Journal de l'économie

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Ce que la COP 26 de Glasgow ne décidera pas





Le 2 Novembre 2021, par Philippe Cahen

La COP26 de Glasgow a pour objet de recevoir les moyens détaillés des États pour parvenir à l’objectif de limiter à + 1.5 °C à court terme - sur une hypothèse originelle de+2 °C à 2100 du GIEC - fixés à la COP21 de Paris en 2015 alors que l’on sait qu’en 2050 les +2 °C seront allègrement dépassés. Autant dire qu’il y a urgence. Glasgow ne décidera pas d’actions encourageantes ou autoritaires. Glasgow restera au niveau des vœux.


Image flickr
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En fait, la principale solution pour réaliser ces objectifs est connue : il faut dépenser moins d’énergie. Au moins y aura-t-il moins de carbone dans l’air pour prendre le principal gaz à effet de serre (il faut ajouter le méthane, le protoxyde d’azote entre autres).
 
Pour atteindre ces objectifs, il y a deux moyens principaux :
 
  1. Par l’efficacité énergétique : mieux isoler les bâtiments (bureaux, logements, sites de production, de commerce, etc.), moins dépenser d’énergie notamment par les transports routiers, aériens et maritimes, ou simplement l’éclairage des villes, remplacer le carbone (toutes les énergies carbonées : pétrole, charbon, lignite, gaz,…) par l’électricité.
     
  2. Par la sobriété énergétique en bougeant moins donc en favorisant le télétravail et la relocalisation industrielle pour le quotidien, en regroupant les logements, en incitant à moins se déplacer – ou en collectif - pour l’exceptionnel comme les visites et le tourisme.
 
Pas de décroissance, mais de meilleure croissance
 
Cette démarche par souhait est une première étape pour dépenser moins de carbone. Elle est loin d’être suffisante. Il faut passer à un niveau plus contraignant non pas de décroissance, mais de meilleure croissance. La mise en place un système positif d’encouragement à moins polluer est possible dès lors qu’il est perçu comme positif. Chacun – de l’individu aux administrations - admet aujourd’hui que jeter ou gâcher 30 % des produits alimentaires, c’est beaucoup et que l’on peut baisser ces rejets tout en mangeant aussi bien.
 
  1. Baisser la consommation des produits importés.
 
En textile par exemple, l’industrie parmi les plus polluantes (2 % des gaz à effet de serre), 70 % de notre garde-robe n’est jamais porté ! Et le plus souvent, les produits sont importés. Le prix bas du textile ne favorise ni le respect de celui qui l’a fabriqué, ni celui du produit lui-même. La fast fashion est une fast pollution et un fast remplissage de nos placards. Le prix du produit importé devrait être augmenté du prix du carbone importé et du prix du recyclage soit sans doute quelques euros, de 2 à 5 €. La somme peut paraitre faible, elle est significative pour la grande masse des vêtements achetés… et importés. Donc la consommation baissera et made in France progressera sans que l’on ne s’habille moins bien. Il est évident que le commerce de seconde main ne connait pas cette taxe !

Il en est de même pour les appareils électriques et électroniques. Depuis 2014, la croissance mondiale de ces déchets est de +3 % par an et seuls 17,4 % sont recyclés en 2020. Autant dire un danger réel pour l’environnement. Les trois quarts de ces déchets proviennent de petits appareils (rasoirs, appareils photo, smartphones, ventilateurs, etc.) quasi tous importés et vendus à vil prix. Le coût de recyclage facturé à l’achat en France n’est rien par rapport à la difficulté du recyclage. Un aspirateur vendu 31 € comprend 1 € pour le recyclage. Ce qui est ridiculement bas. 5 à 10 € par appareil serait possible et contribuerait à ralentir leur consommation sans que l’on fasse moins de photos !

L’Europe va mettre en place cette taxe de carbone importé.
 
  1. Limiter le tourisme
 
Baisser le tourisme peut être moins bien perçu, mais est devenu une réalité. Le chèque « inflation » de 100 € a été annoncé la veille d’un départ en vacances plus nombreux que pour 2019. Objectivement, nous voyageons trop. Le tourisme d’affaires semble avoir ralenti de manière définitive : moins de réunions physiques, plus de téléconférences. Mais le tourisme de loisirs est devenu mondialement trop actif. D’une part, il consomme énormément de carbone (voiture, bus, avion, navire). D’autre part il sature des lieux qui le limitent d’autorité : Amsterdam, Venise, Machu Picchu, calanques de Cassis, Mont-Blanc, etc. Enfin même et surtout sous prétexte de tourisme écologique, il déstabilise des populations autochtones dans leurs activités quotidiennes. Les prémisses de la « régulation » du tourisme se mettent en place. On « fera » moins, mais mieux, tout en utilisant son temps de « tourisme »… à prendre son temps à vivre.
 
  1. Créer un compte carbone personnalisé
 
Créer un compte carbone personnalisé devait se mettre en place il y a plus d’une dizaine d’années. La démarche est en route d’abord au niveau des États, Europe et Californie en tête. 47 régions ou pays représentant 60 % du PIB mondial pratiquent un prix du carbone. Par ricochet, de nombreuses entreprises le pratiquent et par troisième étape, les salariés de ces entreprises seront directement concernés et donc leurs familles.

Chaque dépense sera concernée, mesurée et exprimée par exemple sur le compte bancaire ou toute application à créer. Cela peut prendre 5 ans ou 10 ans, mais être dans une entreprise verte (positive pour le climat) – pour prendre la symbolique du feu tricolore - plutôt que rouge (négative) est une manière d’impliquer les familles dans leurs comportements. De légers changements de comportements peuvent avoir un impact significatif et donc encourageant pour l’environnement.
 
  1. Mettre la terre arable au patrimoine de l’humanité
 
Mettre la terre arable au patrimoine de l’humanité devrait être décidé par la COP26 de Glasgow, mais ne le sera pas. Certes, un tiers de Terriens de plus d’ici 2045/50 demande de nouveaux espaces à occuper. Mais comme une évidence, la terre agricole assume plusieurs fonctions, outre nourrir les humains et capter le carbone, des fonctions de production de matériaux de remplacement du carbone de plastiques divers, de réception des eaux de pluie, d’espaces verts et bleus de loisirs des Terriens et évidemment de biodiversité de la faune et de la flore. Cela exige une réflexion sur la « ville » et les implantations des activités de l’Homme. Et il faut avoir en tête, que la seconde partie de ce siècle devrait voir la population de Terriens baisser : autant ne pas construire aujourd’hui ce que l’on devra déconstruire demain.
 
Le propos commun est : « les gens » ne voudront jamais
 
Plusieurs anecdotes prouvent que « les gens » acceptent le changement du moment qu’il est compris : « les gens » ne fument plus dans les lieux publics.

La Covid-19 a accéléré du jour au lendemain le télétravail, la télémédecine, le e-commerce. Il est communément admis qu’une révolution de 10 ans s’est faite en 3 mois. Oh ! Bien sûr rien ne fut parfait en 3 mois. Une fois la sidération passée, les règles « sauvages » ont été adaptées à la réalité du plus grand nombre et aujourd’hui, télétravail, télémédecine et e-commerce ont trouvé leur place.

Juste pour le clin d’œil : la vente à domicile est perçue comme vieillotte, la Covid-19 l’a accélérée notamment dans les villes et les populations jeunes. Surprenant, non ? Mais sachez que la vente à domicile est en hausse permanente depuis de longues années.
La Covid-19 a modifié le monde dans la sidération. Ce n’est pas le chemin que prend le climat et la COP26. Et pourtant, les démonstrations sont probantes.

Au travers des propositions énoncées ici, on entend que la globalité ne passe pas, car semble trop contraignante et restrictive. Donc il convient de progresser ponctuellement, car en tout état de cause, ces quatre propositions sont engagées. Et il y en a d’autres.
Reste à estimer le temps disponible. La Covid-19 fut ressentie comme un TGV mondial tapant un mur, c’était sidérant, car soudain. Ici on nous annonce être au bord du ravin. N’oublions pas qu’un TGV lancé à 300 km/h, met 3 kilomètres pour s’arrêter…
 
Je repars en plongée…

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles
», éd. Kawa
 


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