Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue

Le titre du nouvel essai de Marie-Hélène Lafon qui vient de paraître chez Flammarion reprend les mots à Cézanne dans une lettre à son ami Pissarro. Pour décrire le village de L’Estaque dans le golfe de Marseille, le peintre parle de cette lumière du midi qui écrase et simplifie les formes « C’est comme une carte à jouer. Des toits rouges sur la mer bleue ».

Publié le
Lecture : 2 min
Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue
Cézanne. Des toits rouges sur la mer bleue | journaldeleconomie.fr

 Comment expliquer une œuvre ? Et comment expliquer sa création ? Ce qui permet à la source de jaillir ? C’est à ce mystère que l’auteur  nous convie. Cela commence par le souvenir de ce tableau qu’elle a vu dans une exposition en 1985. Puis, cette aquarelle de sous-bois qui illumine une exposition consacrée à Boulez en 2009. Enfin, ces mêmes mots de Cézanne qui se retrouvent en exergue de son roman Joseph publié en 2014. Si peindre pour Cézanne était « une nécessité », écrire sur Cézanne devient pour elle une priorité absolue, « J’ouvre le chantier Cézanne ».
 
La fabrique d’une œuvre

Convoquer ses propres admirations, « je rêve d’un portrait de Flaubert par Cézanne » ou d’un « livre de Giono sur Cézanne » et tenter de cerner le processus de création du peintre. Pour cela, il faut « aller sur le motif » et s’attacher à l’œuvre et aux lieux de la création. Traquer le savoir-faire de Cézanne au musée d’Orsay et au musée de l’Orangerie  mais aussi s’imprégner des paysages chers à l’artiste, Aix-en-Provence avec le Jas de Boufan et l’atelier des Lauves, et se mettre dans ses pas. Tourner autour des membres de la famille, cerner leurs pensées et leurs tourments. Avoir un peintre dans sa famille n’est jamais chose aisée, surtout quand il tarde à s’imposer.

L’auteur nous fait entrer avec délicatesse dans les non-dits et les pensées tues. Celles du père qui n’a pas l’héritier qu’il souhaite, de la mère qui croit au génie de son fils, de l’épouse qui devait « poser comme une pomme ». Celles du taiseux jardinier Vallier avec sa noble pesanteur, « un corps fait arbre, un corps paysage » mais c’est avec cet homme de la nature que la plume de l’auteur se fait poétique quand elle le décrit en train de poser pour Cézanne de longues heures sans bouger, elle le voit « s’enfoncer en lui-même (…) il appelait ça le voyage ».
 
Une forme d’autoportrait

Marie-Hélène Lafon nous invite à mettre nos pas dans ceux de Cézanne pour nous faire comprendre l’enjeu de la mise en chantier d’une œuvre, qu’elle soit picturale ou littéraire. Des mots simples et forts comme les couleurs posées sur la toile, « J’appelle paysage le corps des pays ». Ecrire et peindre, une même nécessité, celle pour Cézanne de « réaliser ses sensations ». La force de la sensation éprouvée par l’auteur devant la grande échelle qui permettait au peintre d’atteindre le haut de la toile des Grandes Baigneuses, lui permet de convoquer cette échelle dans la cour de ferme familiale. Atteindre le haut de l’œuvre, atteindre le haut de la société. S’élever et chercher un équilibre, un accomplissement.

Pour Marie-Hélène Lafon, c’est tisser sur la trame de sa vie les fils de sa création littéraire.
 
Christine de Langle
 

Une réaction à partager ? Laissez votre commentaire
Le Journal de l'Economie est un quotidien d'information économique en ligne, fondé en 2013 par VA Press. VA Press est le premier éditeur d’information francophone entièrement dédié à l'univers corporate proposant un positionnement éditorial hybride entre l'information et la réflexion.
Suivez-nous sur Google NewsJournal de l'Économie. Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Laisser un commentaire

Share to...