École hors-contrat, le vrai coût de l’indépendance

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Pp Anne Coffinier
École hors-contrat, le vrai coût de l’indépendance | journaldeleconomie.fr

Ancienne élève de l’ENA et diplomate, Anne Coffinier est une figure incontournable du débat sur l’éducation en France. Fondatrice de l’association Créer son école et engagée de longue date pour la liberté scolaire, elle publie avec Guyonne de Lagarde chez Valeurs Ajoutées Éditions un guide pour « monter son école« . Entre exigence de transmission, défense du pluralisme et critique du nivellement par le bas, leur ouvrage propose de redonner du sens à l’instruction et à l’autorité des savoirs. Nous avons rencontré les autrices pour évoquer cette vision de l’école comme lieu d’émancipation, mais aussi de responsabilité.

Passer sous contrat avec l’État garantit un financement, mais impose de suivre à la lettre les programmes officiels. Pourquoi est-ce si contraignant pour les fondateurs d’écoles ?

Passer sous contrat avec l’État, c’est en effet bénéficier d’un financement public et d’une prise en charge salariale des enseignants ainsi que du coût de fonctionnement — ce qui est une aide précieuse. Mais cette aide s’accompagne de conditions strictes : l’obligation d’appliquer les programmes officiels, d’utiliser les manuels agréés, de suivre le calendrier scolaire, et de se conformer aux inspections de l’Éducation nationale. On y perd aussi la possibilité de composer son équipe enseignante et de définir et gérer son budget. Pire, on y perd trop souvent le goût de la liberté.

Mais cela fait déjà de nombreuses années qu’il est rarissime d’obtenir de nouvelles classes sous contrat. Les écoles sous contrat existantes ont plus de chance d’obtenir des classes sous contrat supplémentaires que les écoles école hors contrat. C’est la prime aux réseaux confessionnels déjà en place et qui possèdent des instances de négociation avec le ministère de l’Education nationale.
Suivre “à la lettre” les programmes officiels revient souvent à diluer cette l’identité de l’école. C’est renoncer à la liberté de rythme, de pédagogie, de programme. On perd en liberté ce qu’on gagne en financement.

Dans les faits, beaucoup d’écoles ne sont pas hors contrat par choix : même lorsqu’elles sont volontaires et remplissent les conditions, le contrat leur est le plus souvent refusé par manque de moyens financier.

La liberté a un prix : enseignants à rémunérer, locaux à financer, assurances à payer, … Quels arbitrages concrets doivent faire les directeurs d’établissement pour maintenir l’équilibre budgétaire ?

La liberté a un prix. Le modèle économique des école indépendantes est souvent fragile. Les écoles doivent fonctionner sans aucune aide publique tout en maintenant des frais de scolarité abordables pour les familles.
Ces contraintes exigent des arbitrages permanents :

  • Prioriser la qualité de l’enseignement sur le confort matériel ;
  • Constituer des équipes réduites mais très engagées ;
  • Et surtout, mobiliser le mécénat et les bonnes volontés des familles pour réaliser certaines tâches à moindre coût.

Avec la Fondation Kairos pour l’innovation éducative- Institut de France ; nous nous efforçons de les aider à mettre en place une politique sociale avec des bourses sociales permettant de consentir aux enfants issus des familles peu aisés des tarifs réduits. Au-delà, nous réclamons la mise en place de l’égalité des financements publics pour tous les enfants, qu’ils choisissent d’être scolarisés dans le privé ou le public.

Quelles stratégies recommandez-vous aux fondateurs : rester hors contrat à tout prix, ou envisager un compromis en contractualisant seulement certaines classes (comme la maternelle) ?

Il n’existe pas de réponse unique. Tout dépend du projet, et du degré d’indépendance que l’on souhaite préserver. Le plus souvent les écoles qui souhaitent passer sous contrat ne le peuvent pas par manque de moyens publics.

Pour certains établissements, le contrat risquerait de dénaturer le projet fondateur, d’affaiblir l’exigence ou la cohérence pédagogique. La voie médiane serait de passer un contrat simple, qui permet plus de souplesse pour les écoles. Mais ce n’est possible que pour le primaire
L’essentiel est de ne jamais perdre de vue le cœur du projet qui a conduit à la création de l’école. Nous invitons donc les écoles à faire un choix réfléchi. C’est l’histoire de la fable du chien et du loup. Les deux attitudes face au défi éducatif sont possibles.

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