Journal de l'économie

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Greco, notre contemporain. Paris, Grand Palais, jusqu’au 10 février 2020





Le 8 Novembre 2019, par Christine de Langle


La France et la peinture espagnole

Guillaume Kientz, responsable des collections d’art européen au Kimbell Art Museum de Fort Worth, Texas, offre à Paris la première exposition d’envergure consacrée à Greco.
Une injustice enfin réparée. Nos collections nationales modelées par le goût royal ont toujours privilégié l’art italien. Il faut attendre Louis-Philippe pour voir au Louvre une « galerie espagnole » constituée sur la cassette personnelle du roi et pour cette raison dispersée au moment de sa destitution. Les poètes d’abord, Baudelaire puis Huysmans, sortent Greco de l’oubli pour exalter son étrangeté. Puis, ce sont les peintres du Salon d’automne de 1908 qui voient en Greco le visionnaire seul capable de dégager la peinture de l’ornière impressionniste. Aujourd’hui comment regarder Greco ?
 
Venise et Rome, un marché très concurrentiel

Né en Crète, Domenico Theotokopoulos, dit le Greco (1541-1614), est formé à la peinture byzantine et ses premières œuvres sont des icônes. L’île grecque sous domination politique et culturelle de Venise, c’est dans la cité des doges que Greco poursuit sa formation, fasciné par les couleurs du Titien et les audaces de Tintoret. Mais il se heurte à un marché très concurrentiel qui privilégie les artistes vénitiens et à la main mise de l’atelier de Titien sur toutes les grandes commandes. Direction Rome où règne Michel-Ange. Introduit dans le cercle humaniste du Palais Farnèse, Greco s’épanouit auprès des lettrés. Bien que reconnu excellent portraitiste, l’artiste ne maîtrise ni l’art de la fresque ni celui des grands cycles décoratifs, seuls capables d’assurer une pérennité artistique.
 
L’Escorial et Tolède

Philippe II, maître d’une Europe secouée au 16e siècle par la Réforme, cherche des artistes pour décorer le monastère de l’Escorial. Greco saisit sa chance et part pour Tolède, fière capitale impériale avant l’émergence de Madrid. Une première commande royale, Le Songe de Philippe II est un succès. Malheureusement, son Saint Martin et le pauvre ne possède pas les codes de la piété et ne paraît pas suffisamment « catholique » au roi. A la tête d’un atelier Greco se tourne vers les commandes de particuliers. Il livre de superbes portraits d’humanistes espagnols et poursuit ses recherches formelles en déclinant les variations sur un même thème.

 

Saint-Martin et le pauvre
Saint-Martin et le pauvre
Une scénographie inspirée

Les œuvres se déploient dans un espace semblable à une grande nef d’église ponctuée de chapelles latérales et sur des murs blancs qui laissent chanter les couleurs vives, si audacieuses dans leur rapprochement. Greco règne et triomphe en majesté. Au lieu des critiques habituelles qui soulignent le dessin maladroit et l’œuvre d’un astigmate (!), rappelons le temps de Greco qui est aussi celui de Jean de La Croix et de Thérèse d’Avila, un temps d’exaltation mystique et de tension intellectuelle qui tourmente le dessin, exagère le geste et force l’expression. Greco architecte, c’est la découverte de l’exposition qui présente un tabernacle avec une statuette de Christ, seul exemple conservé de l’activité de Greco sculpteur.
 
L’inspirateur de notre monde

Le réalisateur Eisenstein avoue s’en être beaucoup inspiré et lui a même consacré un essai. Quant à Cocteau, il pressent dès 1943 tout ce qui relie le monde incandescent de Greco au nôtre. « Un jour nous verrons ce limon sculpté de la terre devenir les Baigneurs de Cézanne, et de croisement en croisement, aboutir à l’effrayante race d’hommes sauterelles, d’hommes chiens, d’ogres à tête de bouquet de fleurs dont Salvador Dali peuple ses solitudes. »

Il faut aller se confronter aux œuvres du Greco pour comprendre notre monde en ébullition.

L'ouverture du cinquième sceau.
L'ouverture du cinquième sceau.

 

Christine de Langle


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