Journal de l'économie

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2020-2050, les Trente Terribles





Le 21 Décembre 2022, par Philippe Cahen

Après les Trente Insouciantes, 1990-2020, où le monde s’est ouvert à l’Usine du Monde sans percevoir les signaux faibles de l’Université du Monde, nous sommes entrés dans les Trente Terribles, partagés entre sauver l’Homme sur Terre, ou sauver la Terre pour l’Homme. La prospective est aussi un choix.


Image PxHere
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L’accord de Kumming-Montréal semble aller dans le bon sens…
 
Cet accord en soi positif, comme l’accord de la COP 27, ne tient pas compte de la donnée suivante acceptée de tous et qui modifie profondément la considération de l’environnement.

Le 15 novembre 2022 a été le jour des 8 milliards de Terriens. Si la fin du siècle est partagée entre une hypothèse de 4 à 12 milliards, les démographes s’accordent à l’hypothèse maximale de 9,5 à 10 milliards de Terriens vers 2045. Donc en 20 ans, la Terre va s’accroitre d’un quart d’habitants, essentiellement urbains, nécessitant – en incluant les montées en villes - la construction de 500 à 800 millions de logements avec les écoles, hôpitaux, bureaux, commerces, usines… qui les accompagnent.

À ce jour, nous n’avons pas le sable pour y répondre. Le sable ! Auquel il faut ajouter l’eau, les matériaux de construction, de transport, de communication, etc.
Pour autant, ces deux milliards de Terriens vont naitre dans les 25 ans. Il faut en tenir compte.

Cet accord – à population constante - est à l’image du dilemme qui se pose sur la perception du temps. Comme les branches du temps a priori incompatibles d’une tenaille. Elles partent du présent sans se préoccuper d’un futur très proche.
 
Une branche de la tenaille : sauver la Terre pour l’Homme
 
Cette branche est particulièrement soutenue par les partis écologistes, les ONG en général. Elle ressort massivement d’une lutte contre la pollution par les GES (gaz à effet de serre) et en particulier le carbone.

Pour les actions principales exigées, il faut passer à l’énergie renouvelable (arrêter le nucléaire et les énergies fossiles), réduire tous les transports à énergie thermique (route, air, mer), toutes les productions industrielles en cause (rejetées hors des « pays développés ») et il faut modifier l’alimentation notamment avec moins de bovins, car forts consommateurs d’eau, diminuer toute consommation de produits industriels.

D’une manière générale, l’environnement préindustriel de 1850 est la référence donc avec un retour au local en habitat, production alimentaire, et activité.

Ces acteurs optent pour des résultats très courts – cinq à sept ans, optant pour l’immédiateté de la mise en œuvre, la seule possible compte tenu de l’urgence climatique.

Parmi ces partisans, certains (collapsologues et survivalistes) admettent que l’existence de l’Homme sur Terre est optionnelle si l’on veut sauver ce qui est encore sauvable de la faune et la flore.
 
Une branche de la tenaille : sauver l’Homme sur Terre
 
Cette branche est tenue en grande partie par les industriels, les agriculteurs et les acteurs de l’urbanisme. Leurs activités sont dépendantes de l’énergie nucléaire ou thermique, de la production de la chimie, du béton et des minéraux en ayant conscience que ces dépendances sont limitées par leurs disponibilités.

Toutes les réponses industrielles proposées et connues à ce jour (recyclage des batteries, des plastiques ou du textile, fusion nucléaire donc nucléaire sans déchet, hydrogène en poudre donc stockage et transportable sans danger, agriculture sans pétrole, etc.) demandent au moins encore dix ans de mise au point pour industrialisation.

Quant aux réponses plus rapides comme les transports autonomes, le blocage vient d’industriels comme de municipalités ou de développements psychologiques liés à la peur répandue en particulier par les écologistes.
Cette branche de tenaille ne coïncide pas avec celle des écologistes. Celle-ci est celle de l’industrie lourde, y compris pour l’agriculture, des métiers à formation longue et à investissements lourds. Elle est d’aux moins dix ans. Quand celle des écologistes est de cinq à sept ans maximum.

Les deux branches de la tenaille n’ont pas la même longueur et ne se parlent pas. Ainsi se dessinent les Années Terribles. Celles de l’incompréhension, du dialogue de sourds qui bascule souvent en France à la violence verbale et physique.
 
Les Années Terribles aboutiront à la frugalité ou à rien
 
La solution prendra son efficacité dans la dernière décennie de ces Années Terribles par des actions qui commencent à se mettre en place.

Dans les années vingt, soit aujourd’hui, la taxe carbone d’importation (qui s’élargira des produits industriels aux produits de consommation comme le textile) puis celle de consommation de produits, services et déplacements des populations locales, et enfin la taxe recyclage qui encouragera la production locale et la durée de vie longue des produits, et finalement l’autorisation de mise sur le marché afin de limiter la production de produits sans apport positif, ces trois « taxes » ou « primes » ralentiront la consommation et les déplacements, réduiront la production de GES et referont naitre une production locale dans le sens de la frugalité : vivre mieux avec moins.

C’est un état d’esprit qui va changer. Les transports autonomes seront un développement naturel.
Comme pour les céréales du petit déjeuner, comme pour les week-ends en avion, ce changement générationnel prendra une vingtaine d’années à consommer moins et mieux.
 
C’est un pari du futur, une vision du futur. Aucun manche de la tenaille ne peut gagner seul. Le nucléaire est reconnu comme nécessaire. La voiture électrique est reconnue comme une impasse. Chaque manche de la tenaille doit écouter l’autre au risque d’aboutir au pire.
 
Je repars en plongée…
 
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste

Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa

 


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