point, les acteurs européens font face au regard suspicieux, voire au véto systématique, de la Commission européenne pour tous les mouvements de concentration sectoriels. Les telcos européens se heurtent aussi au mur réglementaire européen et aux particularités nationales, chaque État disposant de sa propre structure juridique dans ce domaine.
Dans un contexte troublé, le secteur des télécoms est, sans doute, l’un de ceux s’en étant le mieux sorti. Grâce à son caractère essentiel sans doute, mais aussi du fait de la solidité technologique des infrastructures et de la bonne résilience des acteurs aux chocs exogènes. Des prévisions rassurantes qu’assombrissent certaines inquiétudes dans un contexte où le secteur fait face à une concurrence chinoise et américaine toujours plus offensive.