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Hélène de Prévoisin (La Banque Postale) : « Les Prêts Participatifs Relance donnent de la respiration aux entreprises »





Le 6 Mai 2021, par La Rédaction

Bruno Le Maire a annoncé fin avril le top départ des Prêts Participatifs Relance (PPR), un dispositif de 11 milliards d’euros destiné à renforcer la structure financière des entreprises, fragilisées par la crise, et à permettre de financer leur développement. Commercialisés jusqu’en juin 2022, ces prêts pourront être accordés à des PME/ETI dont le chiffre d’affaires varie entre 2 millions et 1,5 milliard d’euros. Ils pourront représenter jusqu’à 12,5 % du chiffre d’affaires 2019 pour une PME.

Présentation d’un instrument innovant avec Hélène de Prévoisin, directrice du marché entreprises de La Banque Postale.


Hélène de Prevoisin
Hélène de Prevoisin

Quelles sont les spécificités des PPR ?
 
Hélène de Prévoisin : Les spécificités des PPR sont aujourd’hui bien établies. Il s’agit d’un financement long, avec une maturité de huit ans et un différé d’amortissement de quatre ans au minimum. L’autre spécificité importante de ces prêts est que leur remboursement est subordonné à celui des autres dettes bancaires et obligataires. C’est-à-dire qu’il n’intervient qu’après celui de toutes les autres dettes. Les PPR viennent ainsi renforcer la structure financière des entreprises, par rapport à de la dette amortissable classique. C’est une façon de leur redonner du temps et des moyens, jusqu’ici obérés par un surcroît d’endettement.
 
En outre, une caractéristique intéressante concerne l’origine de ce financement. Il va provenir pour partie des banques, à hauteur de 10 %, tandis que les 90 % restants seront cédés à un fonds de place. En effet, les banques ne conservent pas l’intégralité de ces prêts dans leur bilan, contrairement à un crédit classique. Ce fonds de place sera abondé par les assureurs, avec des montants collectés auprès des ménages. Il bénéficie, d’ailleurs, d’une garantie partielle de l’État (30 %), ce qui le rend plus attractif qu’un financement par un fonds de dette traditionnel.
 
Autre avantage de taille : les PPR n’impliquent pas de modification de la gouvernance des entreprises bénéficiaires et ne s’accompagnent pas d’enjeu de valorisation.
 
En quoi est-ce un dispositif complémentaire aux autres instruments existants, tels que les prêts garantis par l’État (PGE) ?
 
Hélène de Prévoisin : Les PGE correspondent au financement d’un besoin de trésorerie pour faire face à une chute d’activité, du fait de la crise sanitaire. Les PPR sont très complémentaires, puisqu’il est cette fois-ci question d’un dispositif de relance. Leur vocation est de financer le développement des entreprises. L’idée est de pouvoir accompagner les PME/ETI dans la transformation de leur business model, vers davantage de digitalisation et de respect de l’environnement.
 
Ces prêts participatifs donnent le temps d’avoir un retour sur investissement suffisant avant de commencer, au bout de la cinquième année, leur remboursement. De plus, ils sont sans garantie demandée à l’emprunteur et leur objet est globalement large : ils peuvent financer des investissements matériels et immatériels, tels que la R&D ou la croissance externe pour consolider un marché. L’objectif des PPR est clairement celui du développement des entreprises. C’est un complément aux fonds propres et à la dette senior, et non pas une mesure d’urgence pour maintenir la solvabilité de nos clients.
 
Y a-t-il des secteurs ou des profils d’entreprises à qui s’adresseraient plus particulièrement les PPR ? Quelles situations justifient le recours à ce dispositif plutôt qu’à un prêt classique ?
 
Hélène de Prévoisin : Il n’y a pas d’exclusion d’un point de vue sectoriel. Toutes les entreprises qui ont des besoins d’investissement sont, dans l’absolu, éligibles. Je formulerais simplement deux bémols, à savoir les activités non-RSE et les sociétés en très grande difficulté financière. Les situations concernées doivent porter sur du financement de la croissance. Fondamentalement, tous les cas d’usage sont possibles dès lors que l’entreprise est viable et souhaite renforcer sa capacité productive. Le PPR est un dispositif de rebond, là où le PGE est un instrument de sauvegarde.
 
Les PPR ont fait l’objet de longues discussions entre les services de Bercy, les banquiers et les assureurs. Comment un acteur tel que La Banque Postale, à la fois banquier et assureur, s’engage dans le dispositif et le déploie sur le terrain ?
 
Hélène de Prévoisin : Nous sommes pleinement associés à ce projet, en tant que banque publique, mais aussi parce que nous souhaitons être une banque de la relance citoyenne. Cela se traduit par la formation de notre réseau et, notamment, de nos 170 collaborateurs chargés des PME et des ETI pour commercialiser ce financement.
 
Côté assureur, nous avons depuis l’année dernière une nouvelle filiale, qui est CNP Assurances. Celle-ci s’est engagée très fortement dans le dispositif : sur les 11 milliards d’euros annoncés dans le cadre des PPR, la contribution de CNP Assurances s’élève à 1,5 milliard. Ce montant est substantiel et fait partie des contributions les plus importantes de la place. Enfin, nous disposons d’une filiale de gestion d’actifs, au travers de La Banque Postale Asset Management (LBP AM). Elle est l’un des gérants délégués du fonds de place. Nous sommes donc présents dans le dispositif à tous les niveaux.
 
Les PME ne sont pas forcément familières de ce type de dispositifs qui se rapprochent des quasi-fonds propres. Concrètement, comment cela fonctionne pour les dirigeants qui souhaiteraient y recourir ? Est-ce un instrument difficile à mettre en œuvre ?
 
Hélène de Prévoisin : Toute la force des PPR est justement de rendre accessible, à des entreprises de plus petite taille, un financement que l’on qualifie de junior et auquel elles ne peuvent pas recourir d’habitude. C’est pour cela que le dispositif s’appuie sur les réseaux bancaires, en raison de leur proximité avec les besoins de leur clientèle et de leur présence territoriale. La seule chose que l’on demande, aux entreprises qui nous sollicitent, est de s’adresser à leur chargé d’affaires à l’appui d’un business plan. C’est à l’aune de ce document que nous étudierons le dossier de crédit et que nous y répondrons le plus favorablement possible.
 
Co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), Frédéric Coirier a émis des doutes sur la capacité des PPR à convaincre les marchés qu’il s’agit bien de quasi-fonds propres et non pas de dette. Quelle est votre conviction à cet égard ?
 
Hélène de Prévoisin : Je comprends son interrogation, parce qu’elle est réelle. Si l’on se réfère au code monétaire et financier, les PPR sont bien des quasi-fonds propres. Notamment parce qu’ils doivent être remboursés après les dettes seniors. Malgré tout, ces prêts sont considérés par la Banque de France et d’un point de vue comptable comme de la dette. Mais il s’agit d’une dette subordonnée, qui renforce à ce titre la structure financière des entreprises. C’est là tout l’enjeu du dispositif. Globalement, nous redonnons de la respiration aux opérateurs économiques qui peuvent, en complément, s’endetter avec un crédit classique à court/moyen terme.
 
Que les PPR soient qualifiés de quasi-fonds propres par les uns, ou de dette subordonnée par les autres n’est pas très grave. Ce qui compte, c’est que ces prêts soient un instrument de facilitation. Nous avons interrogé la Banque de France, qui est une agence de notation publique et nationale. Les PPR entreront effectivement dans les ratios de dette, mais la notation des entreprises concernées sera toute chose égale par ailleurs améliorée parce que de tels financements, de longue durée, renforcent leur structure financière.
 
C’est une innovation majeure : jamais autant de moyens et d’ambitions n’ont été déployés sur cette thématique d’aide au développement des acteurs économiques. Cela résulte des enseignements tirés de la crise financière de 2008. Nous avions constaté, à l’époque, que les entreprises s’étaient focalisées un certain nombre d’années sur le respect de leurs engagements financiers, au détriment de l’investissement. De sorte qu’elles avaient été pénalisées en matière de croissance et de gain de productivité. Avec les PPR, nous souhaitons éviter de reproduire les erreurs du passé. Je suis confiante sur l’utilité et le succès de ce mode de financement, qui soutient les ambitions de développement des entreprises.
 



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