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Ella est toujours là





Le 20 Janvier 2023, par Nicolas Lerègle

Le jazz est une musique qui s’accorde parfaitement au cigare et au breuvage pouvant accompagner celui-ci. Mais attention pas n’importe comment. De même que le musicien va peaufiner ses instruments et répéter sa partition, de même l’auditeur doit se mettre dans les meilleures dispositions de corps et d’esprit pour savourer ce moment. Au fond on ne va pas savourer la même alliance cigare/boisson pour écouter Miles, Stan, Charlie, Dexter et autres. Cela va être notre propos prétexte durant quelques chroniques.


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D’abord, en duo avec Louis Armstrong. Il est tellement tentant d’associer ces deux monstres sacrés du jazz ou du classique jazz. Leurs voix se sont mêlées au fil de trois albums, Ella et Louis, Ella et Louis again (1957) et, évidemment, le sublime Porgy and Bess. C’est typiquement, surtout pour le premier mentionné, le disque qui dégage un « feel good » moment, qui presque 70 ans plus tard (l’enregistrement est de 1956) n’a pas pris une ride mélodique. Les deux artistes se répondent et unissent leurs voix d’une façon aussi parfaite que respectueuse l’un de l’autre.

Ella a une voix suave comme un vieil armagnac qui tournerait dans le verre avant d’être dégusté et embraser votre gorge et vos sens. Il est tout à fait possible, magie d’internet, de dégoter un millésime 1956 de ce breuvage, mais comme les prix oscillent entre 1500 et 3000 € le flacon on pourra utilement considérer qu’un millésime plus récent pourra tout à fait convenir pour accompagner cette écoute. L’Uby 6 ans d’âge peut ainsi répondre à cette quête sans pour autant devoir vider son livret A.

Louis, lui, à une voix chaude et forte comme un cigare, scellant, si besoin en était, une alliance tant musicale que gustative. Quoi de mieux pour accompagner une musique qui vous donne la pêche qu’un Punch double coronas. Évidemment de même que le vieil armagnac se mérite, il en est de même aujourd’hui des cigares cubains qui tendent à devenir introuvables surtout les modules aussi qualitatifs.

C’est peut-être le moment de faire jouer son carnet d’adresses pour identifier le bon ami qui se rendrait en Suisse, par exemple, pour espérer s’en procurer.

Ensuite, Ella, seule, par exemple en écoutant l’enregistrement de son concert de 1964 à Juan les Pins. Ce concert est une superbe expression du génie de cette jazzwoman qui, ce n’est pas une légende inventée par un journaliste énamouré, interrompue par le chant des crickets pendant son concert décida de s’y associer en improvisant un « cricket song » qui est resté dans les mémoires et gravé sur le disque. Il faut écouter ce concert pour saisir en « live » ce moment rare où l’artiste se confond avec son environnement et en fait une force. Pendant 2’22’’ elle demande aux crickets de chanter avec elle – ce qu’ils font de bonne grâce au demeurant – peut-être qu’ils ont été emportés eux aussi par son interprétation de « Can’t buy me love » des Beatles qui les a précédées.

Louis est parti en 1971, mais à l’écouter on ne le croirait pas. Ella, elle, est partie en 1996, mais elle est toujours là. Hâtez-vous lentement de savourer votre armagnac et de savourer votre cigare, là où ils sont, ils ont le temps, et là où vous serez, en les écoutant vous découvrirez que vous avez aussi le temps, ce que parfois on oublie.


L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


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