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Jean-Pierre Guéno : « La tentation du Chaos »





Le 9 Mars 2022, par Bertrand Coty interview

Passeur d’histoires, Jean-Pierre Guéno est un auteur et directeur d’édition qui donne vie aux figures les plus essentielles de nos mémoires. Archéologue de la littérature, il revitalise la scène de l’histoire à travers des promenades dans ses paysages secrets et souvent oubliés. Artisan de l’émotion, Jean-Pierre Guéno est l’auteur de nombreux titres, dont Paroles de Poilus (Librio-Radio France, 1998), qui a su toucher plus de trois millions de lecteurs.


Jean-Pierre Guéno, vous publiez aux éditions JM Laffont : « La tentation du Chaos ». Vous évoquez la déception des électeurs face aux candidats. Quel phénomène est responsable de cette situation ? 

Aucun des 12 candidats n’incarne un véritable programme. Les bouquets de mesures ne remplacent pas un vrai projet de société inhérent à un projet de civilisation. Tout cela manque de souffle et d’idées. Tout cela manque d’une vision tournée vers l’intérêt général et vers le bien commun. Les professions de foi des 12 candidats se résument trop souvent à des imprécations, à des rejets. Tous clivent là où il faudrait rassembler.  Il y a trop de haine et trop d’Ego dans tout cela. Trop de volonté de puissance, de volonté de conquérir le pouvoir pour lui-même. La tentation de chaos c’est le penchant de trop d’électeurs à s’abstenir où à voter pour des candidats de l’extrême, histoire de « donner un grand coup de pied dans la fourmilière. » Il y a encore peu de temps, certains pensaient : « il nous faudrait une bonne guerre ». La tragédie de l’Ukraine a exaucé leur souhait monstrueux.

Relisez « Soleil vert » le roman écrit en 1966 par l'écrivain américain Harry Harrison qui a inspiré le film du même nom.  Découvrez ce monde décrit il y a plus de 56 ans : les océans y sont mourants, la canicule y est présente toute l'année en raison de l'effet de serre, conduisant à l'épuisement des ressources naturelles, à la pollution, à la pauvreté, à la surpopulation et à l'euthanasie volontaire.

La plupart des habitants n'ont pas les moyens d'acheter des aliments naturels, les prix étant exorbitants. Ils en sont réduits à manger des produits de synthèse, fournis par la multinationale Soylent Industries, sous forme de tablettes carrées de couleur jaune, rouge ou bleue.

Un nouvel aliment vient cependant d'être lancé, le Soylent Green (Soleil vert en français) ; beaucoup plus nutritif, cet aliment est extrêmement cher et disponible uniquement le mardi. On finit par apprendre que le « Soleil vert » est fabriqué avec les corps des gens euthanasiés à l’image du bétail utilisé pour nourrir la planète.

Vous retracez l’histoire de notre démocratie. Quels enseignements en tirez-vous ?

Elle est à l’image de la vie : un mélange de fange et de ciel, de lumière et d’obscurité. Je récuse toute forme de roman national. Nous n’avons ni à être fiers ni à avoir honte de notre histoire. Nous avons été capables du meilleur comme du pire. Pendant la guerre d’Algérie nous nous sommes parfois conduits comme des SS. Nous avons parfois tutoyé le « côté obscur de la force ». Nous ne sommes pas le pays des droits de l’homme, car nous les avons piétinés à plusieurs reprises. Nous sommes très loin d’être le pays des droits de la femme à l’heure où le différentiel de salaire entre hommes et femmes à responsabilités égales reste si élevé.
 
Malgré les crises actuelles, avons-nous de bonnes raisons de rester optimistes selon vous ? 

Il faut toujours être optimiste, voir le verre à moitié plein et non à moitié vide. Sinon nous sous comporterons en aigris, en « vieux cons », en râleurs ne cessant de prévoir à la façon de Zemmour, l’apocalypse, le « tout fout le camp », le « y’a plus de jeunesse », le « y’a plus de saisons ». La trajectoire de l’humanité n’est qu’un mouvement de balancier perpétuel entre l’humanisme et la barbarie. Nous ne savons jamais tirer les leçons de l’histoire.

Nous avons malheureusement besoin d’un électrochoc de temps à autre pour nous rappeler que le volcan de la barbarie est toujours en activité. Il vient de s’éveiller en Ukraine sous l’influence de Vladimir Poutine. En réalité il s’était réveillé depuis 20 ans, mais nous étions restés dans le déni. La plus grande richesse de l’individu c’est l’autre. Le paradis c’est l’autre. Jean-Paul Sartre avait tout faut sans doute parce qu’il ne s’aimait pas. Il faut apprendre à s’accepter pour aimer l’autre. 
 
Quel est le thème le plus fédérateur pour susciter l’adhésion des peuples de votre point de vue ?

C’est celui du lien et de la diversité. Notre salut ne peut passer que par le brassage des peuples, des cultures et des religions, par le respect des différences.  Antoine de Saint-Exupéry résume tout dans sa parabole qui nous rappelle aujourd’hui que debout collée serrée, toute l’humanité pourrait tenir sur une fois et demie l’île de Corse. La planète Terre n’est pas surpeuplée ni géographiquement ni démographiquement. Elle est économiquement et socialement surpeuplée pour deux raisons : le refus du partage, quand 10 individus monopolisent 50 % des richesses de l’humanité, et le grand gaspillage qui nous voit jeter à la poubelle 1/3 de ce que nous produisons.

 




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