Journal de l'économie

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#4 La Culture, moteur d’un nouveau Leadership. De l’art de déconfiner





Le 21 Avril 2020, par Christine de Langle

Depuis que le gouvernement a fixé au 11mai le début du déconfinement, les esprits s’échauffent et chacun se prépare à redémarrer toute activité économique indispensable à la vie du pays. Mais une récente déclaration de Franck Riester, ministre de la Culture inquiètent les responsables de musées : « Dans le champ des arts et de la culture, le déconfinement sera certainement plus progressif que dans d'autres secteurs ».


La Joconde confinée, illustration du Journal des Arts, 20/04/2020 © Sumanley
La Joconde confinée, illustration du Journal des Arts, 20/04/2020 © Sumanley
Chaque pays doit faire face à cette difficile équation : d’une part, comment ouvrir les collections publiques sans mettre en danger visiteurs et personnels. D’autre part comment réamorcer l’économie de ce secteur culturel.
 
Si nous laissions l’aspect économique pour nous intéresser au sens. Que se passe-t-il quand nous nous trouvons privés de musées ? Des initiatives remarquables venant de grandes collections mondiales nous ont permis de découvrir virtuellement expositions et collections permanentes. Comme moi, vous avez vu passé sur internet ces jeux d’appropriation des chefs d’œuvre de l’art.

Il s’agit comme l’explique Eric Biétry-Rivierre dans Le Figaro de « mimer » un tableau avec ses proches et les accessoires dont on dispose autour de soi. De photographier le résultat et de le publier sur n’importe quelle messagerie publique numérique avec une image de l’original en regard. Tout est bon pour se réapproprier ce qu’on aime et désire revoir ». Pour ce critique d’art, ce désir et cette contrainte favorisent la créativité.

Mais, au-delà de ces visites virtuelles et de ces jeux créatifs, que nous manque-t-il ? Et que vient-on chercher dans un musée?
Poser cette question, c’est poser la question du sens et de la présence.
 
L’art, de première nécessité

Que représente pour moi la visite d’un musée, le face-à-face avec un chef d’œuvre de l’art ? En quoi cette privation actuelle nuit-elle à ma vie? L’art est-il un bien de première nécessité?
 
Etienne Dumont dans Bilan, quotidien économique suisse, répond :« Un musée ce n’est pas seulement avaler une «capsule» ou jouer avec des bêtises numériques. Il s’agit surtout d’un endroit où l’on peut éprouver de vraies émotions devant des œuvres réelles. Le tout à son rythme et selon ses désirs. La visite d’un musée n’est Dieu merci pas un spectacle passif. Elle doit rester une expérience. Je dirais même une aventure ».

J’ai retrouvé un article paru dans La Croix en 2002, dans lequel Claire Lesegretain évoque ces heures terribles du Blitz à Londres, pendant la Seconde Guerre mondiale « alors que les collections de la National Gallery avaient été évacuées au pays de Galles pour les protéger des bombardements, le public demanda qu'un chef-d'oeuvre vienne régulièrement passer un mois au musée, afin que chacun puisse y puiser l'encouragement dont il avait besoin. Le premier tableau qui fut demandé fut le Noli me tangere de Titien, où Marie-Madeleine veut toucher le Ressuscité. « C'est l'expression visuelle d'un amour qui survit à l'absence physique et à la mort », explique Neil Mac Gregor, alors directeur de la National Gallery. »

A l’heure où certains se demandent dans quel état physique et psychique nous allons sortir du déconfinement, sachant que « plus rien ne sera comme avant », formule qui génère son lot d’angoisses, pouvons-nous nous priver de ce face-à-face artistique qui nourrit notre imaginaire, exerce notre liberté de penser et de nous projeter, sollicite nos émotions et notre imagination, et plus que tout, nous « remet à notre place ». La place enviée de tous ceux qui désirent recevoir et transmettre.
 
Faire une place au chef d’oeuvre

Pour en avoir fait maintes fois l’expérience, un chef d’œuvre permet toujours d’avancer. C’est la sérénité monumentale des statues de Maillol qui m’ont aidé à affronter des journées compliquées, c’est la fermeté chaleureuse d’un autoportrait de Poussin qui a accompagné certaines décisions difficiles. C’est un bouquet de violettes de Manet qui m’a appris l’importance des non-dits.

Arrêtons de nous poser la question du comment : quelles conditions doit-on réunir pour parvenir à ouvrir nos collections publiques. La réponse est entre les mains des politiques et des professionnels des musées. Mais osons nous poser la question du pourquoi : quelle force me pousse à contempler un chef d’œuvre ? Exprimons notre attente, notre manque, notre désir.

Oui, nous voulons retrouver nos chefs d’œuvre pour un nouveau face-à-face dans lequel nous allons nous impliquer, au lieu d’être ces visiteurs passifs, repus, blasés.
Pour l’instant, continuons à aiguiser notre appétit, à avoir soif, profitons de ces visites virtuelles pour nous cultiver et nous inscrire dans une durée.
Les musées retrouverons alors un public respectueux, rempli d’humilité devant ces merveilles du génie humain, admiratif et désireux d’apporter sa pierre à l’édifice. Osons l’aventure !
 
Pour votre prochain rendez-vous au musée, avec quel chef d’œuvre voulez-vous dialoguer ?
 

Christine de Langle, fondatrice d’Art Majeur
www.art-majeur.eu


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