Journal de l'économie

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Comment réagir face à l'entrisme islamique en entreprise





Le 2 Juillet 2020, par La rédaction

Interview d’Adel Paul Boulad, coach de dirigeants
Propos recueillis par Eric Denécé
Directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R)


Eric Denécé : Vous êtes depuis 2001 coach de performance et de leadership. Aujourd’hui, pourquoi traitez-vous du fait religieux ?

Adel Paul Boulad : Mon intérêt a pris corps au cours d’un RV avec un DG d’une PME de 600 personnes. Il s’agissait d’une visite de qualification en vue d’un coaching de motivation. Au passage je relève la diversité importante parmi les salariés et je lui demande « comment ça se passe ? » Il évoque des faits religieux qui perturbent l’organisation des équipes et leur fonctionnement. Il me montre un guide interne sur le fait religieux et ajoute, fier : « Et les cartouches sont prêtes ». Étonnant !
L’entretien se poursuit à propos de sa démotivation, du manque d’ambition du comité de direction. Quelques minutes plus tard, je reviens sur le sujet de la diversité et lui pose la question : « Mais dites-moi, ce règlement intérieur, comment ça se passe sur le terrain ? »
Déjà affaissé dans son siège, il baisse les bras. Il ne trouve pas de mots assez forts pour exprimer son désarroi. Rien ne se passe sur le terrain, le règlement dort dans un tiroir et les « cartouches » ont disparu.
C’est à ce moment que je fais le lien entre la démotivation du DG, la faiblesse du projet d’entreprise et l’individualisme régnant au CODIR : « Comment voulez-vous que vos cadres, vos chefs de plateformes se dressent avec ce règlement pour défendre le projet d’entreprise auquel vous-même vous ne croyez plus ! »
Les pièces du puzzle s’assemblent.
Le défi du fait religieux en entreprise a pour avantage de révéler les faiblesses propres à l’équipe dirigeante et son projet. Renforcer le leadership et le projet du Collectif : C’est mon métier en tant que coach depuis 2001.
De surcroît mon expérience opérationnelle en entreprise et en sport, en France et en Égypte confronté à l’entrisme islamique, je sais décrypter les comportements et agir en conséquence.
Depuis ce jour, ma priorité est de coacher les dirigeants et les managers confrontés à l’entrisme islamique, et ceux qui souhaitent le connaître pour l’anticiper.
Comment réagir face à l'entrisme islamique en entreprise

ED. Pourquoi l’appelez-vous « entrisme islamique » ?

APB : D’abord, je dirais que plus de 80 % de mes interlocuteurs ne connaissent pas ce terme. Plus connu parmi les sexagénaires, il reflète bien ce qui se passe.
Le 10 juillet 1934, l’entrisme avait fait l’objet d’un article publié dans le journal trotskiste La Vérité. Il s’agissait pour les partisans de Trotski d’infiltrer des partis politiques plus importants pour s’y imposer. En 1919, à sa période bolchévique, Trotski avait décrété l’autorisation de prises d’otages et leur exécution, justifiant la violence par la « cause prolétarienne ».
En France, dans les années 70, l’entrisme est une tactique adoptée par certaines organisations (syndicat, parti politique) et visant à faire entrer dans une autre organisation certains de leurs membres en vue d’en modifier la pratique et les objectifs. Les leaders politiques tels que Rocard, Krivine, Jospin, Arlette Laguillier et Cambadélis en étaient familiers. Ils militaient alors au sein d’organisations d’obédience trotskyste, l’AJS, la Ligue Communiste Révolutionnaire ex Rouge, Lutte Ouvrière ou ayant des courants trotskystes, notamment au PSU et plus tard au Parti Socialiste.

ED. Alors, l’entrisme islamique, comment ça marche ?

Je vais vous parler de l’Égypte puis de la France.
En Égypte, il est utile de savoir que près de 80 % des pharmaciens ne sont pas musulmans. Ils sont « coptes », c’est-à-dire des Égyptiens chrétiens. Leur faiblesse collective donne un résultat étonnant. Le syndicat des pharmaciens, résultat du noyautage et de l’entrisme, est totalement sous le contrôle de l’islam politique porté par le courant des Frères musulmans !
En France, les syndicats (CGT, FO, UNSA…), en pénurie de militants, sont parmi les cibles faciles d’entrisme de l’islam politique sur les sites industriels, dans les secteurs du transport, de la logistique, du service du numérique, etc. Chez les opérateurs télécoms, les syndicats sont dominés par l’islam militant et communautaire. Une fois installé, le syndicaliste islamique négocie avec les dirigeants, à parts égales, il s’établit dans les comités d’entreprise avec sexisme et omerta sur le mot « laïcité ». Il alterne les postures et les revendications sociales et religieuses. Comme le militant trotskiste au XXe siècle, il s’impose dans les organisations, en entreprise et au sein de son propre syndicat, et en modifie les pratiques pour son propre projet. L’islam politique s’y développe à coups d’acquis successifs et irréversibles : à la cantine, pour la tenue, les horaires, les dérogations, etc. Il entre dans les esprits des salariés et des dirigeants.
Est-ce que l’entrisme islamique sert le projet d’entreprise ?
Est-ce que la Sharia est porteuse de compétitivité ? Y aurait-il des références ?

ED. Alors, que font les dirigeants, et les DRH ?

Comme dans le cas évoqué au début de notre entretien, les DG ont tendance à se délester du sujet et le confient aux DRH, parfois associés au juriste. Pourtant, les premiers impactés sont les DG et les managers opérationnels : performance des équipes et résultats opérationnels.
La suite est une convergence inattendue entre les ambitions des DRH avec celles des militants islamiques. 
Les résultats de cette convergence sont édifiants.
Rappelons que le métier du DRH a évolué. Ses ambitions actuelles sont la gestion et le développement des talents, l’établissement et le maintien du bien-être au travail, la motivation, et la conception d’organisations efficaces.
La première ambition est transformée par les militants islamistes en recrutement communautaire, conversion et collecte des dons pour les ONG islamiques.
Les trois autres ambitions deviennent : l’installation d’un cadre spatiotemporel islamique dans le planning opérationnel et le lieu de travail, l’imposition de Dieu au-dessus de toute gouvernance humaine, le développement et le contrôle de la communauté des musulmans au sein de l’entreprise.
Les DRH se retrouvent piégés face à une revendication présentée comme « culturelle ».
L’application de cette dimension culturelle aboutit à l’éviction des RH femmes d’instances telles que les CSE.

ED. Alors, si aucune des deux options, arrangement ou confrontation, ne convient quelle voie suivre ?

Loi ou règlement intérieur mis de côté, la transformation des risques en opportunités fait partie des prérogatives managériales.
Il en est de même pour la connaissance de l’autre et l’empathie à des fins de développement et d’organisation efficace. C’est le job des DRH, des cadres opérationnels des dirigeants.
Ces derniers portent en plus les obligations fiduciaires, les priorités, et le sens de l’intérêt général.
Tous les ingrédients sont réunis pour se recentrer sur le projet commun, gagner quelques crans de leadership avec discernement, humanité et autorité.
Un projet inspirant porté par un comité de direction solidaire va :
  • répondre aux attentes de la majorité des salariés musulmans que ne veulent pas de religion en entreprise,
  • donner envie aux salariés communautarisés de s’engager dans le projet collectif au lieu de rester dans l’impasse du séparatisme.
  • Donner l’occasion aux militants islamistes de choisir leur destinée, s’aligner au projet de l’entreprise ou quitter la société pour désaccord stratégique,
Néanmoins, il y a quelques pré requis à vérifier…
  • Est-ce que le sens de l’urgence a été communiqué au plus haut niveau : au Comex, au Codir, au Copil ? 
  • Est-ce que les dirigeants sont impliqués auprès des cadres sur le terrain ? Comment ?
  • Y a-t-il un diagnostic courant et traçable des faits et attitudes ?
  • Est-ce qu’un coach connaisseur du sujet est engagé ? Pour quelle mission ?

ED. Ne faudrait-il pas d’abord réformer l’islam ?

Certains disent que réformer l’islam c’est le dénaturer. L’impasse.
Quand le Président de la République au cours de son discours sur le séparatisme islamiste en mars 2020 a évoqué son intention « d’organiser le culte musulman dans le respect des règles de la République », j’ai réagi en lui écrivant et en publiant la lettre.
En résumé j’ai souligné que
  1. l’islamisme est le problème de l’islam. C’est un problème interne qu’il porte en lui depuis des siècles, depuis sa naissance. Les nombreux débats à propos des textes, de leur assemblage, de leurs interprétations contradictoires, etc. n’ont jamais réussi à extirper du corpus des textes islamiques (Coran, Hadith et Sirat Nabaweyya) les éléments sur lesquels les djihadistes et autres fanatiques justifient leur violence et leur sectarisme.
  2. En voulant former et contrôler les imams, il entre dans le système islamique. De facto, il en devient le DRH en charge du recrutement, le Responsable de la Formation et le Directeur des Opérations. 
Et, je lui ai aussi rappelé que pour sortir des ambiguïtés propres aux textes, en décembre 2014, le Président Sissi somme les oulémas (savants) et imams d’El Azhar (autorité sunnite égyptienne) de procéder à une réforme religieuse. En le mettant en perspective avec son homologue égyptien, j’ai pu relever que malgré la légitimité du Président Sissi en tant que musulman Président d’un pays musulman, ce dernier se heurte au mur de l’autorité d’El-Azhar en 2015, en 2016,… sans succès.
À ce jour, aucun religieux n’oserait toucher aux textes.
Ceci étant dit, il reste une double possibilité, applicable pour les deux présidents :
  1. cadrer l’externe à l’islam, tout ce qui est autour, et légiférer si nécessaire. Partout où il a y a un collectif et un projet commun (sport, association, ville, entreprise, école…), remettre les responsables dans leurs prérogatives, les y encourager,
  2. laisser l’islam régler son problème, avec le risque à terme qu’il prend, celui que ses associations plus ou moins représentatives soient considérées comme sectes, en France par la MIVILUDES.

ED. D’après votre expérience, quels sont les modes d’intervention utiles en entreprise ?

Il y a d’abord les interventions d’éveil : des sessions en « matinale » ou en « soirée » pour des clubs de dirigeants, des sessions pour les comités de direction. Dans les deux cas, elles s’adressent aux dirigeants qui soupçonnent un sujet important. Je les informe sur l’histoire et sur la stratégie d’entrisme, à travers mon expérience en Égypte et en France. Le débat qui s’ensuit permet d’évoquer des cas concrets. La session permet aux participants de prendre conscience de l’impact négatif sur la performance des équipes et sur le climat social. Elle donne la possibilité de prioriser les actions à mener.
Les autres interventions sont de type formation. Elles s’avèrent utiles aux managers et aux DRH confrontés ou soucieux d’anticiper. Elles permettent aux managers de se réaligner à leurs prérogatives, en
  • sortant de la confusion,
  • dépassant les complexes historiques, ceux postcoloniaux, post-croisades, post-collaboration avec les idéologies fortes (nazisme, etc.), les diverses formes de racisme (anti-blanc, anti-juif, anti-…), le sectarisme culturel, ethnique, etc.
  • traitant des cas concrets,
  • s’entraînant dans des jeux de rôle, à distinguer d’une part les revendications militantes (minoritaires) et d’autre part les simples conflits hiérarchiques sous couvert de revendications religieuses,
  • retrouvant et activant leurs talents d’empathie et de connaissance de l’autre à des fins de motivation,
  • élaborant un plan d’action approprié.
Dans certains cas, le coaching individuel est demandé.
 

ED. Pour couvrir les milliers de PME et les grands groupes, quelles sont vos ressources ?

Un collectif d’intervenants est en cours de constitution avec des coachs de dirigeants, certains d’origine maghrébine, des arabophones, des ex-expatriés qui ont dépassé leurs préjugés.
Pourvu que d’autres nous rejoignent, les critères de regroupement sont :
  • engagement au projet de l’entreprise, au collectif et à sa performance mesurable,
  • avoir dépassé ses préjugés, et être capable de ne pas se laisser rattraper par son histoire, sa culture d’origine, etc.
  • participer à la journée de formation, y évacuer les restes de préjugés, et s’entraîner avec des jeux de rôle sur des cas concrets,

ED. Finalement pourquoi tout ça, le GUIDE INTERNE, celà ne suffit-il pas ?

J’en ai consulté suffisamment depuis mon retour en France en septembre 2017. Circulant d’entreprise à une autre, ces guides ont évolué sur la durée. Ils se sont bonifiés notamment sur la forme, les illustrations, le vocabulaire, les définitions, les cultures et les lois. Ils ont parfois un début de tentative opérationnelle.
À part quelques très rares exceptions, ces guides internes ont en général pour,
  1. avantage de cultiver le lecteur,
  2. principal inconvénient d’être inutilisé parce qu’inefficace,
  3. effet nocif de leurrer en donnant bonne conscience aux dirigeants et aux DRH,
  4. perversion d’être aux dépens des projets des équipes et des collectifs, au profit du religieux,
  5. conséquence d’acter le fait religieux en entreprise, de le banaliser malgré les impacts socio-économiques,
Le manque majeur de ces guides est celui du concret.
Ils ne sont tout simplement pas opérationnels.

ED. Alors, comment produire un guide interne efficace et utilisé ?

Sans soutien effectif de la direction générale, point de salut !
Un guide interne, validé et incarné par les dirigeants, se matérialise par des formations produites d’abord pour les dirigeants eux-mêmes. Le guide n’est pas seulement qu’un copier-coller d’un autre guide. Il s’agit d’un outil développé à partir des réalités opérationnelles de l’entreprise concernée, et des « best practice » éprouvées ailleurs. L’ensemble est intégré dès la première formation, celle dédiée aux dirigeants.
Les formations d’environ six heures, pour 8-10 managers et DRH, comportent des cas concrets et des jeux de rôle. Ils sont animés par un coach spécialisé, sur des situations vécues dans la dite-entreprise et au-delà.

Adel Paul Boulad
Adel Paul Boulad
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Pour joindre directement Adel Paul Boulad, ap.boulad@plido.com



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