Journal de l'économie

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​Les nouveaux défis de la vente immobilière





Le 18 Juin 2019, par Nicolas Lerègle, avocat, Frics

La FNAIM a été créée après-guerre pour organiser la profession d’agents immobiliers qui étaient concurrencés par les coiffeurs, chez qui on racontait sa vie, et les gardiens de la paix, statiques aux carrefours qui connaissaient tout de tout le monde. Dans les années 70 les mêmes furent dotés d’une carte professionnelle délivrée par la préfecture de police, on se demande pourquoi si ce n’est pour démontrer que l’image de cette profession n’était pas éblouissante. Cette carte est aujourd’hui délivrée par la CCI, ce qui semble plus logique.


Aujourd’hui, concurrencés par les particuliers, les notaires, les avocats, les huissiers… en somme par tout le monde ou presque, les agents immobiliers voient s’ouvrir un nouveau front celui de la vente virtuelle et de l’autoagence personnelle. Les sites en ligne se multiplient pour permettre à tout à chacun de recourir à des agences virtuelles aux commissions très compétitives comprises entre 0,5 et 1,5 % de la valeur du bien. De même sont proposées des solutions d’assistance destinées aux particuliers leur permettant, sur le principe, de vendre, ou d’acheter, un bien immobilier de façon autonome en s’évitant, moyennant quelques centaines d’euros, les frais d’agence, mais en ne coupant pas à l’organisation des visites.

Ce qui se passe dans ce métier n’est pas une exception. Les avocats ont vu, ces dernières années, se multiplier les « legal techs » proposant contrats et suivis de procédures (divorce, infractions routières…) à des tarifs forfaitaires ou horaires affichés de 30 à 80 % moins chers que ceux habituellement pratiqués en cabinet. Pour autant, cela n’a pas eu un effet trop visible sur cette profession. Certes il y a eu un effet de mode, une volonté de saisir la bonne affaire du contrat à prix cassé, puis après quelques temps les clients se sont aperçus que les contrats rédigés depuis Casablanca ou Pondichéry pouvaient être moins adaptés qu’espérés et, qu’à un moment, le conseil en face à face était indispensable. Ne survivront alors que les sites rattachés à des cabinets ayant pignon sur rue et pouvant apporter, au-delà d’une accroche commerciale virtuelle, le relationnel et le conseil que toute personne confrontée à une problématique juridique souhaite avoir à un moment ou à un autre.

On peut penser que le même mouvement va s’opérer dans le monde de la transaction immobilière.
Il y a beaucoup d’agences immobilières en France. Il est délicat de dire trop, mais beaucoup c’est déjà trop. Peu de barrières à l’entrée de cette profession, des moyens de travail qui peuvent se limiter à une tablette, la perspective de gains rapides et conséquents justifient cette situation de marché. Une confusion entre agent immobilier, agent commercial, « conseil » qui ne sert pas cette profession. Le terreau pour le développement et la multiplication d’offres alternatives était donc fertile. La transaction « faite maison » c’est pas de mandat à signer, pas de visite à répétition, pas de commission à payer, pas de discussion byzantine avec un agent qui souhaiterait vous voir baisser votre prix pour favoriser une transaction dont il serait le bénéficiaire.

Tout cela est exact comme il est vrai aussi que cette situation n’a pas que des avantages. Une visibilité de l’offre qui est différente de celle d’une agence, une gestion des visites contraignantes, une insécurité juridique potentielle qui peut être source de contentieux au regard de la somme documentaire à fournir pour pouvoir vendre sereinement un bien, une méconnaissance du marché de référence du bien proposé, un risque de multiplication des différends pour des compromis aux rédactions hasardeuses ou incomplètes, etc. Mais surtout cette approche individuelle et virtuelle de la vente immobilière occulte la dimension-conseil que tout acheteur souhaite avoir pour ce qui représente souvent le plus important investissement de sa vie. Or le vendeur n’est généralement pas le plus objectif dans de telles circonstances.       
      
Il y a donc un effet de mode aujourd’hui pour de telles offres qui se multiplient et viennent proposer des alternatives aux agences traditionnelles. On peut être certain qu’à terme une sélection naturelle va s’opérer tant au niveau de ces offres que des agences immobilières.

Pour les solutions « home-made » ne subsisteront que celles qui apporteront les meilleures garanties de sécurité juridique – carte T, assurance professionnelle, compétences immobilières, synthèse et collecte documentaire – et d’efficacité commerciale – maîtrise de l’offre et de la demande sectorielle, expertise des valeurs, argumentaires de négociation –, y compris, pourquoi pas, la gestion des visites du bien. On le voit, un panel de prestations qui n’est pas à la portée de tous.

Pour les agences, cela pourrait aboutir à l’exclusion de toute forme d’amateurisme et le recentrage sur des professionnels aguerris, connaissant leur marché d’implantation. La reconnaissance de leur aptitude à la négociation, sachant justifier par leur valeur ajoutée les commissions demandées. En somme, refaire de leur mandat un instrument de sécurisation juridique pour leur clientèle et pas simplement le justificatif d’une commission.

Et, là aussi, tout porte à croire qu’un rapprochement s’opérera naturellement entre les sites les plus performants et les agences les plus professionnelles et les mieux implantées. La réussite de ce rapprochement est assurément le grand défi des 5 prochaines années qui doit être relevé par les professionnels de la vente immobilière.                                                                                                       

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Nicolas Lerègle, avocat, Frics


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