Journal de l'économie

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Ad angusta par augusta définition latine de woke





Le 12 Juillet 2021, par Nicolas Lerègle

Le 28 juin dernier, le Figaro publie, sous un article intitulé « la culture « woke » s’immisce pas à pas dans les entreprises », une photo de Assa Traoré (sœur d’Adama) posant le poing levé et chaussée de Louboutin – offerte par la maison éponyme en signe de « solidarité contre les violences policières ».


On peut se rêver Angela Davis, égérie des Black Panthers des années 60/70, et arborer une coupe afro, mais au fond n’être qu’une fille instrumentalisant, avec le concours de médias complaisants, la mort de son frère (délinquant et interpellé à ce titre et non pour une question de couleur de peau convient-il de le rappeler).  

On peut être le chausseur des stars et rechercher sa clientèle plutôt dans les classes aisées et se découvrir une affinité avec une cause, certes louable, mais dont la porte-parole est loin d’être irréprochable. Mais après tout ne serait-ce pas un retour aux origines des semelles et talons rouges, datant d’une époque où l’aristocratie allant s’encanailler dans les bas-fonds du Châtelet – le quartier de la Grande Boucherie – avait observé que Monsieur, frère du Roi, rentrant un matin ses souliers maculés de sang et y avaient vu une mode à suivre.

M Louboutin devrait par exemple se souvenir que le succès de ses escarpins doit beaucoup à Louis XIV dont les talons rouges s’affichent sur les toiles de Hyacinthe Rigaud. Il n’est pas certain que sa clientèle, plutôt lectrice du Figaro que, paradoxalement, de Rouge, appréciera ce rapprochement et cette image et ne recherchera pas un autre Vivier pour s’approvisionner en escarpins !

Maintenant le propos n’est pas de s’étendre sur l’affaire Traoré, mais plutôt de s’interroger sur cette culture « woke » qui loin d’être éveillée comme le mot anglais le laisse à croire est au fond l’antithèse d’une culture et vise plutôt à abrutir qu’à éveiller.

Quand une « culture » vise à vouloir gommer les traces du passé qui seraient jugées gênantes par certains, à remodeler le récit historique pour juger les acteurs de celle-ci avec nos références actuelles et non celles de leur époque, à épouser des mots d’ordre qui n’ont strictement rien à voir avec notre histoire, notre culture…nous ne sommes pas dans la culture, mais bien dans une forme de négationnisme culturel beaucoup plus dangereux que l’acceptation raisonnée et analytique de notre Histoire sous toutes ses coutures.

Avec les « woke », Fahrenheit 451 n’est pas très loin et les autodafés, courants dans les années 30, pour détruire les œuvres considérées comme « dégénérées », ou plus récemment la censure extrême du gouvernement chinois vis-à-vis de toute voix discordante trouveraient tout à fait dans le « wokisme » matière à contentement.

On réécrit l’Histoire, on stigmatise des langues, des personnages historiques, des œuvres parce que, acteurs ou témoins de leurs époques respectives, ils ont eu des opinions ou comportements qui aujourd’hui, jugent certains, ne sont plus acceptables.

Que fera-t-on bientôt ?

On déboulonnera toutes les statues et plaques de rue de toutes personnes nées avant 2021 au motif qu’elles ont pu avoir des serfs ou des esclaves, des colonies ou des visées expansionnistes, avoir été gourmandes de « congolais » et « tête de nègre » sans y voir autre chose qu’une pâtisserie (diplomate, saint-honoré, et religieuse sont encore épargnés).

Doit-on remiser ses Richelieu, ses Cardigan ou Raglan, au regard des opinions dépassées de ses hommes politiques ou militaires, et ne porter que des chemises col Mao ?

La Poste espagnole lançant une série de timbres contre le racisme se voit taxée de racisme, car l’effigie de couleur a une valeur faciale plus faible que celle de l’effigie blanche. Le Diable se niche dans les détails et les woke s’intéressent beaucoup aux détails.

Observer les publicités qui passent sur nos écrans, les couples sont au choix interraciaux ou homosexuels, le mieux pouvant être le couple mixte homosexuel évoluant dans le cadre d’une famille recomposée avec des enfants de différentes origines pour être certain de n’oublier personne. Si la publicité était supposée être, un tantinet, représentative de la société, on conviendrait, sans être perçu comme réactionnaire ou vieux jeu, que nous nous éloignons de plus en plus de cet objectif. C’est un choix des entreprises et de leurs communicants, respecter la diversité est une bonne chose, mais pas au détriment d’une majorité.

Cette culture (sic) woke est le dernier avatar d’un communautarisme qui fédère tous ceux qui ne se sentent pas à leur place dans la société ou qui estiment que leurs opinions doivent prévaloir sur celles d’une majorité, par essence silencieuse, car plus à l’aise dans le monde qui l’entoure.
Mais, ce qui est nouveau, c’est que cette volonté ne se limite pas à prôner une évolution du temps présent, mais suggère et demande aussi une relecture du passé et de l’Histoire avec une claire volonté de faire disparaitre ceux qui, il y a quelques siècles, avaient le tort de ne pas raisonner comme une personne du XXIe siècle. On peut clairement parler d’un nivellement par le bas.

Les grandes entreprises qui n’ont parfois que le terme RSE (responsabilité sociétale des entreprises) en bouche pourraient utilement se rappeler que cette notion de responsabilité vise plutôt à prendre de la hauteur et non à s’aplatir devant ce qui n’est qu’une tendance.

Ad augusta per angusta (au sommet par des voies étroites) disait l’empereur romain Auguste, qui aurait le tort, aujourd’hui, de parler latin, d’avoir certainement eu des esclaves, d’avoir conquis l’Égypte en causant la mort de Cléopâtre et de Marc-Antoine et de s’être fait déifier de son vivant.
Tout l’inverse des woke en somme qui ont peut-être, aussi, inversé la citation en vue d’en faire leur devise à savoir emprunter de larges voies pour un objectif minable.
 
Ad angusta par augusta définition latine de woke



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