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Covid19 et aide de l’Etat : Plaidoyer pour une aide de l’Etat aux indépendants et aux entreprises sous forme de crédit d’impôt





Le 15 Avril 2020, par Jean-Christophe Bouchard

Le confinement généralisé de tout le pays est un choix politique répondant à une crise sanitaire d’une ampleur exceptionnelle. Par conséquent, l’Etat assume son rôle stabilisateur à travers des aides au paiement des salaires du secteur privé, via le dispositif du chômage technique. Cependant, la durée du confinement étant prolongée de façon significative, il devient impératif de prévoir des aides aux indépendants et entrepreneurs, créateurs de la majorité des emplois, et qui sont durement frappés. Cette aide pourrait consister en un crédit d’impôt à proportion des crédits bancaires octroyés par les banques pour leur éviter la faillite immédiate.


Jean-Christophe Bouchard
Jean-Christophe Bouchard
La soudaineté de la crise sanitaire donne lieu à des mesures d’urgence sans vision d’ensemble de la sortie de crise

Le confinement généralisé a pour conséquence le plus grand choc simultané de l’offre et de la demande qu’on puisse imaginer. Les conséquences économiques vont être considérables, voire dramatiques, et il est permis de penser que les autorités naviguent à vue, en lisant la succession d’ordonnances tantôt pas très claires, et tantôt contradictoires voire radicalement incompatibles entre elles d’un jour à l’autre.

A la décharge du gouvernement, il est particulièrement difficile de prendre des mesures d’urgence sans bénéficier du moindre recul et du temps d’analyse normalement nécessaire à cet effet.

Ainsi, il n’existe pas de plan d’ensemble pour répondre au choc économique et financier qui est en cours, ce qui est d’autant plus regrettable que les aides les plus essentielles ne figurent pas dans les mesures décidées.

Le gouvernement va bien entendu continuer de payer les salaires des fonctionnaires, et il a mis en place un système de chômage technique qui l’amène de facto à payer aussi les salariés du secteur privé dont les entreprises sont paralysées par le confinement général.

Il faut évidemment se féliciter de ce soutien public dans une situation aussi dramatique au plan économique, pour éviter que les personnes confinées soient de surcroît privées de ressources pour subsister.

Les indépendants et les entrepreneurs sont les grands oubliés du plan d’aide aux revenus des Français confinés

Cependant, on oublie pour le moment ceux qui créent les emplois, ceux qui habituellement payent les salaires avec l’activité économique : les indépendants et les entrepreneurs. Non pas les grandes entreprises internationales, mais les petits entrepreneurs, ceux qui créent bon an mal an 90% des nouveaux emplois.

Eux sont frappés durement par le confinement. Pas plus que les salariés du public comme du privé, les indépendants et les entrepreneurs ne sont responsables ni du covid19, ni de la décision politique prise de confinement généralisé du pays qui paralyse leur activité économique et les prive brutalement de tout revenu, à l’instar de leurs salariés, mais sans que l’Etat semble s’en soucier.

La situation était supportable pour un confinement envisagé au départ pour environ un mois, les entreprises pouvant en général supporter une fermeture similaire à celle des congés d’été.

Cependant, à l’annonce d’un rallongement significatif du confinement généralisé de tout le pays, amené à durer sans doute entre deux et trois mois, la situation devient tout autre, et les conséquences financières pour les indépendants et entrepreneurs vont devenir dramatiques. D’autant plus qu’à l’issue du confinement, le pays se trouvera plongé dans la période estivale, ce qui retardera le redémarrage économique au mieux à la rentrée de septembre, et encore, à condition qu’il n’y ait pas une seconde vague de confinement…

Certes, les autorités ont mis en place un système de prêt égal à 25% du chiffre d’affaires de l’année passée, octroyé par les banques avec une garantie partielle de l’Etat sous condition de démonstration de ce que l’activité de l’entreprise est effectivement affectée par le confinement, ce qui en général est assez aisé à démontrer.

Mais un prêt n’est pas un revenu, car le principe même du prêt est qu’il doit être remboursé. Autrement dit, les indépendants et les entrepreneurs qui seront sauvés d’une faillite immédiate grâce au crédit bancaire se retrouveront lourdement endettés, et donc gravement fragilisés, de sorte qu’ils ne pourront faire face à une quelconque prochaine crise ou difficulté sérieuse, alors même qu’ils n’ont commis aucune faute de gestion et ont simplement subi le confinement généralisé comme les salariés.

Pourquoi ce traitement différencié entre les salariés, payés en fin de compte directement par l’Etat, comme le seront d’ailleurs également les fonctionnaires, et les entrepreneurs indépendants, qui sont supposés eux subir de plein fouet les conséquences d’une crise sanitaire dont ils ne sont pas plus responsables que les salariés du privé comme du public ?

Pourquoi ce mécanisme de crédit aux entreprises, qui certes leur évite une faillite immédiate, mais pour les fragiliser durablement voire définitivement ?

Croit-on vraiment que les entreprises pourront rembourser un crédit bancaire massif qui n’est adossé à aucun investissement, aucune source de revenus, mais les aide simplement à payer des dépenses contraintes, des charges fixes, pour éviter la faillite immédiate ? Il est bien évident que le remboursement de ces crédits massifs devra s’effectuer au détriment des investissements et de l’emploi, ce qui au final ralentira la sortie de crise, voire créera les conditions d’une nouvelle crise cette fois financière.

Il est bien évident en effet que de nombreuses entreprises ne pourront tout simplement pas procéder à des remboursements aussi massifs, et n’auront d’autre issue que la faillite. Or, les règles des procédures collectives ont été conçues pour traiter de situations particulières ou sectorielles, mais ne sont absolument pas adaptées à une situation systémique.

Au final, si l’Etat souhaite véritablement régler cette crise économique et financière par la planche à billets, il faut que cela soit équitable, et pas au seul bénéfice des salariés du public et du privé et en sacrifiant les indépendants et les entrepreneurs. Il est d’ailleurs aberrant de pénaliser les entrepreneurs indépendants, créateurs de petites entreprises qui créent 90% des nouveaux emplois, qui ne délocalisent pas leur force de production mais recrutent en France, qui acquittent en proportion plus de cotisations sociales et d’impôts de toutes natures que les grands groupes internationaux. Il est également aberrant de penser qu’on aide les entreprises durablement en créant un surendettement qui amènera à la faillite une multitude d’entreprises.

Quelle solution ? Pourquoi pas un mécanisme de crédit d’impôt aligné sur les crédits bancaires octroyés, dont les dossiers ont été instruits par les banques ?

Mais comment faire ? S’il est simple de payer les salaires, il est techniquement plus difficile d’apprécier le niveau d’aide pour les entrepreneurs indépendants, comme d’aide pour les entreprises. En effet, tous les entrepreneurs indépendants ne sont pas affectés de la même manière, toutes les entreprises ne sont pas affectées de la même manière. Ainsi, par exemple, dans certains secteurs, le confinement interrompt l’activité, mais on peut espérer un phénomène de rattrapage en fin d’année. Mais dans d’autres domaines, la perte résultant du confinement sera définitive. Instaurer un système d’aide risquerait de créer des abus, des effets d’aubaine, permettant à des entreprises ayant peu souffert du confinement de percevoir indûment des aides financières de l’Etat.

Une solution pourrait consister à tenter de définir les besoins légitimes selon les secteurs, en concertation avec les syndicats professionnels, et octroyer des aides aux indépendants et aux entreprises, modulables selon les secteurs d’activité, voire au cas par cas.

Cependant, ce mode opératoire pourrait s’avérer d’une extrême lourdeur, et les aides pourraient arriver beaucoup trop tard, la crise étant déjà dramatique dès à présent pour la plupart des entreprises.

Alors pourquoi ne pas s’appuyer sur le dispositif mis en place, pour le compléter ?

Ainsi, le crédit bancaire égal à 25% mis en place immédiatement pourra être un excellent dispositif, si on le complète d’un simple mécanisme de crédit d’impôt au moment du remboursement.

En effet, déjà, le travail de sélection des entreprises éligibles aux crédits est effectué par les banques, qui vérifient que les entreprises qui sollicitent les crédits sont effectivement affectées par le confinement.

Dès lors, l’idée serait de compléter le dispositif comme suit : les indépendants et les entreprises pourraient bénéficier d’un euro de crédit d’impôt par euro de crédit bancaire obtenu, ce crédit d’impôt étant imputable sur l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu, pour tenir compte des divers modes d’exploitation des entreprises.

De la sorte, l’Etat apporterait une aide aux indépendants et aux entreprises, mais seulement au fil de la reprise économique, aide qui accompagnerait cette reprise selon le rythme de chaque secteur, voire de chaque entreprise, sans lourdeur ou complexité administrative.

Et l’équité serait ainsi rétablie entre les salariés du public et du privé, qui sont pendant la crise covid19 au final payés par l’Etat, et les indépendants et les entrepreneurs, qui ne sont pas plus qu’eux responsables ni du covid19 ni du confinement général du pays, et n’ont pas à être les seuls à supporter le coût financier du choc économique décidé par le pouvoir politique pour répondre à la crise sanitaire.

Jean Christophe Bouchard, avocat au barreau de Paris, Cabinet NMW




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