Les infirmiers en pratique avancée autorisés à prescrire

La mesure était attendue depuis deux ans : les infirmiers en pratique avancée sont désormais autorisés à prescrire certains soins et médicaments. Au-delà de la réforme médicale, c’est un choix d’organisation et d’efficience économique qui est en jeu.

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La mesure était attendue depuis deux ans : les infirmiers en pratique avancée sont désormais autorisés à prescrire certains soins et médicaments. Au-delà de la réforme médicale, c’est un choix d’organisation et d’efficience économique qui est en jeu.

Le 25 avril 2025, un arrêté publié au Journal officiel a formalisé la liste des produits de santé et prestations que peuvent désormais prescrire, de manière autonome, les infirmiers en pratique avancée (IPA). Cette décision s’inscrit dans une trajectoire entamée par la loi du 19 mai 2023 et poursuivie par le décret du 20 janvier 2025, et traduit une évolution du modèle économique de la prise en charge médicale en France.

Réallocation des compétences dans un système sous tension

La mesure vise d’abord à optimiser les ressources humaines dans un contexte de déséquilibre chronique entre l’offre et la demande de soins. Le nombre de médecins généralistes disponibles continue de diminuer, tandis que les besoins, en particulier liés au vieillissement de la population et à la chronicité des pathologies, augmentent. La reconnaissance de la primo-prescription par les IPA permet de redistribuer une partie des actes de soins vers une catégorie intermédiaire de professionnels, formés à bac+5, capables de prendre en charge des patients sans validation médicale initiale.

Cette délégation n’est pas uniforme. Elle s’applique uniquement aux IPA exerçant en structure (hôpital, centre de santé, établissement médico-social, maison de santé) et exclut les professionnels libéraux, faute d’intégration dans la convention nationale. Le champ d’intervention inclut des médicaments courants (antibiotiques sous conditions, antalgiques, solutés), des examens de dépistage, des dispositifs médicaux, des arrêts de travail de courte durée et des prestations comme le transport sanitaire ou l’activité physique adaptée.

Un levier de rationalisation des coûts

D’un point de vue économique, cette évolution est stratégique. Elle permet de désengorger les consultations médicales sur des actes à faible valeur ajoutée clinique, sans pour autant diminuer la qualité du suivi. Chaque acte transféré à un IPA représente un coût moindre pour l’Assurance maladie : la rémunération des IPA étant inférieure à celle des médecins, le ratio coût/efficacité s’en trouve amélioré.

À court terme, cela pourrait réduire la pression sur les structures hospitalières et sur les cabinets de médecine générale, notamment dans les zones sous-dotées. À plus long terme, l’harmonisation de ces pratiques pourrait favoriser un meilleur pilotage des flux de soins, une anticipation des tensions sur les ressources médicales, et une meilleure gestion des parcours patients dans le cadre d’un système coordonné.

La réforme a également un impact sur la formation. L’offre universitaire doit s’adapter pour répondre à la montée en charge du dispositif. En 2019, la France comptait 63 IPA diplômés. Ce chiffre était de 751 en 2024 et devrait atteindre environ 4 000 à l’été 2025. Cette dynamique crée de nouvelles filières d’enseignement et de nouveaux débouchés dans les filières paramédicales.

Une réforme mesurée mais structurante

Le décret du 20 janvier 2025 a défini les modalités d’accès direct aux IPA, ouvrant la voie à l’arrêté d’avril 2025 qui détermine les listes précises de prescriptions autorisées. Ces listes sont scindées en deux volets : une liste commune à tous les IPA, quelle que soit leur spécialité, et une série de listes spécifiques adaptées aux domaines d’intervention (oncologie, psychiatrie, pathologies chroniques, urgences).

Le texte encadre strictement les modalités de prescription : certaines prestations nécessitent un diagnostic médical préalable, et le renouvellement des prescriptions impose, sauf cas d’urgence, une concertation avec un médecin. Ce garde-fou vise à limiter les risques médico-légaux et à maintenir un pilotage médical du système.

Les IPA ne remplacent donc pas les médecins mais s’insèrent dans un modèle hiérarchisé de délégation de compétences, avec un périmètre bien défini. Leur rôle est celui d’un relais opérationnel, au sein d’équipes coordonnées, destiné à renforcer la réponse de premier recours sans perturber l’équilibre global du système.

Un impact territorial différencié

Le principal enjeu de cette réforme est territorial. Les zones rurales et les quartiers urbains sensibles sont les plus touchés par la désertification médicale. C’est dans ces territoires que l’apport des IPA est potentiellement le plus décisif. En facilitant un accès plus rapide à certains soins, cette mesure peut améliorer les indicateurs d’accès aux soins, réduire les renoncements, et diminuer les recours aux urgences évitables.

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