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La Bibliothèque nationale de France -Site Richelieu, un nouveau lieu d’excellence à Paris





Le 12 Décembre 2022, par Christine de Langle

Au cœur de Paris, entre le quartier trépidant de la Bourse et l’enclos feutré du Palais-Royal, cette vénérable institution a ouvert ses portes au public pour les Journées européennes du Patrimoine le 17 septembre 2022, après une complète rénovation qui a duré quinze ans. À l’heure du numérique, est-ce bien raisonnable de consacrer tant de place au livre ? Car parler du site Richelieu rappelle que la Bibliothèque nationale de France (BnF) est une entité qui se déploie en plusieurs sites, à Paris (François-Mitterrand, Richelieu, Opéra, Arsenal) et Avignon (Jean Vilar).


Salle ovale rénovée © Jean-Christophe Ballot - BnF - Oppic
Salle ovale rénovée © Jean-Christophe Ballot - BnF - Oppic
Le patrimoine documentaire de la Nation

Dans sa communication institutionnelle, la BnF « a pour mission de collecter, cataloguer, conserver, enrichir et communiquer le patrimoine documentaire national ». La visite du site Richelieu nous fait découvrir ce qui est appelé « patrimoine documentaire national ». Au-delà des salles de lecture et des réserves ou « magasins », ce sont des salles de musée qui « donnent à voir et à comprendre le patrimoine de la Nation ».

Vous l’avez compris, cet accès au site Richelieu est une plongée dans l’Histoire de la France étudiée par les documents écrits et les objets remarquables documentés par le patient travail des archéologues, paléographes et historiens. Le label « Trésor national » prend ici tout son sens, c’est le trésor de la Nation accessible à tous.
 

Escalier Vivienne © Laurent Julliand - BnF
Escalier Vivienne © Laurent Julliand - BnF
Une rénovation exemplaire

C’est la première rénovation globale du site dont l’histoire commence au XVIIe siècle et un défi de taille pour le cabinet d’architecture Gaudin qui a eu pour mission « la requalification du quadrilatère Richelieu », cela signifie intervenir sur une surface au sol de plus de 15 000 m2 au cœur de Paris (près de 70 000 m2 en comptant tous les niveaux). Le site qui reste accessible aux chercheurs pendant toute la durée des travaux a fait l’objet d’une mise aux normes énergétiques et sécuritaires.

C’est un projet à portée historique qui s’inscrit à la suite d’architectes prestigieux, de Mansart à Labrouste, en passant par Robert de Cotte, Gabriel, Pascal ou Roux-Spitz. C’est un projet politique, dans sa volonté de rendre accessible à tout le patrimoine de la Nation. Malgré le poids historique du lieu, les architectes n’ont pas hésité à introduire une ligne contemporaine qui répond à une nécessité d’utilisation. Créer une fluidité de circulation intérieure, c’est le rôle de la nouvelle « Galerie de verre » qui facilite par sa transversalité le passage entre les différentes entités de recherches et d’enseignement et traduit la complémentarité des trois institutions qui cohabitent, la BnF, l’Institut National d’Histoire de l’Art (INHA) et l’École Nationale des Chartes.

Le site Richelieu se concentre donc sur les documents d’histoire de l’art quand la Bibliothèque François-Mitterand sur le site Tolbiac rassemble les documents imprimés, périodiques et l’audiovisuel.

Le grand escalier d’honneur du XIXe siècle a été remplacé par un escalier en acier revêtu d’aluminium brossé d’une grande légèreté et élégance. Comme toute modification, ces ajouts contemporains n’ont pas manqué de susciter la polémique, à chacun de se faire son idée.

Les lecteurs sont comblés. La Salle ovale, autrefois réservée aux chercheurs, est désormais ouverte à tous, gratuitement, et sur les 20 000 ouvrages présentés, 9000 bandes dessinées ravissent les amateurs, grands et petits. La Salle Labrouste est en revanche réservée aux chercheurs. C’est une immense bibliothèque consacrée à l’histoire de l’art dont se servent les étudiants de l’INHA dont les locaux jouxtent la BnF. Ces deux grandes salles ont été conçues respectivement par les architectes Pascal et Labrouste, sur le modèle des salles de lecture circulaires anglaises, celle de l’université d’Oxford ou celle du British Museum à Londres.
 

Salle de Luynes © Guillaume Murat - BnF
Salle de Luynes © Guillaume Murat - BnF
Naissance d’une institution

Héritière de la bibliothèque des rois de France, la BnF nous rappelle le pouvoir de l’écrit et l’importance de sa transmission. La mention d’une première bibliothèque royale est celle que le roi Charles V installe en 1368 dans son palais du Louvre. La tour de la Fauconnerie débaptisée pour accueillir les manuscrits précieux devient la tour de la Librairie. En 1380, à la mort du roi, l’inventaire fait état de 965 livres, chiffre considérable pour l’époque. Cette première bibliothèque royale sera malheureusement dispersée. Il faut attendre le XVe siècle et Louis XI pour constituer une bibliothèque qui fera partie de l’héritage royal.

Installée à Amboise, puis à Blois, Fontainebleau et Paris. François Ier, homme de culture, soucieux de sauvegarder les textes des plus beaux esprits de son époque, mais aussi de contrôler les écrits religieux séditieux, met en place, en 1537, l’obligation de déposer un exemplaire de chaque publication à la Bibliothèque royale, le dépôt légal est né. Au XVIIe siècle, la Bibliothèque royale s’installe à Paris. D’achats princiers en legs à la Couronne, les collections se développent. Auxquelles viennent bientôt s’ajouter celles du Cabinet du Roi.
 
Le Cabinet du Roi, nouveau musée de la BnF

Chaque souverain possédait une collection de monnaies et objets en métal précieux connu sous le nom de Cabinet des médailles ou Cabinet des antiques. Outre la beauté des pièces, cette collection répondait à une nécessité économique, avoir à portée de main royale une réserve monétaire. Cette collection suit donc le roi, de Fontainebleau à Saint-Germain-en-Laye et Paris sous Louis XIV qui l’a considérablement enrichie.

Héritage en partie du Cabinet du roi qui ouvre aux visiteurs en 1741, les salles de musée du site Richelieu regorgent de richesses.

Les architectes Bruno Gaudin et Virginie Brégal, responsables de la rénovation du site, parlent de « Tour de Babel » pour évoquer cet ensemble immobilier, véritable résumé de l’histoire de l’architecture française depuis le XVIIe siècle, c’est aussi pour faire référence aux collections prestigieuses qui forment aujourd’hui le musée de la BnF. Situé au premier étage, il succède au musée du département des Monnaies, Médailles et Antiques. Les chefs-d’œuvre présentés rappellent le but de cette collection, comprendre l’histoire et les civilisations de l’Antiquité. Réunir en un même lieu les objets, les textes et les savants capables de les lire a facilité de nombreuses découvertes, par exemple le déchiffrement du phénicien et du palmyrien.

Une salle est consacrée à la prestigieuse collection d’antiques du duc de Luynes, un des grands érudits du XIXe siècle. Le visiteur découvre ainsi le magnifique Trésor de Berthouville, ensemble de vases et statues en argent dédié à Mercure, daté du 1er siècle, l’Apollon dit « de Ferrare », qui permit le déchiffrement de la langue étrusque ou le « caillou Michaux » qui présente la première inscription cunéiforme parvenue en Europe en 1800, après sa découverte au sud de Bagdad (Irak) par le botaniste André Michaux. Dans la salle Barthélémy, ne manquez pas parmi les nombreuses médailles présentées « l’écu d’or de Saint Louis ». Frappé par Louis IX après plusieurs siècles d’abandon de l’or, la pièce d’or marquée de l’écu fleurdelisé connait immédiatement un grand succès et devient une des principales monnaies françaises sous l’Ancien Régime.
 
Les collections du cardinal Mazarin et la Bibliothèque royale

En 1643, le cardinal Mazarin loue l’hôtel Tubeuf pour y installer ses collections et sa bibliothèque. Peu à peu, il acquiert l’ensemble des terrains qui constituent aujourd’hui le « quadrilatère Richelieu » et demande à Mansart de créer deux galeries superposées dans un nouveau bâtiment. La galerie basse destinée à la statuaire antique est aujourd’hui la galerie Mansart réservée aux expositions temporaires (actuellement, Molière, en l’honneur du tricentenaire de sa naissance). La galerie haute, actuelle galerie Mazarin, a retrouvé sa vocation initiale, présenter les plus belles pièces des collections de Mazarin, enrichies des trésors d’églises et des biens saisis à la Révolution. Vous pourrez admirer le Trône « dit de Dagobert » ou le Jeu d’échecs « dit de Charlemagne » du Trésor de Saint-Denis et le « Grand Camée de France » du Trésor de la Sainte-Chapelle. En parcourant la galerie, l’émerveillement est total et les yeux passent de la magnifique voûte peinte au XVIIe siècle par le peintre romain Romanelli, qui travailla au palais du Louvre pour la reine Anne d’Autriche, aux chefs-d’œuvre de l’écrit du Moyen-âge à l’époque contemporaine.

Somptueux manuscrits des temps carolingiens, première Bible de Gutemberg, et autant d’œuvres exceptionnelles qui témoignent de la richesse de l’écrit et de son importance dans la transmission des savoirs. Cartes géographiques du nouveau monde, partitions de Mozart ou Beethoven, manuscrit de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, les premières pages de La Recherche de Proust, « La Prose du transsibérien" premier « livre simultané » en 1913 du à la collaboration de Blaise Cendrars et Sonia Delaunay. Ces œuvres sont fragiles et il est prévu de changer tous les trois mois la présentation. Ce sont de nouvelles merveilles qui nous attendent.

La Galerie Mazarin rénovée © Guillaume Murat - BnF
La Galerie Mazarin rénovée © Guillaume Murat - BnF
Gallica, La BnF et le numérique

Depuis plus de quinze ans, la BnF a entrepris de numériser l’ensemble des ces collections, « Gallica » est la bibliothèque numérique de la BnF. L’avancée du numérique et le projet du site François-Mitterand dans les années 1990 font craindre de voir péricliter le dépôt légal papier. Aujourd’hui, trente ans plus tard, alors que la numérisation des œuvres s’est accélérée, le dépôt légal n’a pas faibli et toujours à un niveau impressionnant de 80 000 ouvrages par an.

La force de la matérialité s’impose tant auprès des chercheurs que du public. La consultation des documents et la présentation dans le musée des plus beaux exemplaires de l’écrit permettent de découvrir le cheminement de la création écrite. La limpidité d’une partition de Mozart, la rapidité de la plume de Beethoven (l’encre à peine séchée), la fluidité de l’écriture de Victor Hugo (Notre-Dame de Paris écrit en cinq mois), les nombreuses ratures de Marcel Proust pour livrer l’impression la plus subtile du temps dans « La Recherche ». Autant de chemins de la création devenus invisibles dans les tapuscrits.
 
Lecteur, visiteur, chercheur, amateur, c’est un sentiment de gratitude que nous éprouvons, car ces chefs-d’œuvre sont le patrimoine de la Nation, mis à notre disposition. À nous de nous en emparer pour comprendre ce que nous devons aux savants et infatigables découvreurs qui nous ont précédés. À nous de transmettre ces savoirs et d’en faire à l’occasion matière à nouvelle création.

Rappelons-nous avec Hugues, évêque de Lincoln au XIIe siècle, que « les livres sont nos délices et nos richesses en temps de paix, nos armes offensives et défensives en temps de guerre, notre nourriture dans la faim, notre médecine dans la maladie ».

Ils font partie de ces « inutilités essentielles » indispensables à notre condition humaine.
 
Christine de Langle
 
Musée de la BnF, Salle ovale et expositions temporaires
Ouvert du mercredi au samedi 10h à 18h et le mardi de 10h à 20h. Fermé le lundi
https://www.bnf.fr/fr/richelieu
https://www.gallica.bnf.fr
 


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