Journal de l'économie

Envoyer à un ami
Version imprimable

COVID-19 : Le casse-tête des délais de recours contre les autorisations d’urbanisme





Le 21 Avril 2020, par Frédéric Rose-Dulcina

Une nouvelle ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de COVID-19 vient modifier des allongements de délais qui avaient été autorisés par une ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, prise également dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Plusieurs freins sont ainsi levés pour les chantiers de construction. Toutefois, des incertitudes demeurent malgré ces nouvelles dispositions.


COVID-19 : Le casse-tête des délais de recours contre les autorisations d’urbanisme
Alerté par les professionnels du BTP, qui s’inquiétaient des difficultés à relancer l’activité après le déconfinement, le gouvernement a présenté lors du Conseil des ministres du 15 avril 2020, une ordonnance modifiant celle du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Nous nous attacherons dans cet article à n’évoquer que le sort des délais de recours contentieux à l’égard des autorisations d’urbanisme que sont les décisions de non-opposition à déclaration préalable, les permis de construire, les permis d’aménager, ou de démolir.

L’ordonnance du 15 avril 2020 susvisée est venue consacrer des dispositions particulières applicables aux délais de recours contentieux qui concernent ces décisions, étant précisé que la période de protection est limitée dans ce cas à la période d’urgence sanitaire. Cette période s’étend en principe du 12 mars au 24 mai 2020 (sous réserve d’une nouvelle modification de la part de l’exécutif).

Rappelons avant tout qu’en principe l’affichage conforme d’une autorisation d’urbanisme sur le terrain d’implantation du projet de construction fait courir le délai de recours contentieux de 2 mois contre cette autorisation, et ce au titre de l’article R.600-2 du Code de l’urbanisme selon lequel «le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15».

S’agissant des délais de recours contentieux à l’encontre des autorisations d’urbanisme adoptées tacitement ou explicitement avant le 12 mars, ceux-ci ne sont pas remis en cause dès lors qu’ils sont déjà expirés à la date du 12 mars 2020. 
 
S’agissant des décisions adoptées avant le 12 mars dont le délai de recours est déjà déclenché mais pas expiré au 12 mars 2020, l’article 8 de l’ordonnance du 15 avril 2020 prévoit que les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.

En d’autres termes, lorsque les délais de recours de ces décisions adoptées avant le 12 mars 2020, ne sont pas expirés au 12 mars, ils sont suspendus à compter du 12 mars, pour reprendre à compter de la cessation de l’état d’urgence (soit le 24 mai 2020 en principe) pour la durée restant à courir sans pour autant être inférieur à 7 jours. 
 
Ainsi, à titre d’illustration, un permis d’aménager est délivré le 15 janvier 2020, et régulièrement affiché sur le terrain le 16 janvier 2020, le délai de recours devait en principe expirer le 17 mars 2020. Il n’était alors également pas expiré à la date du 12 mars 2020, et il restait à cette date, un délai de recours de 5 jours. Il en résulte alors que le délai de recours est suspendu depuis le 12 mars pour reprendre le 24 mai. Ce délai expirera 7 jours plus tard à compter du 24 mai (dans la mesure où le délai restant est inférieur à 7 jours).
 
S’agissant des décisions dont le délai de recours aurait dû être déclenché durant la période juridiquement protégée (du 12 mars au 24 mai 2020), l’article 8 de l’ordonnance du 15 avril 2020 prévoit que « le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'urgence sanitaire est reporté à l'achèvement de celle-ci ».

Autrement dit, les délais de recours contentieux à l’encontre de ces décisions, qui auraient dû commencer à courir pendant la période juridiquement protégée, sont reportés. Ils débuteront alors pour leur intégralité à compter de l’achèvement de cette période, soit à compter du 24 mai 2020. Il en résulte qu’aucun délai de recours ne peut être déclenché à l’encontre de ces décisions individuelles d’urbanisme durant la période juridiquement protégée.

A titre d’exemple, un permis de construire est délivré par un arrêté municipal du 12 mars 2020, et régulièrement affiché le 13 mars 2020 sur le terrain, le pétitionnaire étant en mesure de le démontrer, le délai de recours des tiers aurait dû en principe expirer le 14 mai prochain. Le point de départ de ce délai étant reporté, le délai de recours contentieux recommencera à courir à compter du 24 mai 2020 pour expirer le 25 juillet 2020 (délai franc de deux mois soit deux mois plus un jour).
 
L’ordonnance du 15 avril 2020 a donc apporté des précisions importantes sur les incidences de l’état d’urgence sanitaire s’agissant des délais de recours contentieux à l’égard des autorisations d’urbanisme.
 
Toutefois, de notre point de vue, des interrogations persistent.
 
Le droit au recours des tiers exige en principe que l’affichage d’une autorisation d’urbanisme (qui fait en principe courir le délai de recours des tiers) doit être rendu visible et lisible par tous à partir d’un espace public accessible.
 
Il a déjà été jugé que l’affichage d’un permis de construire sur une voie privée d’ordinaire accessible à tous mais faisant l’objet d’une interdiction momentanée de la circulation du public sur celle-ci est de nature à remettre en cause sa régularité (CAA Bordeaux, 6 janvier 2011, n°10BX00630).
 
En conséquence, l’affichage d’un permis de construire durant la période de confinement - qui consiste à limiter drastiquement la circulation du public - peut-il avoir des conséquences sur l’expiration du délai de recours contentieux ?
 
Plus précisément, une telle mesure d’interdiction de circulation du public pourrait avoir des conséquences sur l’expiration du délai de recours contre les autorisations d’urbanisme qui seraient affichées à partir du premier jour du confinement et avant la levée de cette mesure mais également contre l’ensemble de ces autorisations pour lesquelles une période de deux mois à compter du premier jour d’affichage ne serait pas encore expirée au premier jour du confinement.

Après la période d’état d’urgence sanitaire, les décisions de justice qui seront rendues dans le cadre de recours contre les décisions de non-opposition à déclaration préalable, les permis de construire, les permis d’aménager, ou de démolir apporteront sans doute des réponses à ces questions.


Maître FREDERIC ROSE-DULCINA
LEX SQUARED AVOCATS
 
 


France | International | Mémoire des familles, généalogie, héraldique | Entreprises | Management | Lifestyle | Blogs de la rédaction | Divers | Native Advertising | Juris | Art & Culture | Prospective | Immobilier, Achats et Ethique des affaires | Intelligence et sécurité économique - "Les carnets de Vauban"



Les entretiens du JDE

Tarek El Kahodi, président de l'ONG LIFE : "L’environnement est un sujet humanitaire quand on parle d’accès à l’eau" (2/2)

Tarek El Kahodi, président de l'ONG LIFE : "Il faut savoir prendre de la hauteur pour être réellement efficace dans des situations d’urgence" (1/2)

Jean-Marie Baron : "Le fils du Gouverneur"

Les irrégularisables

Les régularisables

Aude de Kerros : "L'Art caché enfin dévoilé"

Robert Salmon : « Voyages insolites en contrées spirituelles »

Antoine Arjakovsky : "Pour sortir de la guerre"











Rss
Twitter
Facebook