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Autorisations d’urbanisme : le Conseil d’État met fin aux demandes de pièces complémentaires dilatoires





Le 27 Décembre 2022, par Frédéric Rose-Dulcina

Le 9 décembre 2022, la Haute juridiction administrative a rendu un arrêt important constituant un revirement en droit de l’urbanisme. Désormais, en matière d’autorisation d’urbanisme, une demande de pièces complémentaires illégale provenant d’un service instructeur ne fait plus obstacle à la naissance d’une autorisation tacite (CE, 9 décembre 2022, n° 454521, publié au Lebon).


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Aux termes de l’article R.423-19 du Code de l’urbanisme, le délai d’instruction d’une autorisation d’urbanisme court à compter de la réception du dossier complet en mairie. Le caractère complet du dossier d’une demande d’autorisation d’occupation et d’utilisation des sols est établi au regard des pièces limitativement exigibles par le Code de l’urbanisme, aucune autre information ou pièce ne pouvant être exigée par l’autorité compétente comme le prévoit l’article R.431-4 du Code de l’urbanisme.
 
Les délais d’instruction de droit commun sont de :
- un mois pour les déclarations préalables ;
- deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ;
- trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager (article R.423-23 du Code de l’urbanisme).
 
Le service instructeur peut néanmoins, dans le délai d’un mois à compter de la réception de la demande, formuler une demande de pièces complémentaires auprès du pétitionnaire (article R.423-38 du Code de l’urbanisme). Le demandeur dispose alors d’un délai de trois mois pour compléter son dossier, à défaut de quoi la demande fait l’objet d’une décision de rejet en cas de permis ou d’opposition en cas de déclaration préalable. Le délai d’instruction ne commence alors à courir qu’à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie (article R.423-39 du Code de l’urbanisme).
 
Dans la pratique, de nombreux services instructeurs font un usage abusif de l’article R.423-38 du Code de l’urbanisme en faisant des demandes de pièces complémentaires infondées (non exigées par le Code de l’urbanisme), et ce afin de rallonger artificiellement le délai d’instruction.
 
Une demande de pièces complémentaires faisant naître une décision tacite de refus en l’absence de production des pièces demandées constitue une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 8 avril 2015, n° 365804, mentionné aux tables du recueil Lebon). Ces demandes de pièces complémentaires peuvent donc en principe être attaquées en justice. Toutefois, par le passé, le Conseil d’État avait jugé que si l’illégalité d’une demande de l’administration au pétitionnaire tendant à la production d’une pièce complémentaire qui ne peut être requise est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme, elle ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition (CE, 9 décembre 2015, n° 390273, mentionné aux tables du recueil Lebon). Autrement dit, le pétitionnaire n’était pas en mesure de se prévaloir d’une autorisation d’urbanisme tacite en invoquant l’illégalité de la demande de pièces complémentaires puisque cette dernière prorogeait le délai d’instruction.
 
Avec son arrêt du 9 décembre 2022, les Juges du Palais-Royal opèrent un revirement de jurisprudence en sanctionnant les demandes de pièces complémentaires illégales. Ils ont en effet considéré que « le délai d’instruction n’est ni interrompu ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle ».
 
Le principe dégagé par le Conseil d’État va sans aucun doute bouleverser la pratique des services instruisant les demandes d’autorisation d’occupation et d’utilisation des sols. Cet arrêt va immanquablement marquer un coup d’arrêt aux demandes de pièces complémentaires infondées. Quant aux pétitionnaires, il leur appartiendra d’analyser avec minutie les demandes de pièces complémentaires effectuées notamment afin de constater s’ils sont ou non titulaires d’une autorisation d’urbanisme tacite.
 
Ce récent arrêt du Conseil d’État doit être salué, car il donne sa pleine effectivité aux dispositions susvisées du Code de l’urbanisme et notamment au dernier alinéa de l’article R.431-4 dudit code.
 


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