Quelle est la pire des situations que vous avez vécues dans votre carrière ?
Que nous soyons pompiers, policiers, gendarmes ou militaires, les pires situations sont toujours celles où nous n’avons pas la possibilité d’agir véritablement sur notre environnement. La mort des enfants est par exemple quelque chose de particulièrement dramatique dans nos interventions. Pour moi c’est le tremblement de terre au Népal qui est certainement l’opération qui m’a le plus marqué à cause de cette impression de n’être qu’une goutte d’eau au milieu de ce drame immense.
Vous sortez ce livre peu de temps après le sacrifice du Colonel BELTRAME, comment peut-on donner sa vie pour sauver une inconnue ?
On n’entre pas dans les forces de sécurité intérieure ou chez les pompiers dans le but de perdre la vie. Au contraire, le sens de notre action est de la préserver. Cet engagement qui nous porte est empreint de valeurs. Si les raisons de nos engagements sont toutes différentes en fonction de nos histoires personnelles, le socle de valeurs communes qui nous portent se regroupe pour la majorité d’entre nous autour de l’altruisme. On ne s’engage pas pour soi, mais pour les autres. Le cas du Colonel BELTRAME est l’illustration du don de soi, dans le but de protéger, de sauver la vie. Il ne s’est pas sacrifié avec l’idée de perdre sa vie, il a simplement agi en homme de bien, dans l’unique but de neutraliser le terroriste. Les acteurs de l’urgence sont conditionnés par l’entraînement à « savoir faire face » à l’ensemble des situations d’intervention, ce livre en explique les processus.
À qui s’adresse votre livre ?
Il s’adresse à celles et ceux qui souhaitent comprendre ce « comment fait-on » dans les situations exceptionnelles. Au sein des entreprises, dans les domaines sportifs ou même dans sa famille, les situations de crise ne sont jamais simples à gérer. En alternant récits opérationnels, concepts sociologiques et techniques d’intervention cet ouvrage est une véritable source d’inspiration et d’apprentissage pour les membres des forces de sécurité intérieure comme pour chacun d’entre nous.
Vous traitez de la gestion des conflits, c’est un essentiel dans le bon fonctionnement d’une équipe ?
Dans les équipes d’intervention spécialisées tels le RAID ou le GIGN, comme dans les plus modestes casernes de pompiers, les équipes sont composées d’hommes et de femmes qui ne sont rien d’autres que des être émotionnels, des personnes ordinaires qui ensemble font des choses extraordinaires. D’une façon bien plus large que celle de la gestion des conflits, c’est de management d’équipe qu’il s’agit dès lors que nous voulons analyser les piliers de la réussite collective. Des tensions qui peuvent naître au sein d’une équipe à la magie collective qui transcende l’individu dans la puissance du groupe, c’est de courage managérial qu’il faudra faire preuve dans la gestion des situations de crise. Pour faire face aux environnements extérieurs, j’ai voulu également aborder les questions de psychopathologie afin de comprendre que nos « adversaires » ne sont jamais identiques et que l’on ne doit jamais penser que des interventions sont plus banales que d’autres. Le risque est permanent.
Vous ne parlez que des pompiers, des policiers, des militaires et des gendarmes dans votre ouvrage, ils sont les seuls à vivre ce type de situations ?
Non bien au contraire ! J’aurais aimé être exhaustif et pouvoir traiter de l’ensemble des acteurs de l’urgence, qu’ils soient des domaines publics ou privés. Il m’a fallu ne sélectionner que ces quatre acteurs, régaliens, pour tenter d’en comprendre les modes de fonctionnement. Ce livre n’est pas une fin en soi, il est le départ d’un travail qui devra prendre en considération les évolutions de la société avec son contexte terroriste, ces changements générationnels, l’impact du numérique sur les modes de pensée, c’est infini.
Les techniques d’optimisation des potentiels utilisées par les unités d’intervention sont-elles transférables vers l’entreprise ?
J’ai beaucoup travaillé dans l’interaction, qui est aujourd’hui très acceptée par les entreprises, entre le monde sportif et le management. Mon expérience de l’accompagnement des sportifs de haut-niveau m’a beaucoup servi dans le transfère des impulsions mentales nécessaires dans la préparation d’une finale olympique vers des recherches de performance commerciales par exemple. En modélisant les « bonnes pratiques » des unités d’interventions, des liens indiscutables se dessinent entre l’accompagnement des performances individuelles et collectives vers des entreprises qui sont confrontées à des situations complexes de recherche de performance ou de gestion de crises. L’optimisation des potentiels humains en est l’outil fondamental.