Télécoms : le niveau des prestations à l’origine de la rupture entre Orange et Scopelec ?

L’entreprise coopérative Scopelec est un acteur reconnu des solutions techniques pour les télécoms. Mais son principal client, le nº1 de la téléphonie française Orange, vient de mettre un terme aux principaux contrats qui liaient les deux entités, non sans raison. Au total, 1900 emplois sont sur la sellette sur l’ensemble du territoire. Coup de projecteur sur la question.

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Télécoms : le niveau des prestations à l’origine de la rupture entre Orange et Scopelec ?
Télécoms : le niveau des prestations à l’origine de la rupture entre Orange et Scopelec ? - © journaldeleconomie.fr
Le dossier fait la une de la presse régionale : 300 emplois menacés sur le site d’Appoigny dans l’Yonne, 500 emplois en Occitanie où Scopelec est basée, 600 emplois en Nouvelle-Aquitaine, un nombre encore indéterminé à Andrézieux-Bouthéon dans la Loire … Au total, au moins 1900 salariés de Scopelec – sur 3800 – seraient aujourd’hui menacés d’aller pointer à Pôle Emploi au printemps prochain. La raison ? Le non-renouvellement le 23 novembre dernier de deux des trois contrats liant l’opérateur de téléphonie Orange à son sous-traitant historique.
 
Scopelec, une coopérative historique
Le nom de cette entreprise n’est pas le plus connu du grand public. Pourtant, sans le travail de ses employés ces dix dernières années, villes et régions de France n’auraient pas connu le déploiement d’équipements électriques et numériques dédiés à la fibre. Malheureusement, de mauvais choix et la baisse du niveau de ses prestations semblent être à l’origine de la remise en cause de ce statut de partenaire stratégique.
 
Depuis sa création en 1973, Scopelec travaille en partenariat avec Orange (ex-France Telecom). Basée à Sorèze, une petite commune du Tarn de 2800 habitants, Scopelec est aujourd’hui présente sur plus d’une centaine de sites répartis dans 70 départements. L’entreprise fonctionne sous le statut de SCOP (société coopérative et participative), ses salariés détenant 75% de son capital. Elle est d’ailleurs la plus importante de sa catégorie en France : en 2020, elle a réalisé un chiffre d’affaires de 428,9 millions d’euros, principalement grâce à ce partenariat avec Orange. Le non-renouvellement des contrats d’exploitation et de maintenance des réseaux télécom – d’un montant annuel de 150 millions d’euros – est évidemment une très mauvaise nouvelle pour elle.
 
Mobilisation politique, questions syndicales
Dans les régions concernées, les élus locaux s’inquiètent de la menace sur l’emploi  : trois députés de la majorité parlementaire de La République en marche (LREM) Jean Terlier, Marie-Christine Verdier-Jouclas et Muriel Roques-Étienne et deux sénateurs Philippe Bonnecarrère et Philippe Folliot ont cosigné une lettre à l’attention du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire. « Scopelec est aujourd’hui mise en grandes difficultés, à la suite de décisions pour le moins étranges de son partenaire historique, la société Orange, et qui menace la viabilité de la Scopelec, argumentent les élus de la majorité dans leur courrier. […] L’emploi de 1910 collaborateurs est menacé dont 500 sur notre région Occitanie. » Quelques jours plus tard, ils ont reçu des appuis remarqués, avec la mobilisation du président du conseil départemental du Tarn, Christophe Ramond, et celle de Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, tous deux socialistes. Une mobilisation – à droite comme à gauche – qui s’explique aussi par l’enjeu électoral de ce dossier dans la campagne présidentielle qui s’amorce.
 
Du côté des syndicats, l’inquiétude est également de mise, mais avec quelques bémols. Ils pointent en effet du doigt la trop forte dépendance de Scopelec envers Orange, grâce à qui la coopérative assure 80% de son chiffre d’affaires. En interne, Marcel Marchitti, le responsable CGT des sites de Scopelec à Perpignan et Saint-Orens, regrette que la coopérative se retrouve dans cette situation. En résumé, mettre (presque) tous ses œufs dans le même panier se paye cash : « On n’a pas su diversifier nos métiers. La direction s’est complètement plantée. Ils ont voulu augmenter les effectifs, acheter d’autres entreprises, compter surtout sur Orange, etc. Il faut balayer devant sa porte à présent. » La réalité est là : il y a eu des ratés dans la stratégie de Scopelec ces dernières années.
 
À la Confédération générale des SCOP, la déléguée générale Fatima Belharedj attend néanmoins des explications de la part d’Orange, et met en lumière le rôle que pourrait avoir l’État français dans cette affaire : « Orange, détenue par l’État à 23%, prône un discours de croissance responsable. J’entends dire par nos réseaux dans les ministères qu’Orange veut garder Scopelec comme partenaire stratégique. Mais on n’en sait pas plus. »
 
Scopelec aurait pu mieux faire
Parole à la défense à présent. Orange avance une raison essentielle à son choix de ne pas renouveler certains contrats : la baisse du niveau des prestations assurées par Scopelec. « Le choix des partenaires a été guidé par la stratégie d’Orange d’assurer un haut niveau de qualité de service partout en France, au bénéfice des clients, souligne le géant de la téléphonie. Après plusieurs avertissements ces dernières années, la qualité des prestations proposées par certains prestataires actuels, dont Scopelec qui a reçu plusieurs dizaines de mises en demeure en raison de manquements sur certains territoires, a conduit Orange à revoir l’attribution des zones confiées à chacun. Et, selon l’opérateur, cette décision « n’impacte en rien l’emploi local. Le déploiement et l’entretien des réseaux – un secteur en pénurie de main d’œuvre – s’appuie sur des emplois locaux et non délocalisables, en lien avec le volume d’activité des contrats. Un changement de prestataire n’affecte donc en rien le nombre d’emplois sur le territoire concerné. » Deux versions s’opposent donc sur le thème de la casse sociale.
 
Sur le terrain, l’objectif d’Orange est de répondre au mieux aux attentes de ses clients, que ce soit des particuliers, des entreprises ou des collectivités locales. L’opérateur ne pouvait plus attendre que Scopelec redresse la barre, ce qui explique l’arbitrage défavorable pour la coopérative occitane. Le désenclavement des territoires – et donc l’accès à un réseau numérique ultra performant – est en effet dépendant des services des entreprises partenaires, pour tous les grands opérateurs comme Orange. Chez Scopelec, des sources syndicales ne s’étonnent finalement pas de la situation, comme le révèle France Bleu : « En Aveyron et dans le Lot, il y a eu de mauvais retours sur les prestations. Parce que ce sont des territoires très étendus difficiles à fibrer, et où les politiques font énormément pression pour pouvoir offrir le haut débit à leurs administrés. » Le dossier Orange-Scopelec n’est donc finalement pas une surprise pour les intéressés.
 
Comme le dit le dicton, il n’y a donc pas de fumée sans feu… et la rationalité économique semble donner raison à Orange. En revanche, au-delà du seul cas de Scopelec, ce sont bien les salariés de l’entreprise qui doivent faire l’objet de toutes les attentions. On ne peut qu’espérer que la direction de la société agisse rapidement, dans un marché où la main d’œuvre qualifiée est rare, pour faciliter le passage de ses salariés vers les sociétés qui ont gagné l’appel d’offres.
 
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