Journal de l'économie

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Faut-il nationaliser Sanofi ?





Le 2 Février 2021, par Nicolas Lerègle

En 2021 le constat est amer, Sanofi et Pasteur sont incapables de proposer un vaccin contre la Covid-19. Les autres laboratoires français n’étaient pas dans la course faute de moyens et d’une capacité de R&D suffisante, seuls les deux précités pouvaient prétendre, de par leur taille et leur histoire, à être dans le groupe des Pfizer, AstraZeneca et autres.


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 Cette situation est déplorable a plus d’un titre mais amène à se poser une question stratégique, la France ne devrait-elle pas nationaliser Sanofi ?

La pandémie actuelle a montré plusieurs réalités.
D’abord, que cet épisode Covid-19 suivi de ses nombreux « variants » préfigure assurément ce que seront les décennies prochaines à savoir marquées par l’émergence de virus et autres pathologies aux origines connues et réactualisées (grippe espagnole, virus anciens réactivés par le réchauffement climatique entrainant la fonte du permafrost, virus animaux qui se transmettront à l’homme…) ou inconnues et comme telles toutes les hypothèses de gravité seront les bienvenues.

Ensuite, que la vitesse de propagation des épidémies ou pandémies s’est considérablement accélérée au cours des dernières années. Cette vitesse bénéficie d’un effet d’aubaine qui est l’ignorance de la pathologie avant qu’elle ne se déclare et, quand elle apparait, la constatation que les modes modernes de transport ont largement eu le temps de la disséminer à travers le globe. Ce qui était vrai pour la peste noire, la grippe espagnole ou celle de Hong-kong à savoir cette combinaison d’une latence dans la découverte, de déplacements non maitrisés et de dissémination contagieuse s’est révélé encore une fois exact en 2020. Pour les virus, c’est « business as usual » depuis l’aube des temps et on tend à leur faciliter la tâche.

Cette réalité est venue se confondre avec des œuvres de science-fiction comme les films « 28 jours plus tard » sorti en 2002 ou « World War Z » en 2013 que la galaxie complotiste pourrait ériger en exemples tant certains éléments de leurs scénarii respectifs viennent en résonnance avec ce que nous savons, subodorons ou ignorons (c’est le paradoxe aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, de savoir ce que nous ignorons) de la naissance de la Covid-19.

Et d’ailleurs un peu comme dans « World War Z » ou le héros découvre la solution vaccinale et voit celle-ci mise en place dans la foulée par l’ONU, et bien en 2020, certains laboratoires ont analysé, imaginé et créé des vaccins de nouvelles générations, dans des délais records, pouvant être administrés à la population qui le souhaite. Espérons que l’analogie avec les films de science-fiction apocalyptique s’arrêtera là et que dans quelques mois nous ne serons pas dans le scénario de « Je suis une légende » (2007).

Sans aller jusque-là, la place prise par les laboratoires et leur capacité de réactivité, de R&D et de distribution a été tout bonnement impressionnante et amène à nous regarder un peu dans un miroir.
Avec une question latente de savoir si cette crise est une crise de santé publique et dans ce cas il est normal de se référer aux avis scientifiques. S’en prendre au gouvernement – qui constate qu’il y a autant d’avis que de médecins – revient à se tromper de cible. Soit on ignore la dimension sanitaire de l’événement pour n’y voir que ses conséquences économiques à résoudre, la doctrine Trump, et dans ce cas on critique les médecins, mais on perd les élections ! Dans les deux hypothèses, on perd les élections, mais dans la première on sauve plus de vies que dans la seconde.

On comprend les choix cornéliens de nos gouvernants, car cette situation a créé une situation politico-économique des plus intéressante. Confinement et couvre-feu, ordres et contre-ordres, batailles d’experts scientifiques, mais aussi de juristes s’interrogeant sur le dilemme sécurité, santé et/ou liberté, sacrifice d’une génération, déchirement politique ou politicien, télétravail, chômage, violence conjugale, absence de vie culturelle, interdiction de voyage, quarantaine… tous les ingrédients de la chienlit sont réunis et ne manqueront certainement pas d’être exploités par ceux qui prospèrent sur de tels terreaux.

Maintenant si le « retour à la normale » promis est la préoccupation de tous, il faut en accepter une condition essentielle à savoir passer sous les Fourches caudines autant que leurs seringues des laboratoires proposant un vaccin, ou un traitement.

Et c’est là que le bât blesse, car en France où nous pouvons souvent nous enorgueillir de notre système de santé à nul autre pareil nous avons découvert une réalité bien moins glorieuse. Des médecins anti-vaccins, des médecins aux certitudes variables, des médecins menteurs, des médecins plus politiques que thérapeutes, des médecins sérieux, mais souvent inaudibles, des médecins que Diafoirus n’aurait pas reniés… Molière se serait certainement régalé. Et, cerise sur le gâteau, des laboratoires aux abonnés absents qui s’égarent dans leurs recherches quand ils ne licencient pas tout simplement leurs chercheurs alors même que c’est l’essence de leurs activités. Bientôt la boutade de de Gaulle « des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche » ne sera plus valable en France que pour sa seconde section. Au train où vont les choses bientôt Sanofi ne sera plus connu que pour le Mitosyl et le Doliprane !

Or au regard de la situation actuelle et de celles qui sont prévisibles dans les décennies à venir il n’est pas possible pour un pays comme la France d’hypothéquer à ce point son avenir en tirant un trait sur sa place dans le concert des nations disposant d’une R&D pharmaceutique performante et suffisamment agile pour répondre aux enjeux actuels et futurs en matière de santé publique. La recherche fondamentale menée par des organismes comme l’INSERM est indispensable, mais elle ne suffit pas à répondre à des contingences industrielles de réactivité et de production.

Pour notre avenir, faisant fi de considérations économiques libérales qui feraient du mot nationalisation un tabou bien commode et dont l’usage est à géométrie variable, on pourrait se poser la question existentielle de nationaliser Sanofi et cela « quoi qu’il en coûte ».
 
 



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