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COVID-19 : Et nos libertés dans tout ça ?





Le 8 Avril 2020, par Maître Frédéric Rose-Dulcina

Trois milliards de personnes sont confinées à travers le monde dont 67 millions de Français. Il a fallu l’émergence de cette pandémie pour se rendre compte pour beaucoup d’entre nous de l’importance de nos libertés élémentaires telles que la liberté d’aller et venir, la liberté de se rénir mais aussi d’autres libertés comme la liberté d’entreprendre. Cette période de crise planétaire nous apprend ainsi ô combien il est difficile de concilier la lutte contre la propagation de cette épidémie et la sauvegarde de nos libertés.


COVID-19 : Et nos libertés dans tout ça ?
L’article L.3131-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est depuis quelques jours le fondement juridique de nombreuses décisions prises par l'exécutif visant à préserver la santé publique face à la menace du COVID-19.
 
Selon cette disposition, «en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie, le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population».
 
Sous l’effet de l’angoisse et de la peur, des mesures aussi radicales que le confinement général, la fermeture des commerces non vitaux et le placement en quarantaine sont largement acceptés et même approuvés.
 
Personne ne peut contester la réalité d’un « état d’urgence sanitaire » et la nécessité de mesures exceptionnelles pour juguler la pandémie. 
 
En réalité, le débat juridique ne porte pas sur l’utilité de ces mesures mais plutôt sur le fait de savoir si ces mesures restreignant nos libertés sont proportionnées.
 
Le juge administratif et notamment le Conseil d’Etat a, à maintes reprises, validé les décisions gouvernementales prises.
 
Ainsi, les Juges du Palais-Royal et certains tribunaux ont admis que :

- s’agissant notamment de la liberté d’aller et venir, le confinement de la population permet de préserver le droit au respect de la vie (CE, ord. 22 mars 2020, n°439674) ;

- s’agissant de la liberté d’entreprendre, il n’y a pas d’urgence à suspendre une fermeture administrative d’un magasin d’alimentation n’ayant pas respecté la limitation des horaires d’ouverture (TA Montpellier, ord. 26 mars 2020, n°2001502) ;

- le juge du référé-liberté du Conseil d’Etat a également refusé d’annuler le dispositif prévu durant l’état d’urgence sanitaire de fermeture des marchés sauf dérogation accordée par les préfets (CE, ord. 1er avril 2020, n°439762)

Il est à noter également que l’action des collectivités territoriales dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 est aussi encadrée par le juge administratif.
Il a ainsi été jugé que le renforcement par le maire des règles de confinement doit être justifié et proportionné aux circonstances locales. Doit ainsi être annulé un arrêté municipal restreignant trop fortement la liberté d’aller et venir des administrés (TA Caen, ord. 31 mars 2020, n°2000711).  
De la même manière, s’agissant de l’Outre-mer, la lutte contre la pandémie n’autorise pas les autorités locales à couper entièrement Marie-Galante de la Guadeloupe (TA Guadeloupe, ord. 27 mars 2020, n°200294)

D’autres questions sur la sauvegarde de nos libertés fondamentales seront sans doute tranchées par le juge administratif dans les prochaines semaines (la surveillance individuelle, le recueil des données de santé...).  
Il convient toutefois, d’ores et déjà, de s’interroger sur le monde d’après et le risque d’une banalisation de dispositifs d’exception qui ne sont acceptables dans notre démocratie que s’ils sont provisoires.
 
Cette interrogation n’est pas vaine au regard des expériences du passé. Adoptée au début de la guerre d’Algérie, la loi n°55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence a été actualisée et adaptée, jamais abrogée. Les dispositions législatives et réglementaires prises en 2014 et 2015 face au terrorisme notamment la loi n°2014-1353 du 13 novembre 2014 ont été diluées dans le droit commun.

La vigilance est donc de mise afin que la période actuelle ne soit pas le prétexte d’un état de droit revu à la baisse s’agissant du régime de nos chères libertés publiques et fondamentales.
L’état d’urgence sanitaire qui - admettons-le - est une première dans nos démocraties doit nous servir car nous aurons à faire face à coup sûr à l’avenir à d’autres épidémies.

Cette période de crise doit donc être le laboratoire des bonnes méthodes de prévention et de traitement des pandémies (il faudra sans doute par exemple mieux planifier nos possibles besoins en matière de santé publique à l’avenir).

FREDERIC ROSE-DULCINA
LEX SQUARED AVOCATS
 


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