Journal de l'économie

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DAVID, Le Couronnement de l’empereur et de l’impératrice





Le 18 Mai 2021, par Christine de Langle

Le bicentenaire de la mort de Napoléon est l’occasion de redécouvrir ce chef-d’œuvre des collections nationales du Louvre grâce à la réalisation 3D réalisée par la société bretonne E Mage In 3 D*


La Sacre de Napoléon, tableau de Jacques-Louis David, traité en 3D temps réel : https://www.facebook.com/watch/?v=490336758971050
 


«Vous m’avez fait chevalier français» Napoléon à David
 
Tout le monde connaît ce tableau de plus de 60 m2, un des plus grands du Louvre, pour l’avoir contemplé dans les « Salles rouges » ou l’avoir vu reproduit dans de nombreux livres d’histoire ou d’art.
Pourquoi est-il si connu et quel est le sens de ce chef d’œuvre ?
 
« Le Sacre » comme on le nomme souvent fait partie d’un ensemble de quatre tableaux commandés par Napoléon à David pour rappeler la journée historique du 2 décembre 1804. Devaient suivre L’Intronisation, La Distribution des aigles, l’arrivée de l’Empereur à l’Hôtel de Ville. Seuls deux tableaux furent exécutés, Le Sacre conservé au Louvre et La Distribution des aigles conservés à Versailles.
 
La cérémonie du 2 décembre 1804, sa portée politique et symbolique

L’ensemble de la cérémonie va durer trois heures : le sacre, le couronnement en présence du pape et le serment constitutionnel (l’intronisation) au cours duquel Napoléon, la main levée sur l’Évangile, jure « de maintenir l’intégrité du territoire de la République ; de respecter et de faire respecter les lois du concordat et la liberté des cultes ; de respecter et faire respecter l’égalité des droits, la liberté politique et civile, l’irrévocabilité des ventes des biens nationaux ; de ne lever aucun impôt, de n’établir aucune taxe qu’en vertu de la loi ; de maintenir l’institution de la Légion d’honneur ; de gouverner dans la seule vue de l’intérêt, du bonheur et de la gloire du peuple français. ». Rome acceptant la tolérance civile des cultes non catholiques, non la tolérance religieuse, le pape a choisi de se retirer avant la prestation de ce serment.

Par le cérémonial du sacre, Napoléon se veut héritier de l’empire carolingien (Charlemagne sacré empereur par le pape) symbolisé par les « honneurs » de Charlemagne restaurés ou fabriqués pour l’occasion (couronne, épée, sceptre) actuellement exposés au Louvre, mais également de l’Empire romain dont la souveraineté était faite de puissance (potestas) et d’autorité (auctoritas), cette dernière étant d’origine divine. Par la couronne de laurier en or bénie par le pape, Napoléon assume cet héritage des empereurs romains, mais aussi celui des rois de France « très chrétiens ». Du sacre à l’exil à Sainte-Hélène, Napoléon rappellera qu’il est « l’Oint du Seigneur ». Le manteau du sacre et sa broderie d’« abeilles » d’or, symbole napoléonien par excellence, se veut aussi un lien avec les dynasties royales françaises les plus anciennes.

Le tombeau de Childéric Ier, fondateur en 457 de la dynastie mérovingienne et père de Clovis, avait été mis à jour en 1653 à Tournai et on y avait découvert des abeilles en or (en réalité des cigales). Elles sont considérées comme le plus ancien emblème des souverains de la France. Et l’abeille rappelle la ruche qui est selon Cambacérès un symbole de la France nouvelle : une république pourvue d’un chef.

L’empereur n’ayant pas encore d’enfant sait qu’il doit créer une dynastie. C’est donc un tableau de sa famille qu’il souhaite. Il est entouré de ses sœurs (Caroline Murat et Pauline Borghèse) et de ses frères (Joseph et Louis). Il demande que soit ajoutée sa mère, Madame Laetitia, restée à Rome par mésentente avec le clan Beauharnais et l’éviction de ses deux fils Lucien et Jérôme (qui s’étaient permis des mariages modestes et non autorisés). Les généraux et politiques qui entourent l’empereur constituent sa nouvelle Cour : Cambacérès et Lebrun, les deux anciens consuls, Bernadotte, Berthier, Murat, les  glorieux généraux, et l’Ancien Monde représenté par Talleyrand et Ségur.
 
La fabrique du chef-d’œuvre

David traite chaque figure principale avec un grand réalisme et resserre sa composition sur le chœur de Notre-Dame où se situe l’action. Outre les croquis pris sur le vif, nombre de participants (plus de deux cents sont peints) sont venus poser dans son atelier. Trois tribunes ferment le fond de la toile, la première est réservée à Madame Laetitia et ses dames d’honneur, la deuxième accueille les célébrités, artistes, écrivains et savants, autour de David qui réalise des croquis pendant toute la cérémonie. La troisième tribune est occupée par le public qui a été admis.

Percier et Fontaine, les architectes et décorateurs de l’Empire ont caché l’état pitoyable de la cathédrale après les destructions de la Révolution par un décor d’arcades et de tentures qui occultent la nef gothique.

Pour donner l’impression que le spectateur assiste à la cérémonie, David dégage le premier plan. Le tableau sur le point d’être achevé, Napoléon visite l’atelier de David en compagnie de l’impératrice le 4 janvier 1808 et s’exclame « Quelle vérité ! Ce n’est pas une peinture, on marche dans ce tableau ». Et en signe de respect devant un si grand talent, l’Empereur se découvre devant David.

Préoccupé par le réalisme des portraits et des accessoires, le peintre a dû aussi faire face à de multiples pressions de la plupart des principaux personnages qui voulaient être représentés en bonne place ou pas représentés (l’ambassadeur turc, en vertu de l’interdiction du Coran d’être représenté et qui, plus est, dans une église).
 
Le choix du moment

Il existe plusieurs dessins de David décrivant Napoléon se couronnant et d’autres dessins montrant le pape Pie VII les deux mains posées sur les genoux. Choisir ce moment était conforme à la vérité des faits. Mais l’équilibre politique et pictural en aurait pâti, avec Napoléon actif, face au pape et à Joséphine réduits à l’état de témoins passifs. En accord avec l’empereur à qui David a soumis son idée, le peintre choisit le moment d’après, le couronnement de Joséphine, qui permet à chacun d’être dans son rôle. Napoléon agit en « maître et souverain » et le pape est dans sa fonction religieuse avec ce geste de bénédiction.

Les contemporains y voient tout de suite un hommage au Couronnement de Marie de Médicis qui fait partie de la Galerie Rubens au Palais du Luxembourg (l’ensemble est désormais présenté au Louvre). Une sorte de vision apaisée, calme et empreinte de noblesse, face à une certaine truculence des figures et au dynamisme pictural du peintre flamand.
 
Un sacre ? Non, deux.

Une répétition est commandée dès mars 1808 par des hommes d’affaires américains pour être exposée de ville en ville selon la mode des dioramas. Elle sera achevée à Bruxelles en 1822 pendant l’exil de David et sera exposée à New York et à Boston entre 1825 et 1827 puis retourne en France. Après de multiples ventes et péripéties, elle est exposée à Versailles en 1837 quand le roi Louis-Philippe, dans un désir de réconciliation nationale, décide de transformer le château en monument national dédié « à toutes les gloires de la France ». En 1889, pour le centenaire de la Révolution, la répétition du Sacre remplace la peinture originale qui est exposée au Louvre.
 
Le Sacre, une peinture d’histoire ?

Oui, par les références au passé, Rome, Charlemagne et Childéric, par la force des symboles.

Non, par l’absence de recul face à l’évènement, car c’est aujourd’hui et maintenant, dans toute la réalité du déroulement de la cérémonie, mais avec toute la vérité picturale que veut transmettre David et toute la vérité politique que souhaite laisser Napoléon, le peintre transmet une réalité idéalisée, ce que Courbet appellera bientôt une « allégorie réelle ».
 
Le Sacre, aujourd’hui

Au Louvre, le tableau fait partie du « circuit des chefs-d’œuvre » au même titre que La Joconde, sa voisine. L’effet qu’il produit sur le visiteur est à la hauteur de l’idée qu’il se fait du pouvoir. Dans le cadre de visites officielles, j’ai eu maintes fois l’occasion d’en éprouver toute la force quand je présentais ce tableau à certains responsables politiques et militaires ou à des chefs d’État. Réflexion sur le pouvoir ou fascination de l’autocrate qui, sans connaître le détail de l’Histoire, se reconnaît instantanément dans le personnage de l’Empereur, j’ai vu à chaque fois l’actualisation du compliment de Napoléon « Quelle vérité ! Ce n’est pas une peinture, on marche dans ce tableau ». L’image s’impose avec force.
 
Christine de Langle

*https://www.emagein-3d.com/


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