Un cadre majestueux pour un parcours intime
Pour accéder à l’exposition, il faut traverser la cour d’Honneur des Invalides. Un écrin militaire étonnant pour Picasso. L’homme n’a jamais participé à une guerre, ni même été soldat, il a été exempté de l’obligation de service militaire, mais l’artiste éprouve la nécessité d’affronter le tragique et toute son œuvre résonne des conflits du 20e siècle. C’est par une exploration inédite de ses archives personnelles et du contexte politique de l’époque que nous suivons l’évolution de l’artiste espagnol installé en France depuis 1901. Une note du ministère de l’Intérieur nous apprend que Picasso se verra toujours refuser la nationalité française, au motif qu’il fut hébergé à son arrivée en France par un ami espagnol soupçonné d’appartenir à la mouvance anarchiste.
L’artiste devant l’Europe en guerre
En 1914, son unique préoccupation semble être l’évolution du cubisme ; il pressent l’émergence d’un Nouveau Monde et cherche les formes nouvelles qui lui correspondent. Mais ses lettres envoyées à Apollinaire et Braque remplies de dessins patriotiques révèlent son souci de ses amis partis au front. Bien souvent il devance l’actualité et pressent dès 1934 avec L’Orateur le danger mortel de l’emprise des dictateurs. La guerre d’Espagne et le drame de Guernica marquent un tournant dans son œuvre. Si l’homme pleure son pays, l’artiste peint l’Histoire, mais aussi la présence féminine dans son histoire. Une présence qui souffre et qui inspire. Dora Maar, sa compagne, est La Femme qui pleure. Elle est celle qui photographie l’élaboration de Guernica, précieux témoignage du travail fiévreux de Picasso face à ce nouveau « massacre des innocents ». Sous l’Occupation, la célébrité de l’artiste attire dans son atelier les intellectuels français, espagnols, mais aussi allemands, alors que les nazis qualifient son art de « dégénéré ».
Guerre et Paix
Après-guerre, Picasso décide de mettre son art au service de la paix. Le motif de la colombe réapparaît notamment dans La Guerre et de La Paix décor de la chapelle du château de Vallauris, aujourd’hui musée Picasso de Vallauris. Au-delà de l’actualité de ses engagements politiques, l’artiste poursuit une réflexion sur les conflits armés et ceux qui en souffrent. Il se tourne vers Poussin, David, Delacroix et inscrit Les Massacres en Corée dans le sillage de Goya. Pour l’inauguration de son siège parisien en 1958, l’UNESCO lui commande une grande peinture murale, Les Forces de la Vie et de l’Esprit triomphant du Mal, connue sous le nom de La Chute d’Icare. Picasso décrit « des gens qui se baignent, tout simplement ». Il connaît la puissance d’un mythe universel et se garde bien de donner quelconque leçon. Son œuvre témoigne et atteste.
Picasso, citoyen engagé, mais avant tout peintre d’histoire du 20e siècle.
Christine de Langle