Journal de l’Economie : Mis à part le CIR, quels sont les autres leviers de financement public de l’innovation accessibles à la plupart des entreprises ?
Stéphane Sapolin : Il existe de nombreux autres leviers de financements publics que le CIR. En fait, le CIR, bien qu’étant un dispositif important, n’intervient que tardivement dans le lancement d’un projet. C’est un financement qui est considéré comme indirect. Lorsqu’une société souhaite obtenir un financement public pour lancer un projet, elle fera plutôt appel aux financements directs, subventions, avances remboursables, prêts d’honneur ou à taux zéro. Là encore, il est nécessaire d’analyser les besoins et la structure de l’entreprise, l’avancée du projet, etc. avant de préconiser une orientation vers telle ou telle aide directe spécifique.
Il est à noter que la BPI a lancé en 2013 deux dispositifs d’aides considérées comme directes. Le premier concerne le CIR, ou plus exactement le PréfiCir, dispositif de préfinancement du CIR pour les PME, qui évite à l’entreprise d’attendre l’année suivante pour en bénéficier. Attention toutefois, il s’agit d’un prêt présentant des frais de dossier et des intérêts financiers aux alentours de 4.5 %. Le deuxième est le Prêt Pour l’Innovation (PPI), qui permet le passage du projet de recherche à la production industrielle, en prenant en charge les dépenses matérielles et immatérielles d’innovation (entre 30 000 et 1 500 000 euros).
Enfin, les aides aux projets collaboratifs (FUI dans les pôles de compétitivité, Horizon 2020, pour les projets européens, etc.) peuvent représenter, tant pour les PME que pour les entreprises plus importantes, une assistance à leurs projets les plus ambitieux. Il s’agit, dans ce cas, de répartir les subventions en fonction des coûts de chaque partenaire. Au-delà de l’aide apportée par ces dispositifs, les entreprises apprennent, pour celles qui les découvrent, à travailler avec des partenaires dans un cadre défini, intégrant notamment les problématiques de confidentialité et de propriété industrielle. Une fois les connaissances de ces démarches acquises, les entreprises ayant bénéficié de ces dispositifs les sollicitent à nouveau régulièrement. Il s’agit d’un véritable tremplin, même pour les PME qui pensent ne pas être taillées pour cela, à partir du moment où elles possèdent les compétences, la maturité, un projet et l’envie !
Il existe ainsi de nombreux leviers de financements pour une entreprise qui souhaite passer les phases critiques liées à l’innovation. Il s’agit ensuite de cibler ceux qui correspondent à son projet et à son entreprise, et de créer des synergies entre ces dispositifs souvent complémentaires.
Sébastien Pichon : Il existe en effet de nombreuses subventions, trop nombreuses pour toutes les citer ici. J’encourage les PME à consulter des structures publiques ou parapubliques sur le sujet. La plupart proposent des diagnostics qui sont une très bonne première approche. A l’issue de ces diagnostics, l’entreprise peut tenter de demander une ou plusieurs des subventions identifiées, seule ou accompagnée d’un professionnel du secteur. Les CCI sont très actives sur le sujet en région. En île de France il existe également des structures, comme le Centre Francilien de l’Innovation, qui sont très dynamiques. Nous échangeons régulièrement avec les CCI ou des structures comme les pôles de compétitivité, dans le cadre de formations que nous dispensons ou de sessions d’informations.
Beaucoup trop de dirigeants de PME ont la « tête dans le guidon » lorsqu’ils pilotent un projet, et passent parfois à côté de belles opportunités. Les subventions ont un phasage différent du Crédit d’Impôt : il faut s’intéresser au sujet au début ou en milieu de projet au plus tard, voire même avant son démarrage.
Sébastien Pichon est associé au sein du cabinet de conseil EIF Innovation. Il est titulaire d’un doctorat en biologie et biotechnologie et enseigne par ailleurs la fiscalité de l’innovation à l’université Paris 7.
Stéphane Sapolin est consultant expert pour EIF Innovation depuis 2012, cabinet qu’il a intégré après une longue expérience en tant que journaliste scientifique et consultant en cabinet de conseil.