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GEOPOLITIQUE : Qui sont les Pachtouns ?





Le 25 Juin 2018, par Hubert De LANGLE

Comme les Kurdes, les Pachtouns sont un peuple sans État. Et pourtant, ce peuple, fort de plus de 50 millions de sujets répartis principalement sur deux états, est paradoxalement peu connu en France. L'ouvrage d'Alain Lamballe est peur-être le premier et le seul à présenter une véritable encyclopédie de ce peuple.


Peuple divisé, fort de plus de 400 tribus, elles même divisées en clans et sous-clans, eux mêmes divisés en familles, il importe de les situer dans le temps et dans leur espace. Où vivent-ils et quelles sont les grandes dates de leur histoire ? Meconnaitre leur histoire, c'est se priver de clés de compréhension de la géopolitique de l’Asie centrale.

L’histoire des Pachtouns est insuffisamment connue. Ils ont peu écrit sur eux-mêmes et sur leur passé. Seuls quelques textes occidentaux, surtout ceux des anciens colonisateurs britanniques, nous éclairent un peu. Les Pachtouns sont des Indo-Européens venus on ne sait trop quand ni très bien d’où, mais depuis des temps très reculés. À la fin du VIIe siècle, l’islam commença à pénétrer les régions pachtounes de l’Afghanistan actuel grâce à l’arrivée d’Arabes, mais ce n’est qu’au Xème siècle, avec les migrations de guerriers de langue turque convertis, qu’il s’y implante vraiment. Aux XIIIe et XIVe siècles, les Mongols de Genghis Khan et de Tamerlan ravagèrent ce qui constitue aujourd’hui l’Afghanistan et le nord-ouest du Pakistan. Les Pachtouns s’en relevèrent difficilement.
 
            Babar, qui se prétendait descendant de Gengis Khan et de Tamerlan, originaire de la vallée de la Ferghana dans l’Ouzbékistan actuel, traversa le territoire afghan et se dirigea vers l’Inde où il fonda l’empire mogol. Les tribus pachtounes réussirent cependant à maintenir une certaine autonomie. Parfois elles se rebellèrent. Ainsi, le plus grand empereur de la dynastie mogole, Akbar, dut mater une révolte pachtoune au XVIe siècle. Il en fut de même au siècle suivant avec Aurangzeb. À la mort de cet empereur en 1707, la plupart des tribus pachtounes reprirent en main leurs destins. La première tentative de créer un empire pachtoun par les tribus Ghilzai aboutit à la prise de la ville persane d’Ispahan. L’entreprise avorta.
 
            En 1739, un turco-persan, Nadir Shah, qui avait enrôlé dans son armée de nombreux Pachtouns, conquit Delhi qu’il mit à sac. En 1761, Ahmad Shah Abdali, membre des tribus Abdali (rivales des tribus Ghilzai) et ancien général de Nadir Shah, saccagea à nouveau Delhi. Il prit le nom de Ahmad Shah Durrani (appellation venant de Durr-i-Durran, la perle des perles). Sous son règne, l’Afghanistan contrôle de vastes territoires, allant de la côte baloutche de Makran jusqu’au Cachemire. Ce royaume afghan, pachtoun, s’effrita à la fin du XVIIIe siècle.
 
            Au début du XIXe siècle, les sikhs s’emparèrent de territoires pachtouns à l’est et au sud de Peshawar. Leur armée bénéficia de l’expertise de généraux français. Les sikhs furent, à leur tour, vaincus par les Britanniques qui, ainsi, entrèrent en contact avec les Pachtouns.
 
            Inquiets des avancées russes à partir de l’Asie centrale, ou tout du moins prétextant l’être, les Britanniques lancèrent une campagne en Afghanistan. De 1838 à 1842 eut lieu la première guerre anglo-afghane. Les Britanniques y subirent de sérieux revers, mais réagirent et pour finir annexèrent une bonne partie des zones tribales pachtounes. La seconde guerre Anglo-afghane, de 1878 à 1880, eut pour but de consolider les positions britanniques, mais aussi d’exclure les Russes d’Afghanistan. Ce qui fut fait. Les Britanniques obtinrent le droit de contrôler la politique étrangère afghane. De 1880 à 1901, Abdur Rahman Khan fut un souverain afghan énergétique qui mena son royaume d’une main de fer. C’est pendant son règne que furent définies, à l’instigation et sous contrôle des Britanniques, les frontières correspondant à peu près à celles qui existent aujourd’hui. En 1893, était établie la fameuse ligne Durand (nom du négociateur britannique) séparant les territoires afghans et britanniques. La communauté pachtoune se retrouvait ainsi divisée arbitrairement, certains villages étant même coupés en deux. En 1895, la frontière avec la Russie était à son tour définie. La même année, celle avec la Chine, très courte, l’était aussi. L’Afghanistan jouait désormais un rôle tampon entre les empires britannique et russe.
 
            Les tribus pachtounes sous contrôle britannique, dont aucune n’avait été consultée pour la fixation de la ligne Durand, se révoltèrent en 1897. Elles furent encouragées par l’émir d’Afghanistan et soutenues par le sultan de Turquie. Les Britanniques parvinrent non sans mal à réprimer l’insurrection de grande ampleur.
 
            En 1919, le souverain afghan pensa le moment favorable pour récupérer les territoires perdus. ll déclencha une offensive vers Peshawar. Ainsi commença la troisième guerre anglo-afghane qui ne dura que quelques mois et se termina par le succès des Britanniques. Le traité de Rawalpindi qui y mettait fin confirmait le tracé de la ligne Durand en y apportant quelques modifications mineures. Bien qu’ayant perdu, les Afghans retrouvèrent une totale liberté de définir leur politique étrangère, tout du moins en théorie.
 
            En 1901, les Britanniques créèrent la province frontière du Nord-Ouest. De cette façon les Pachtouns des plaines étaient administrés séparément alors qu’ils l’étaient auparavant depuis Lahore, capitale du Pendjab. Quant aux Pachtouns des montagnes frontalières de l’Afghanistan, ils dépendaient d’agences tribales rattachées administrativement au gouvernement britannique de l’Inde.
 
            Fonctionnaires civils et officiers étudièrent la langue pachto et les us et coutumes des Pachtouns. Certains rédigèrent même des études remarquables qui furent utilisées par les décideurs politiques.
 
            Malgré le quadrillage militaire et la connaissance sans cesse améliorée des lieux et de ses habitants et malgré le développement du réseau routier, les Britanniques connurent maintes difficultés pour administrer les Pachtouns. Turbulents et rétifs, les montagnards pachtouns ne cessaient de mener des raids vers les agglomérations des plaines, tout en harcelant les troupes gouvernementales et montant des embuscades. Les Pachtouns des plaines, notamment dans la vallée de Swat, entretenaient aussi l’insécurité.
 

Espace géographique des Pachtouns

Bien avant la colonisation britannique, des Pachtouns s’étaient établis en Inde, dans la région de Rohilkhand (nord-est de Delhi). Des descendants subsistent, mais certains se sont installés ailleurs en Inde. Les princes hindous et les empereurs musulmans mogols firent appel à des Pachtouns dans leurs armées et leurs administrations. Certains Pachtouns jouèrent également un rôle dans l’économie des principautés hindoues et musulmanes. Une petite communauté pachtoune existe encore à Hyderabad, aujourd’hui capitale de l’État du Telangana. Parmi les acteurs et actrices du cinéma indien, à Bollywood, figurent des Pachtouns, descendants lointains de migrants.
 
            Dès le XIXe siècle, des Pachtouns s’étaient aussi installés au Gilgit-Baltistan et dans le reste du Cachemire alors sous administration britannique. D’autres ont rejoint le Gilgit-Baltistan depuis l’indépendance du Pakistan. Parmi les Indiens ayant migré vers des colonies anglaises, se trouvaient aussi, bien qu’en faible nombre, des Pachtouns. Certains ont fait souche dans ces contrées lointaines devenues pays indépendants.
 
            De nos jours, les Pachtouns sont essentiellement répartis sur deux pays contigus. Ils peuplent majoritairement le sud et l’est de l’Afghanistan et l’ouest du Pakistan. Au cours des dernières décennies, les grandes métropoles pakistanaises de Lahore, Quetta et surtout Karachi ont accueilli de nombreux Pachtouns, fuyant les zones de combat entre les forces de sécurité et les islamistes radicaux.

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