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La liberté individuelle a-t-elle une limite dans l’entreprise ?





Le 15 Mars 2021, par Philippe Cahen

Depuis un an, depuis l’apparition de la Covid-19, et après un premier quadrimestre 2020 où globalement 5 milliards de Terriens (sur 7,8 milliards) ont été confinés, et 2,7 millions sont morts sur un an, chaque démarche de lutte contre la maladie est perçue comme une perte de liberté individuelle. La liberté individuelle doit-elle primer sur la liberté collective ?


Pixabay
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L’individu prime-t-il sur la collectivité ?

Le tribunal de la ville de La Haye a ordonné le 23 janvier 2021 la « levée immédiate » du couvre-feu de 21 h à 4 h 30 décidée par le gouvernement hollandais, en raison de la restriction des libertés individuelles. Le Premier ministre a immédiatement fait appel. La cour a donné raison au Premier ministre dans la soirée et a suspendu le jugement rendu. Les Pays-Bas n’ont pas été le seul pays européen à réagir contre le confinement ou le couvre-feu, bien au contraire. Cela pose la question de la restriction des libertés individuelles pour une cause commune : la lutte contre une maladie contagieuse et mortelle. En France, c’est l’équivalent chaque jour du crash d’un Airbus, d’ailleurs ce n’est plus mentionné sur l’application #ToutAntiCovid. La banalité est-elle admise pour que chacun revendique sa liberté individuelle ?

Et l’on se souvient des manifestations dans toute l’Europe et notamment à Berlin contre le port du masque perçu comme un frein à la liberté individuelle comme celle de refuser le vaccin anti-Covid. En revanche, concernant la lutte contre la Covid, Chine, Taiwan, Singapour, Corée du Sud, Vietnam, Nouvelle-Zélande, Israël… ont agi par cette méthode acceptée de restriction des libertés individuelles et ont bien maitrisé la maladie : la liberté collective (« les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » selon l Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) a primé sur la liberté individuelle. En Israël d’ailleurs, où le succès de la vaccination est confirmé, un soignant d’hôpital refusant de se faire vacciner ne sera plus en contact avec des patients et passera en service administratif.

Et dans l’entreprise ?

La question se pose dans l’entreprise. Ces dernières années, l’entreprise a été globalement un lieu préservé des exigences personnelles. Certes, on en discute autour de la machine à café, à la cantine, en fumant une cigarette. Le travail ne laisse pas transparaitre ce qui pourrait être une revendication personnelle. Lorsqu’elle existe, une discussion avec le n+1 ou le n-1, le RH, solutionne une absence, une restriction, un vêtement…

La période Covid crée un antécédent ou plutôt un accélérateur de ce qui se pressentait depuis une dizaine d’années. Ce qui était devenu un empiètement de la vie privée dans le temps de travail est devenu une règle de comportement ou plutôt un savant mixage. Les réseaux sociaux sont devenus un mode d’échanges dans le privé comme dans le travail, ou tout au moins, c’est le même outil. La tenue vestimentaire du vendredi, « Friday wear », est devenue la règle générale. La téléconférence tolère voire s’amuse des fonds d’écran, des bruits parasites, de la mauvaise qualité de l’image, du regard imprécis à la caméra.
Le lieu, l’espace, le temps de travail existent moins en ce temps de Covid. Il y a brouillage avec la vie privée. La préoccupation principale, et c’est bien naturel, tourne autour de la santé, du quotidien du foyer, de la famille et des amis, de simplement se poser et respirer. Certains souffrent d’ailleurs du télétravail par la perte de ce métatemps qui présentait une rupture entre la vie familiale et la vie professionnelle. L’individu domine le collectif. Pour autant, les libertés individuelles doivent-elles dominer le collectif ?

La reprise d’activité de l’entreprise et les libertés individuelles

Il ne va pas y avoir de jour J de reprise d’activité. Il va y avoir un temps long, de plusieurs mois, d’étapes successives. L’espace de travail devra accueillir des salariés préservant un temps de travail et soucieux de se retrouver en groupes, comme pour un rituel perdu. C’est l’occasion de renforcer l’« apprenance », l’élévation des compétences par les salariés eux-mêmes par plus de confiance et plus de transparence. L’entreprise joue -là la liberté collective face à la liberté individuelle. L’entreprise EST une collectivité dans laquelle les libertés individuelles sont des exceptions. Pour parer à toute rechute (pandémie ou cyberattaque), l’entreprise doit bâtir une organisation résiliente.

Dans ce temps, le risque est puissant voire dangereux entre les patrons épuisés, empêchés, impuissants depuis des mois et devant faire tourner l’entreprise, déclencher des contrats, s’engager sur des délais, avec des matières premières rares, des salariés pas nécessairement présents, ayant une sorte de « droit de retrait » pour ne pas revenir sur le lieu de travail, alors que d’autres seront pressés d’y retourner, des patrons devant gérer la santé des salariés et des cas contacts avec une loi actuelle qui interdit de savoir si le salarié est vacciné ou pas, mais devra présenter un « carnet de vaccination » dans des lieux internationaux (transports, hôtels, salons, séminaires…). C’est une ère de travail hybride qui s’ouvre, mixant télétravail et travail sur site.

Un jugement comme celui du tribunal de La Haye ne peut pas se transférer dans une entreprise où la collectivité est la règle et où la confiance est la première des règles. Le simple fait que ce jugement ait pu être ne serait-ce qu’être demandé dénote d’une perte de confiance des demandeurs et d’une écoute partielle de la justice. Le jour où les libertés individuelles dominent les libertés collectives, la nation est en danger. Il restera alors le régime chinois comme exemple, la démocrature.
 
Je repars en plongée…

Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles  », éd. Kawa
 


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