Chacun sait depuis une vingtaine d’années que les entreprises du tabac avaient sciemment caché la nocivité de la nicotine. Chacun sait que les pétroliers ont jusque récemment éteint toute velléité d’autres énergies (électricité, hydrogène, air comprimé…) pour conserver le monopole de la traction thermique des véhicules à quatre roues. Chaque groupe d’industriels a sciemment déplacé la démonstration pour donner raison à son projet.
L’agnotologie – la science de produire de l’ignorance voire de la désinformation – détourne le sujet de l’étude : moins polluer.
Le débat sur l’utilité de la voiture électrique est détourné dès le départ. La question posée est : comment moins polluer notamment par la circulation routière (camion et automobile). La réponse logique est : roulons moins, cela baissera la pollution. Cette réponse n’est pas traitée. Aujourd’hui, le débat supposé porte sur le choix entre la voiture électrique ou à hydrogène ou hybride pour remplacer la voiture thermique. La réponse porte sur le mode de traction, elle aurait pu porter sur la diminution du nombre de véhicules. En ignorant ce choix, les constructeurs préservent la construction de véhicules et donc leurs outils industriels.
Diminuer le trafic routier de personnes a des réponses connues : densifier les transports en commun, multiplier les cadences de ces transports, développer de nouveaux moyens de transport entre le taxi et le bus, développer les transports autonomes, faciliter les transports doux, etc.
Diminuer le trafic routier de marchandises a aussi des réponses connues : multiplier les trains et tramways de marchandises, développer les transports autonomes par mer et voies navigables et rail, faciliter les transports autonomes routiers, etc. C’est reconsidérer la logistique dans l’ensemble de sa répartition y compris intra-urbaine.
Les constructeurs automobiles répondent par une manipulation.
Or diminuer le nombre de voitures en circulation, c’est construire moins de voitures, c’est considérer 100 millions de voitures construites annuellement comme un maximum. En proposant de changer l’énergie de traction de la voiture, les constructeurs s’engagent à préserver la voiture personnelle pendant de longues années. En effet, non seulement l’électronique a contribué à allonger la vie de la voiture, la voiture électrique promet aux dires des constructeurs de la prolonger encore plus. Le passage à la voiture électrique va préserver la voiture personnelle pour plusieurs dizaines d’années ! Et le rétrofit, la conversion de la voiture thermique à l’électrique qui a de nombreux avantages, n’est pas aidé en France contrairement à l’achat d’une voiture électrique neuve ! CQFD.
Tout ceci ne répond pas à l’absence d’assurance d’extraction de matières premières rares (cobalt, cuivre, nickel, lithium, manganèse…) pour fabriquer les batteries, ni aux nuisances environnementales et humaines de ces extractions, ni notamment au recyclage des batteries, ni à la densité du trafic qui allonge la durée de transport habitat/travail et nuit à la santé des utilisateurs et contribue au bétonnage des terres arables.
Le soutien des États (et des Villes) est pour le moins étonnant
Les mêmes États qui se battent pour financer et construire des « giga factories » de batteries et des programmes de recherche de recyclage s’engagent pour baisser le carbone de leurs États à 2030 et 2050 afin de respecter les Accords de Paris. Or pour eux, la question de « moins polluer notamment dans la circulation routière » devrait être non seulement de diminuer le nombre de véhicules en circulation, mais de diminuer l’occasion de se déplacer pour le travail, les études, les achats, la santé, les loisirs et la culture, etc. Même la Convention Citoyenne pour le Climat a ignoré ce sujet.
La réponse des États doit porter sur une réflexion globale sur les futurs des organisations des espaces. Or la crise de la Covid-19 n’a fait que renforcer les défauts du passé, par exemple construire de nouveaux véhicules. Aucune Ville, aucun État, n’a profité du confinement pour tester la circulation de véhicules autonomes, c’est-à-dire créer un nouveau système de transport avec moins de véhicules. Il faut dire que les compagnies d’assurance mettent en avant pour ces voitures le choix entre tuer un bébé ou une personne âgée, conscientes que la voiture autonome leur fera perdre la moitié de l’activité de cette branche.
Il y a donc une profonde désinformation en faveur des véhicules électriques
La voiture individuelle électrique ou à hydrogène n’est pas la réponse du futur à la pollution ou à la vie de la ville (80 % des Français aujourd’hui, 75 % des Terriens en 2050 sont des urbains). D’autant que les industriels européens sont encadrés par le haut de gamme et l’autonomie de Tesla et les prix bas, très bas, chinois. Malgré les milliards investis depuis une petite dizaine d’années l’amortissement ne sera pas là d’autant que la voiture autonome de Waymo sera en grande partie la réponse attendue.
Prisonniers de leurs investissements et de leurs promesses d’emplois, les constructeurs ont obtenu le soutien sans failles des États et des Villes ainsi que des assureurs et des banquiers sur un projet qui ne répond pas à la question : comment moins polluer. L’Histoire dira si cette agnotologie, cet enseignement de l’ignorance, a été consciente ou pas.
Je repars en plongée…
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa
L’agnotologie – la science de produire de l’ignorance voire de la désinformation – détourne le sujet de l’étude : moins polluer.
Le débat sur l’utilité de la voiture électrique est détourné dès le départ. La question posée est : comment moins polluer notamment par la circulation routière (camion et automobile). La réponse logique est : roulons moins, cela baissera la pollution. Cette réponse n’est pas traitée. Aujourd’hui, le débat supposé porte sur le choix entre la voiture électrique ou à hydrogène ou hybride pour remplacer la voiture thermique. La réponse porte sur le mode de traction, elle aurait pu porter sur la diminution du nombre de véhicules. En ignorant ce choix, les constructeurs préservent la construction de véhicules et donc leurs outils industriels.
Diminuer le trafic routier de personnes a des réponses connues : densifier les transports en commun, multiplier les cadences de ces transports, développer de nouveaux moyens de transport entre le taxi et le bus, développer les transports autonomes, faciliter les transports doux, etc.
Diminuer le trafic routier de marchandises a aussi des réponses connues : multiplier les trains et tramways de marchandises, développer les transports autonomes par mer et voies navigables et rail, faciliter les transports autonomes routiers, etc. C’est reconsidérer la logistique dans l’ensemble de sa répartition y compris intra-urbaine.
Les constructeurs automobiles répondent par une manipulation.
Or diminuer le nombre de voitures en circulation, c’est construire moins de voitures, c’est considérer 100 millions de voitures construites annuellement comme un maximum. En proposant de changer l’énergie de traction de la voiture, les constructeurs s’engagent à préserver la voiture personnelle pendant de longues années. En effet, non seulement l’électronique a contribué à allonger la vie de la voiture, la voiture électrique promet aux dires des constructeurs de la prolonger encore plus. Le passage à la voiture électrique va préserver la voiture personnelle pour plusieurs dizaines d’années ! Et le rétrofit, la conversion de la voiture thermique à l’électrique qui a de nombreux avantages, n’est pas aidé en France contrairement à l’achat d’une voiture électrique neuve ! CQFD.
Tout ceci ne répond pas à l’absence d’assurance d’extraction de matières premières rares (cobalt, cuivre, nickel, lithium, manganèse…) pour fabriquer les batteries, ni aux nuisances environnementales et humaines de ces extractions, ni notamment au recyclage des batteries, ni à la densité du trafic qui allonge la durée de transport habitat/travail et nuit à la santé des utilisateurs et contribue au bétonnage des terres arables.
Le soutien des États (et des Villes) est pour le moins étonnant
Les mêmes États qui se battent pour financer et construire des « giga factories » de batteries et des programmes de recherche de recyclage s’engagent pour baisser le carbone de leurs États à 2030 et 2050 afin de respecter les Accords de Paris. Or pour eux, la question de « moins polluer notamment dans la circulation routière » devrait être non seulement de diminuer le nombre de véhicules en circulation, mais de diminuer l’occasion de se déplacer pour le travail, les études, les achats, la santé, les loisirs et la culture, etc. Même la Convention Citoyenne pour le Climat a ignoré ce sujet.
La réponse des États doit porter sur une réflexion globale sur les futurs des organisations des espaces. Or la crise de la Covid-19 n’a fait que renforcer les défauts du passé, par exemple construire de nouveaux véhicules. Aucune Ville, aucun État, n’a profité du confinement pour tester la circulation de véhicules autonomes, c’est-à-dire créer un nouveau système de transport avec moins de véhicules. Il faut dire que les compagnies d’assurance mettent en avant pour ces voitures le choix entre tuer un bébé ou une personne âgée, conscientes que la voiture autonome leur fera perdre la moitié de l’activité de cette branche.
Il y a donc une profonde désinformation en faveur des véhicules électriques
La voiture individuelle électrique ou à hydrogène n’est pas la réponse du futur à la pollution ou à la vie de la ville (80 % des Français aujourd’hui, 75 % des Terriens en 2050 sont des urbains). D’autant que les industriels européens sont encadrés par le haut de gamme et l’autonomie de Tesla et les prix bas, très bas, chinois. Malgré les milliards investis depuis une petite dizaine d’années l’amortissement ne sera pas là d’autant que la voiture autonome de Waymo sera en grande partie la réponse attendue.
Prisonniers de leurs investissements et de leurs promesses d’emplois, les constructeurs ont obtenu le soutien sans failles des États et des Villes ainsi que des assureurs et des banquiers sur un projet qui ne répond pas à la question : comment moins polluer. L’Histoire dira si cette agnotologie, cet enseignement de l’ignorance, a été consciente ou pas.
Je repars en plongée…
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa