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Chez les personnes âgées, on l’appelle le syndrome du glissement. Pour la France ...





Le 16 Février 2021, par Philippe Cahen

Le glissement d’une personne âgée est une forme de suicide inconscient, un abandon de soi, la perte de l’appétit, le repli sur soi, l’agressivité, le négativisme… Depuis 30 ou 40 ans, la France est sous syndrome de glissement dont le constat est inquiétant en cette crise de Covid. Disons que le patient France a un peu plus de mille ans, en 987, Hugues Capet devint roi des Francs. La période incriminée représente donc quelques mois pour un humain. Quelques jours pour la période Covid. Faisons le diagnostic.


Image Pixabay
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Le patient France témoigne depuis plusieurs décennies d’un glissement inquiétant pour lui-même et ses partenaires. En voici plusieurs symptômes.

Fatigue généralisée

Le patient semble fatigué des efforts faits dans les années 50 à 70, voire 80. La plupart de ses grands projets nationaux encore en activité sont nés à cette époque comme le train, l’industrie agroalimentaire, l’industrie automobile, l’industrie pharmaceutique, Arianespace, Airbus, le nucléaire, la politique pétrolière… L’ensemble de ces industries est en panne (automobile), en déclin (agroalimentaire, pharmacie), en mort annoncée (Airbus, Arianespace) ou souhaitée (pétrole, nucléaire). Les moteurs économiques du patient sont des sociétés privées, notamment les KOHL (Kering, L’Oréal, Hermès, LVMH). Même lorsque LVMH devient en février 2020 la première capitalisation européenne, la France l’ignore, préférant haïr les GAFA(M) devenus synonymes de haine profonde sans s’interroger « pourquoi eux et pas nous » et surtout sans se donner les moyens de les égaler à défaut de les battre. Les Next40 sont des espoirs lointains.

Refus de s’alimenter

En fait, le patient n’alimente plus son intelligence créatrice, son moteur d’ingénieurs réputés. Les laboratoires de recherche cherchent… sans motivation avec d’ailleurs un refus devenu archaïque de l’exploitation industrielle du brevet : l’argent est culturellement sale. Et il manque cruellement. Plutôt que d’encourager les Français à investir dans les laboratoires de recherche ou les entreprises nouvelles porteuses de nouveaux projets qui ne manquent pas, l’État taxe l’immobilier qu’il devrait l’encourager pour faire baisser le prix des logements et des loyers, redonner du pouvoir d’achat. Il y aurait 200 milliards d’épargnes liées à la période Covid (pas de voyage, pas de culture, pas d’événements, etc.). Il y aurait de quoi financer des projets porteurs d’espoirs. Le patient est patient. Trop patient.

Le patient s’alimente mal et modifie régulièrement et anarchiquement son régime alimentaire, ce qui perturbe jusqu’à ses partenaires. Le flux continu régulier n’est pas assuré. Le plus symbolique est le leader national de la pharmacie (parmi les cinq mondiaux), Sanofi, échouant pitoyablement dans la recherche d’un vaccin contre la Covid-19 et devenant un sous-traitant de ses concurrents les plus farouches. Il faut dire que l’esprit de précaution mine les initiatives : chez le patient France, ne rien faire est plus sûr que faire.

Comme un clin d’œil, c’est un petit laboratoire nantais, Valneva, spécialisé dans la vaccination des poules qui va peut-être sauver l’image de la France, il est franco-autrichien et son usine de production est en Écosse, les Britanniques qui le soutiennent financièrement en profiteront logiquement les premiers.

Déclin cognitif

Le patient refuse de reconnaitre ses faiblesses. Pourtant les symptômes sont criants. Les dernières « Nobelles » du patient, Esther Duflo (économie 2019) et Emmanuelle Charpentier (chimie 2020), travaillent aux États-Unis et en Allemagne, car elles sont certaines de ne pas passer leur temps à chercher le financement de leurs recherches et de leurs laboratoires. Les laboratoires pharmaceutiques AstraZeneca et Moderna sont dirigés par des Français : les compétences du patient France sont chassées, même en pharmacie ! Quant à nos ingénieurs doctorants du spatial, ils travaillent en Californie sur des projets de constellations à foison.
De plus, le patient France refuse délibérément d’admettre son affaiblissement dans son enseignement ce qui le mène frontalement à un effondrement sidéral. Le classement PISA (à l’échelle OCDE), le place en mathématiques parmi les derniers. Mais les enseignants manifestent pour une hausse de salaire, pas pour améliorer le classement PISA ! Surtout ne pas se remettre en cause, ne pas se faire évaluer : un diplôme, c’est pour la vie !

Refus de bouger

Le patient est convaincu de son savoir. Nation d’ingénieurs, il hait les « boutiquiers » (Napoléon parlant des Anglais). Il n’a pas vu il y a quinze ans que l’espace allait devenir un territoire commercial avec des satellites plus nombreux, plus petits et des lancements plus fréquents, voire sans pas de tir (lancement réussi de Virgin Orbit à partir d’un Boeing 757 en janvier 2021). L’Europe spatiale dont la France est (était devra-t-on dire) moteur a reculé au quatrième rang mondial à égalité avec l’Inde. L’Inde ! Ariane 6, décidée en 2014 devrait arriver sur le marché en 2022, mais risque de ne pas être adaptée au marché futur, les satellites de plus en plus petits : un rythme de sénateur du siècle passé que les partenaires allemands supportent de moins en moins.

Le CNES, Centre national d’études spatiales qui fête ses 60 ans, reste une administration en recherche de financement, surtout pas une société commerciale. D’ailleurs, le patient se moque de la Nasa qui a privatisé ses lancements à SpaceX et Boeing. Les industriels français de l’espace travaillent beaucoup pour l’Amérique du Nord. Thales Alenia Space vient de signer en janvier son plus gros contrat : 298 satellites pour le Canadien Telesat.

Repli sur soi

Le patient porte peu son regard sur l’autre, voire sur lui-même. Il a fallu attendre 2007 et Ségolène Royal pour que le drapeau national et la Marseillaise retrouvent leurs places, même timidement.

Récemment, il a refusé le rachat de Carrefour par le canadien Couche-Tard au titre de la protection des ressources alimentaires, pourquoi ne pas alors nationaliser McDonald’s France dont l’essentiel des produits vendus sont produits en France ?  Mais il a autorisé le rachat du Canadien Bombardier par Alstom. Le patient France loue l’ouverture à l’autre, parfois.

Le sport lui apporte quelques lueurs envers l’autre en handball, basketball, judo, ski de fond, kayak… mais surtout en football il apporte une étoile en 1998 et en 2018. Ce sont les rares occasions de fierté du patient.

En revanche, le patient est donneur de leçons pour les autres, que ce soit en Europe ou dans le monde. Il est moralisateur, écouté par lui-même, peu par les autres. Il est d’ailleurs incompris notamment sur la laïcité (concept français) et son rapport à l’islam dont la mauvaise traduction en arabe des concepts linguistiques se retournent contre le patient.

Opposition aux soins

Les derniers soins que le patient France s’est vu envisager risquent de le tuer définitivement. Comment peut-on demander la réindustrialisation du patient et dans le même temps condamner par le délit d’écocide tout industriel causant le moindre accident environnemental. Comment lutter contre le CO2 en arrêtant le nucléaire et donc investir dans un nouveau réseau de stockage, de distribution de l’électricité et donc faire imposer une électricité avec un coût trois à quatre fois supérieur à l’actuel. Comment imposer à un supermarché de vendre 20 % de sa surface de vente à des produits en vrac, le commerçant n’est-il pas libre ?

Les soins au patient français vont par imposition. Lobbies et ONG imposent leurs soins, comme les multiples conseils scientifiques, les agences diverses, le Conseil d’État, la Cour des Comptes (qui se veut moins dans le constat, plus dans le contrôle), les conseils de citoyens, les députés et sénateurs et finalement le gouvernement.

Chaque dispensateur de soin veut imposer… ses mains au patient France. Il faut dire que le patient a de la ressource. Et qu’il ne compte pas. Certains soignants disent d’ailleurs que si le patient France comptait un peu, il pourrait avoir en éducation par exemple proportionnellement autant d’enseignants qu’en Allemagne et aussi bien payés avec peut-être de meilleurs résultats scolaires. Mais cela, sacrifier un amaigrissement structurel, le patient France l’annonce, mais ne le fait jamais.

Perte d’autonomie

Le patient français est en perte d’autonomie. Il est sous perfusion étrangère à lui-même, en partie, perfusion européenne en grande partie grâce notamment aux réserves allemandes. Le patient « doudou » France distribue les chèques, comme des droits, sans devoirs en échange. L’endormissement s’étend, doucement. Son endettement gonfle d’année en année et notamment en 2020 et 2021. Sa perte de confiance en lui-même est telle que certains demandent le non-remboursement des dettes sans s’interroger sur la confiance que l’on peut avoir en l’emprunteur. Sans doute pensent-ils que le patient en syndrome de glissement est effectivement en fin de vie. Dans ce cas, il ne remboursera pas.

Recommandation

Mais le patient français n’est pas mort. Il a de la ressource et peut arrêter son glissement.
Pour cela, il faut qu’il arrête le glissement. Qu’il arrête de s’enfoncer dans son passé comme un ivrogne qui se tient à un réverbère et cherche sa clé sous la lumière. Il faut élargir la focale du réverbère et voir loin. Il faut faire un pas vers le futur et ne pas avoir peur de lâcher le réverbère, symptôme de l’attachement au passé. Le futur est là, qui tend les bras. Le patient France en a peur. Depuis trois ou quatre décennies, le monde a bien changé, et il va changer encore plus. Il faut se ressaisir. La vie d’avant est morte. Il faut être dans l’invention de la vie d’aujourd’hui est d’après à défaut d’être un parc de loisir du passé.
 
 Je repars en plongée…

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles  », éd. Kawa
 


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