Journal de l'économie

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Après Hong Kong : Taiwan ?





Le 11 Janvier 2021, par Nicolas Lerègle

La Chine est un problème mondial.

Cette puissance qui n’a aucun des attributs de la démocratie tend de plus en plus à s’affranchir de toutes règles internationales pour se vivre comme une puissance au-delà des lois, certaine de son impunité.


Après Hong Kong : Taiwan ?
Ce qui se passe à Hong Kong est édifiant tout autant que prévisible. Faisant fi du traité de rétrocession de 1997 qui devait assurer 50 ans de stabilité à l’ancienne colonie britannique, la mise au pas de ce territoire s’est accélérée. Elle a été rendue possible par la complaisance d’une classe dirigeante économique dont les yeux rivés sur les courbes financières ont ignoré certaines réalités.

La première est que soumission et complaisance ne valent pas totem d’immunité. L’exemple de M Ma, patron d’Alibaba (souvent présenté comme l’homme le plus riche de Chine), disparaissant des écrans radars depuis quelques semaines devrait être, pour le moins, un avertissement.

La deuxième est que tout processus de vassalisation se traduit par un appauvrissement du territoire conquis ou dominé au profit de la puissance suzeraine. En se fondant dans l’ensemble Chine, Hong Kong va perdre progressivement, rapidement peut-être même, ses singularités et spécificités sur lesquelles étaient basés sa richesse et son modèle de société. Shanghai lorgne sur les parts de marché de Hong Kong qui ne devrait pas se bercer d’illusions sur la fidélité des acteurs financiers à son égard.

La troisième risque d’être une « fuite des cerveaux » vers des cieux plus cléments. Maintenant le réservoir humain de la Chine étant ce qu’il est cela ne devrait pas être un problème de combler les vacances.
Ce qui se passe dans le Xinjiang avec les Ouïghours ne devrait pas étonner non plus, les Tibétains depuis les années 50 vivent cette situation de sinisation. Quand un pays décide froidement d’interner plus d’un million de ses concitoyens, de les réduire aux travaux forcés, de nier autant leur identité que leur culture ou religion, on est en droit de s’interroger sur ce que serait l’attitude de ce même pays pour des personnes qui ne seraient pas ses ressortissants.

L’attitude de la Chine dans la pandémie actuelle ne peut qu’interloquer. Le secret qui a entouré les premières contaminations, la dissimulation des vrais chiffres de l’épidémie dans ce pays – à qui fera-t-on croire qu’il n’y aurait eu que 5000 mots sur un bassin de population de plusieurs dizaines de millions de personnes ? – et, maintenant, les réticences, pour ne pas dire plus, de la Chine à accueillir une mission de l’OMS venant étudier et identifier les causes de cette pandémie sont autant de raisons de s’inquiéter. Non seulement ce pays est un danger pour ses ressortissants, mais il est aussi un danger pour le monde dès lors que sa conception très particulière de la notion de « sauver la face » lui fait opter pour une attitude dommageable au plus grand nombre.

Aujourd’hui, la seule certitude que l’on peut avoir est que la Chine est le grand bénéficiaire de la pandémie actuelle. Là où les économies et les systèmes de santé de la plupart des pays sont en train de se fragiliser, l’économie chinoise se remet en marche. Là où la perspective de quelques centaines de morts dans un pays paralyse le politique et grippe l’activité il faut se rappeler qu’en Chine quelques millions voire dizaines de millions de morts comme ce fut le cas lors du « Grand bond en avant » maoïste ont été rapidement absorbés. Or les dirigeants actuels de la Chine sont les dignes héritiers politiques et idéologiques de la gouvernance maoïste. Le costume Mao a été remisé pour une coupe occidentale, mais les fondamentaux sont les mêmes.

Il ne faut pas s’étonner que dans ce contexte la Chine cherche à pousser son avantage. Vouloir faire de la mer de Chine une mer intérieure au détriment des droits de ses voisins est une ambition, de même que le souhait de récupérer – il n’y a pas d’autre mot, et ce de gré ou de force – Taiwan au sein de la mère patrie. Ne nous leurrons pas avec une analyse « judéo-chrétienne » de cette ambition qui serait freinée par la crainte de pertes en vies humaines. Rien de tel avec la Chine qui l’a prouvé, le prouve et le prouvera de nouveau, adoptant la rhétorique stalinienne qui faisait d’un mort un crime et de millions de morts une statistique.

Les seules questions qui vaillent sont de savoir quand cela se produira et que fera-t-on alors ? On écarte d’emblée une démarche a priori qui n’est plus dans l’air du temps et qui serait difficile à justifier auprès des opinions publiques sans être certain de surcroît qu’elle soit couronnée de succès. Le précédent de la guerre de Corée est là pour rappeler que dans cette région du monde les antagonismes perdurent et que les deux Corées sont théoriquement toujours en état de guerre aucun armistice n’ayant été signé !

Quand cela se produira ? Bientôt si on accepte de considérer comme telle une période inférieure à une décennie. Xi-jinping est encore au pouvoir pour quelques années, mais n’est pas éternel même si son mandat peut être renouvelé à l’envi. Maintenant si j’étais à la place de Xi c’est maintenant que je tenterais ma chance. Le Japon et l’Inde ne vont pas bouger. Aux États-Unis il y a une fenêtre de tir entre un Trump qui n’est plus président et dont apparemment on s’est assuré qu’il ne touche pas au bouton nucléaire et Biden qui ne l’est pas encore et qui n’a donc pas la main sur les troupes. Par ailleurs Taiwan qui a commandé toute une série de matériels dernier cri ne les ait pas encore reçus donc résister elle peut, mais vaincre c’est moins certain sauf à faire savoir que ce pays aurait discrètement acquis des armements nucléaires et donc dissuasifs.

Sinon 2022, les européens seront encore en phase de convalescence économique de la pandémie du Codiv-19 (si celle-ci est achevée), les élections de mi-mandat aux États-Unis auront certainement redonné une majorité républicaine au Sénat ce qui limitera la marge de manœuvre du Président. Le seul pays qui pourrait s’opposer c’est l’Inde forte d’une population équivalente et dotée de l’arme nucléaire, mais plus préoccupée par sa frontière que par une île lointaine. Le moment sera donc propice pour une action brutale, les Taiwanais ne sont pas militairement sous-équipés, mais que pourront faire les 25 millions de Taiwanais si ce n’est se rendre ou périr.

Que fera-t-on alors ? Rien évidemment ! Le temps que l’ONU prenne une résolution les jeux auront été faits et on ne voit pas se bâtir une coalition sous l’égide de l’OTAN et du Japon pour aller reprendre Taipei comme cela a été le cas en Corée en 1950, 3 ans de combat et 4 millions de morts de part et d’autre, civils et militaires rappelons-le.

Et ensuite ? Je ne sais pas, mais moi je vais aller regarder de nouveau le film de Jean Yanne « les Chinois à Paris ». En 1974 ce film était une comédie, mais peut-être qu’en 2020 j’y verrai une œuvre d’anticipation !
 
 
 
 


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