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Continuité territoriale : une région ultramarine ne peut pas financer seule un dispositif d’aide en la matière





Le 8 Février 2023, par Frédéric Rose-Dulcina

Par un arrêt intéressant en date du 21 décembre 2022, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que la Région de La Réunion n’est pas compétente pour instaurer un dispositif autonome d’une aide à la continuité territoriale entre l’île et la métropole (CAA Bordeaux, 21 décembre 2022, n° 20BX02224). Cette décision de justice intervient à un moment où les prix des billets d’avion au départ et en direction des départements et régions d’outre-mer (DROM) flambent depuis plusieurs mois.


Image PxHere
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Le dernier indice des prix du transport aérien de passagers (IPTAP) réalisé par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)[1] confirme une hausse en France des prix des billets d’avion de 21,8 % depuis janvier 2022, toutes destinations confondues.
Les vols concernant les DROM sont particulièrement touchés avec une hausse supérieure à 30 %. En novembre 2022, les vols au départ de la Martinique sont ceux qui ont subi la plus forte hausse des prix (+44,4 %) par rapport à novembre 2021.
Face à cette situation, Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique (CTM), réclame un bouclier tarifaire afin de garantir que les billets de la classe économique ne dépassent pas le tarif de 500 € et assurer ainsi la continuité territoriale.

La continuité territoriale vise à renforcer la cohésion entre différents territoires d’un même État, en compensant les handicaps liés à leur éloignement, un enclavement ou un accès difficile, les DROM des États membres de l’Union européenne peuvent bénéficier de ces dispositions.

Auditionnés par les députés d’outre-mer le 14 décembre 2022, les dirigeants des compagnies aériennes desservant les territoires ultramarins (Air Caraïbes, Corsair...) invoquent deux raisons principales : l’augmentation du prix du carburant et la forte appréciation du dollar face à l’euro qui impacte les coûts de maintenance.

De quelles marges de manœuvre disposent les collectivités publiques pour assurer cette continuité territoriale en matière d’aide ?
Une intervention de l’État et non des DROM doit être la voie privilégiée, et ce au vu de l’arrêt de la CAA de Bordeaux du 21 décembre 2022 ici commenté.

Fin décembre 2017, la commission permanente du conseil régional de La Réunion avait prolongé pour l’année 2018 un dispositif d’aide à la continuité territoriale (ACT) visant à faciliter les déplacements entre l’île et la métropole et consistant en l’attribution, sous condition de ressources, d’aides finançant une partie des frais de passage aérien.

Mme B. a demandé le remboursement de billets d’avion au titre de l’ACT à raison du voyage accompli avec son époux, M. D., à destination de La Réunion en juin 2018, mais le président du conseil régional de La Réunion a rejeté sa demande. Mme B. a alors saisi le Tribunal administratif de La Réunion afin d’annuler ce refus et ce tribunal a fait droit à sa demande.
 
Saisie à son tour, la CAA de Bordeaux relève qu’en vertu des articles L.1803-1 et suivants du Code des transports, l’aide à la continuité territoriale relève d’une politique nationale de continuité territoriale, fondée sur les principes d’égalité des droits, de solidarité nationale et d’unité de la République, confiée à l’Agence de l’Outre-mer pour la Mobilité, établissement public administratif de l’État.
Dès lors, les juges d’appel bordelais affirment « que la région de la Réunion ne tient ni de ces dispositions ni d’aucune des dispositions du code général des collectivités territoriales définissant ses attributions le pouvoir d’instaurer de manière autonome une telle aide. La délibération du 12 décembre 2017 de la commission permanente du conseil régional de La Réunion prolongeant, pour l’année 2018, un dispositif d’aide à la continuité territoriale (ACT), est par suite entachée d’incompétence ».
Autrement dit, la Région de La Réunion n’était pas compétente pour instaurer un dispositif autonome d’une aide à la continuité territoriale entre l’île et la métropole.

Indépendamment de sa portée juridique, l’arrêt de la CAA de Bordeaux a le mérite de mettre la lumière sur le sujet d’actualité brûlant que constitue la hausse des prix des billets d’avion au départ et à destination des DROM.

Demeure encore la terrible impression que certaines difficultés notamment économiques que connaissent ces territoires français sont parfois minorées, voire ignorées depuis Paris.
Frédéric ROSE-DULCINA
 
[1] Méthodologie : L’IPTAP DGAC est construit sur une base de tarifs aériens relevés pour plus de 400 lignes aériennes (origine, destination, transporteur) directes et indirectes, assurées par plus de soixante transporteurs. Tous les prix collectés concernent des voyages aller-retour au départ de France (métropole ou DOM) et incluent toutes les taxes, redevances et surcharges applicables», détaille le site du ministère de la Transition écologique.


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