Journal de l'économie

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Anticiper la reprise d’activité : une nécessité





Le 22 Avril 2020, par Grégoire ROMATET, directeur des opérations chez Crisotech

Plus les jours passent, plus les annonces se multiplient, et plus il devient évident que les entreprises ne pourront pas reprendre leur activité normalement, que ce soit lorsque le déconfinement sera autorisé ou avant. Les mesures de distanciation sociale devront continuer à être imposées à tous afin de limiter la propagation du virus sur le territoire national et d’éviter un nouveau pic épidémique, qui mettrait en grande difficulté, une fois de plus, notre système de santé.


Repenser les modes de travail, l’organisation de la production, remettre en route les chaînes logistiques dans le bon ordre de priorité… sont autant de bouleversements majeurs sur lesquels doivent plancher les entreprises aujourd’hui : préparer la reprise de l’activité dans des conditions qui permettent d’assurer la sécurité sanitaire de tous permettra de gagner du temps, de rouvrir plus rapidement et de limiter l’impact économique et social du confinement.
 
Six thématiques doivent particulièrement être préparées pour anticiper la reprise d’activité.

1. Ressources humaines  

Respecter une distance minimale entre collaborateurs implique une réduction de la densité dans les locaux de l’entreprise. Il est donc impensable de faire revenir l’intégralité des collaborateurs le jour de la reprise. Pour éviter cela, il est utile de cartographier précisément les besoins RH des différents services et les modes de travail des collaborateurs :
  • Identifier le nombre minimum de personnes nécessaire au fonctionnement d’un service, constituer plusieurs équipes en rotation ;
  • Identifier les collaborateurs qui peuvent travailler à distance ;
  • Si la reprise d’activité se fait alors que les écoles restent fermées, identifier les collaborateurs qui ne peuvent reprendre le travail pour garde d’enfants ;
  • Si la reprise d’activité se fait alors que le déconfinement n’a pas eu lieu, identifier les personnes à risque, sur une base déclarative, pour les protéger.
Et l’actualité nous rappelle sans cesse que malgré les circonstances exceptionnelles, toutes les mesures prises doivent rester conformes avant tout au droit du travail et doivent faire l’objet d’une concertation avec les représentants du personnel en CSE et avec la médecine du travail, qui a naturellement un rôle fondamental à jouer.

2. Protéger les collaborateurs  

L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (article L. 4121-1 du Code du travail). Cette obligation est une obligation de résultat : il pourra être tenu pour responsable si un collaborateur tombe malade sur son lieu de travail. Les entreprises doivent donc anticiper aujourd’hui les matériels de protection qu’elles mettront à disposition de leurs collaborateurs lors de la reprise. On pense bien sûr aux masques (chirurgicaux ou en tissu), mais aussi aux solutions hydroalcooliques qui permettent de se désinfecter les mains rapidement et fréquemment. L’employeur peut également investir dans des thermomètres afin de contrôler la température des salariés à l’entrée du site. Il faut alors bien sûr s’assurer de la confidentialité des données recueillies qui sont protégées, informer le collaborateur sur la prise de température et la procédure à appliquer si celle-ci est anormale et former les personnes en charge de prendre la température. Enfin, en fonction du type d’activité et de la proximité induite, d’autres équipements comme des blouses ou des visières devront être disponibles.
 
Là aussi, n’oublions pas que l’employeur doit accompagner ses salariés à l’utilisation des nouveaux matériels de protection. Par exemple, un masque chirurgical mal mis ou trop longtemps porté ne sera pas efficace pour protéger le salarié et protéger les autres.

3. Logistique  

Il est facile d’interrompre une chaîne de production, il est beaucoup plus compliqué de la relancer. Ce travail nécessite une cartographie des interdépendances entre activités, réflexion certes chronophage, mais essentielle pour s’assurer qu’aucun échelon ne manquera lors de la reprise. Cela permettra également d’identifier qui doit redémarrer en priorité. Cela concerne la production, mais aussi les fonctions supports. Cela concerne les sous-traitants, mais aussi les fournisseurs et prestataires de service. Par exemple, certains fournisseurs (étrangers notamment) pourraient continuer à avoir des difficultés à approvisionner les sites de production. De même, les prestataires de nettoyage auront un rôle particulièrement important dans le cadre de la reprise, il s’agira donc de s’assurer qu’ils sont correctement formés aux nouveaux protocoles de nettoyage et de désinfection liés à la situation sanitaire actuelle. De même, le prestataire de restauration collective pourra suivre de nouvelles règles édictées par l’entreprise afin de réduire les contacts et la promiscuité.

4. Métiers  

Au-delà du respect des mesures barrières désormais habituelles et intégrées par la population, les employeurs ne doivent pas imaginer que leurs salariés pourront reprendre une activité normale : l’application de la distanciation sociale, en tout temps et en tout lieu, nécessite de nouvelles procédures qui doivent être connues et respectées de tous. Par exemple, les réunions présentielles devront être remplacées autant que possible par des réunions à distance et si elles devaient se tenir, un protocole strict devrait être mis en place. Les espaces communs devront également être repensés : la pause-café est un moment convivial d’échange entre collaborateurs, mais une machine à café est également un vecteur potentiel de contamination directe ou indirecte.
 
Cette nouvelle organisation de travail repose avant tout sur l’information et la responsabilisation des collaborateurs, qui doivent être mis à contribution de l’effort collectif. Ils pourront par exemple être eux-mêmes invités à nettoyer leurs postes de travail à fréquence régulière pour limiter la propagation.

5. Communication  

Une étude publiée par l’agence Elan Edelman en mars 2020 montre que la première attente des salariés vis-à-vis de leur employeur est d’être informés. « Pour les salariés, l’employeur est la source d’accompagnement privilégiée dans cette crise, par rapport aux gouvernements, aux entreprises de santé et aux médias ». Des communications claires sont demandées sur :
  • la manière dont les employés peuvent éviter la contamination (56 %) ;
  • les actions concrètes de l’entreprise contre le virus (51 %) ;
  • l’état des lieux régulier de l’avancée du virus dans l’entreprise (49 %).
 
Il est donc essentiel pour les employeurs de bien préparer la communication autour de la reprise d’activité. Celle-ci devra expliquer :
  • les raisons de la reprise d’activité
  • le contexte dans lequel elle se fait ;
  • les mesures prises pour assurer la sécurité sanitaire des salariés.
Cette stratégie de communication interne pourra se décliner via des messages sur différents supports, mais devra également cibler en particulier les managers qui seront au contact direct du terrain. L’objectif sera, in fine, de rassurer les collaborateurs sur le fait qu’ils peuvent reprendre leur activité dans de bonnes conditions, sans se mettre en danger.

6. Recréer un collectif de travail

La période de confinement a mis à mal les équipes de travail, le travailler-ensemble. En effet, les équipes ont été divisées entre les personnes en arrêt, car elles sont malades, les personnes en arrêt pour garder leurs enfants, les personnes en chômages partiel, les personnes en télétravail et les personnes qui ont continué à se déplacer sur leurs lieux de travail. Autant de situations différentes qu’il faudra réconcilier pour reprendre l’activité. Comment reprendre la gestion d’un projet mis de côté plusieurs mois après ? Comment redonner du sens aux tâches qui étaient quotidiennement réalisées ? L’un des enjeux de la reprise d’activité sera de recréer un collectif de travail en parvenant à fédérer à nouveau des personnes longtemps séparées. Des actions de defusing pourraient par exemple également être envisagées lorsque la situation sanitaire le permettra.
 
 
 La crise que nous vivons est la plus grave crise sanitaire depuis la guerre. Jamais l’économie n’avait été à ce point bouleversée, jamais les chaînes de production n’avaient été arrêtées si longtemps. Le confinement général décidé le 16 mars permet de préserver nos hôpitaux et de sauver des vies, mais la sortie de ce confinement s’annonce encore plus difficile. La reprise d’activité ne doit pas, ne peut pas se faire sans planification. C’est un véritable enjeu sur lequel doivent plancher les entreprises pour reprendre, dans de bonnes conditions, le plus vite possible.
 
Mais reprise d’activité ne doit pas pour autant signifier retour à la normale. Au niveau national, le gouvernement semble vouloir relocaliser un certain nombre de productions dans l’intérêt de la souveraineté nationale. La réflexion doit aussi avoir lieu dans nos entreprises : comment mieux organiser le travail, quels outils ont été inventés pendant la crise sur lesquels nous pouvons capitaliser ? Une crise telle que nous la vivons ne peut pas nous laisser indemnes. Réfléchissons et sortons de cette crise grandis en tirant les conséquences de la période exceptionnelle que nous vivons.
 



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