Le délit d'incitation à la fraude fiscale se précise
Suite à des affaires médiatisées, dont celle d'un influenceur mythomane qui s'était vanté de toucher le RSA sans habiter en France, le gouvernement passe à l'action. En effet, alors que le projet de loi de finances (PLF) est présenté dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, l'article 20 suscite une attention particulière. Cet article introduit un nouveau délit : le délit d'incitation à la fraude fiscale qui vise toutes « les entités, qu'elles soient physiques ou morales, offrant des moyens permettant d'échapper à leurs obligations fiscales ».
Les sanctions, quant à elles, sont sévères. Tout acte d'incitation à la fraude fiscale expose son auteur à 3 ans d'emprisonnement et une amende de 250.000 euros. Si cette incitation est effectuée sur des réseaux sociaux ou tout autre canal public, la peine s'alourdit à 5 ans de prison et 50.000 euros d'amende. En cas de circonstances aggravantes, la peine encourue pour fraude fiscale peut atteindre 7 ans d'emprisonnement et 3 millions d'euros d'amende. Outre ces peines, le PLF envisage également d'accroître les capacités d'enquête en autorisant l'approche des suspects sous pseudonyme et d'ajouter des sanctions complémentaires.
L'article 20 du PLF couvre une vaste palette. En effet, si le texte est adopté tel quel, celui-ci inclut « tous les actes, services et autres moyens incitatifs à la fraude ». Parmi les incitations à la fraude figurent : l'ouverture de comptes à l'étranger, l'utilisation de faux documents ainsi que la « réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l'administration ».
Création d'un Conseil spécial : vers une multiplication des contrôles aléatoires
Chacun le sait, la fraude fiscale coûte très cher à l'État. Grâce aux contrôles du fisc, l'État a pu récupérer 14,6 milliards d'euros, soit 8,2% et 1,2 milliard d'euros de plus qu’en 2021. Néanmoins, au vu de l'ampleur que pourrait représenter l'ensemble des fraudes (fiscales, sociales, et douanières), les contrôles sont bien loin de rapporter ce qu'ils devraient à l'État. En effet, selon Solidaires Finances Publiques, la fraude totale en France oscillerait entre 80 et plus de 100 milliards d'euros chaque année. Ainsi, comme le souligne le ministre des Comptes Publics, Thomas Cazenave : « Au-delà même de ces enjeux financiers, il y a un enjeu de cohésion sociale et de consentement à l'impôt... on doit pouvoir garantir que toutes celles et ceux qui doivent s'acquitter de l'impôt le fassent véritablement. Et que celles et ceux qui bénéficient d'aides sociales en bénéficient à bon escient ».
En ce sens, le ministre des Comptes Publics a présenté, mardi 10 octobre 2023, une nouvelle entité gouvernementale : le Conseil d’évaluation des fraudes. Ce Conseil, dont la prochaine réunion est prévue en décembre 2023, (réunion tous les trois mois), est composé d'une trentaine de membres : des experts internationaux, des parlementaires, des économistes et des directeurs des principales administrations liées à la fraude fiscale. Sa mission principale : estimer, de façon officielle, et par une intensification des contrôles aléatoires, la fraude en France, « impôt par impôt », comme l'a souligné Charlotte Leduc, députée LFI et membre du Conseil d'évaluation. Le travail dissimulé représenterait la plus grosse part de la fraude (presque 100 milliards en 2018 selon les chiffres du syndicat de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP)). La TVA, quant à elle, représenterait entre 20 et 25 milliards selon les chiffres de 2022 de l'Insee.