Journal de l'économie

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Investissement immobilier, vers la fin d'un cycle béni





Le 24 Février 2020, par Guillaume VETILLARD


Dans la foulée de la crise financière de 2009, les banques centrales ont mis en place des politiques d’assouplissement quantitatif consistant à racheter massivement les titres de dettes détenus par les acteurs financiers.
 
Ces politiques monétaires visaient à enrayer le caractère systémique de la crise de confiance interbancaire en soulageant les bilans ; elles contribuent aujourd’hui à maintenir l’économie à flot.
 
Ces politiques ont fait chuté le rendement des emprunts d’état à un niveau historiquement bas, inconnu jusqu’alors.
 
La plupart des pays évoluent dorénavant en taux négatifs alors même que nous connaissons un niveau d’inflation d’environ 1,3%.   Depuis juin dernier, l'Etat français emprunte à taux négatifs sur les marchés à 10 ans. C’est sans aucun doute le premier bénéficiaire. Les taux réels sont donc clairement négatifs pour les institutions et proches de zéro pour les particuliers qui veulent emprunter.
 
Cette politique de taux bas dope tout particulièrement la valeur des actifs peu cycliques et générateurs de résultats stables, plébiscités par les investisseurs ; en premier chef l’immobilier.
 
La corrélation entre les taux et l’immobilier est instantanée et automatique, quelques soient les méthodes de valorisation utilisées.
 
Depuis le début des années 1980, sous le gouvernement Mauroy, une fois la politique monétaire déflationniste mise en œuvre, puis assouplie, la décrue a été continue, de 16 % à 0 % aujourd’hui.
 
Ce phénomène a provoqué une inflation des valeurs immobilières décorrélée de celles des sous-jacents locatifs ou de l’inflation.
 
 À titre d’exemple, sur la période récente post crise financière, des bureaux Prime parisiens achetés en 2011 sur une base de taux de rendement de 5,5 % se vendaient en 2019 sur une base de taux de rendement de 3 %.
 
Sans tenir compte de l’indexation des loyers qui impacte directement la valeur à la hausse, ces actifs ont vu leur valeur augmenter mathématiquement, automatiquement, de plus de 80 % avant même que leur propriétaire n’est réalisé la moindre amélioration de leur patrimoine.
 
Les possédants ont donc bénéficié d’une manne « divine » qui a valorisé leurs actifs très largement au-dessus de l’inflation de la croissance, accroissant par là même l’écart de richesse entre ceux qui possèdent des actifs et ceux qui n’en possèdent pas.
 
Cette inflation des prix a permis d’amortir le coût de la transformation énergétique et des évolutions structurelles, des restructurations, de l’augmentation des taxes, des frais, des honoraires, des coûts des travaux,  etc.
 
Il en est de même pour tous les véhicules de détention collective qui ont surfé sur le même phénomène, empilant les prestataires et les frais de manière indolore pour l’investisseur ou l’épargnant.
 
Là où l’équation se tend, c’est lorsque l’on s’intéresse aux rendements délivrés sur la même période par ces véhicules d’investissement à leurs souscripteurs.
 
Dans une très large mesure, les rendements générés par la création de valeur de ces véhicules au terme de la période de détention ont été inférieurs voire très inférieurs à la création de valeur automatique générée par la compression des taux.
 
Si, à l’avenir, la compression des taux ne produit plus ses effets euphorisants, quels rendements produiront ces mêmes business models ?
 
Quels rendements délivreront dans le futur ceux qui ont délivré moins ou beaucoup moins que ce qui était acquis automatiquement par le jeu de la compression ?
 
En clair, si la manne divine diminue, disparaît ou s’inverse, les coûts eux resteront les mêmes car la quasi-totalité de ces coûts sont fixes.
 
Il est d’autant plus nécessaire de s’interroger sur les résultats à venir que tous ces produits font très largement appel au levier de la dette.
 
Ces véhicules de détention démultiplient les fonds propres de leurs souscripteurs par la dette pour obtenir leur rendement final ; mais il est également fréquent que les souscripteurs eux-mêmes aient largement fait appel à la dette au préalable pour gonfler le niveau de leur propre souscription.
 
A cette superposition de dettes se cumule l’empilement des fees, des prestataires et des sous-traitants : la chaîne dite de création de valeur (ou dans certain cas, de destruction de valeur).
Le système reste « vertueux » aussi longtemps qu’il reste sous perfusion des banques centrales et que la manne distribuée permet aux uns et aux autres d’y trouver leur compte.
 
Si les acteurs financiers envisagent assez logiquement que les banques centrales ne pourront pas revenir en arrière et remonter largement les taux sous peine de voir s’effondrer tout le système, il est probable (mais pas certain) que les taux ne pourront pas continuer à se compresser indéfiniment en zone négative.
 
Sans compression des taux, il n’y aura plus assez de rendement en capital pour soutenir les rendements locatifs et rémunérer à la fois les TRI annoncés aux investisseurs et le coût de la machinerie censée les obtenir.
 
Comme les banques conscientes du risque n’augmenteront pas la part d’endettement dans l’acquisition des actifs, le salut ne pourra venir de ce côté-là. Après une année 2019 euphorique, les banques françaises ont même commencé à durcir les conditions d'emprunt pour le crédit immobilier.
 
Pour tenter de maintenir les rendements proposés, les véhicules d’investissement vont pallier dans un premier temps à la baisse des rendements par l’augmentation de leur prise de risque, (marchés secondaires, marchés étrangers, actifs exotiques) ; des actifs plus rémunérateurs car tout simplement plus risqués.
 
Certains véhicules vont également chercher à récupérer au sein de la chaîne de valeur, des marges qu’ils laissaient autrefois à d’autres prestataires.
 
Avec de l’argent à 0 % la valorisation des actifs de rendements est, en théorie, pratiquement sans limite, mais l’impact d’une remontée des taux sur la valorisation d’actifs achetés en dessous de 3% est redoutable en pratique.
 
Sauf miracle le marché ne devrait avoir d’autre choix que de revoir ses business models et ses promesses de rendements. Sans transformation en profondeur des models, le souscripteur ne pourra pas sortir gagnant des prochaines échéances. Le cycle d’investissement à venir est sans aucun doute le plus exigeant car il va devoir évoluer en zone de stagnation des taux (dans le meilleur des scénarios) voire en cycle d’inversion.
 
L’afflux de liquidités pourrait se réorienter pour une partie et se tarir pour une autre.
 
Les acteurs parient sur une stabilisation des taux bas et sur la contraction des primes de risque pour maintenir le niveau des rendements sur fonds propres de leurs models ; et la BCE semble leur donner raison pour le moment.
 
Il n’en reste pas moins que l’on arrive au bout d’un cycle béni où il suffisait de jouer pour gagner et de surcroît pour gagner beaucoup ; dorénavant, seuls les plus  innovants pourront  continuer à créer de la valeur.
 
Guillaume VETILLARD
Of Counseil AREIMA département transactions immobilières LEX SQUARED

 


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