Journal de l'économie

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Le Droit maritime à l’épreuve du coronavirus.





Le 13 Avril 2020, par Rym BOUKHARI

L’immigration contemporaine s’explique par des facteurs sociopolitiques et économiques qui rendent le maintien de l’étranger dans son pays d’origine tout simplement impossible. A la recherche d’une meilleure vie, d’un « eldorado » européen, certains d’entre eux sont prêt à braver la mort en traversant la Méditerranée sur des embarcations de fortune.


Le Droit maritime à l’épreuve du coronavirus.
« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve. » Antoine de Saint-Exupéry
 
Hélas, arrivée en Europe, s’est une nouvelle épreuve qui les attend, celle de la désillusion, du leurre, de la déception et du désespoir.
Samedi dernier un bateau d’une ONG allemande « Sea Eye », qui a à son bord plus de 150 migrants, dont une femme enceinte,  a été contraint de se diriger vers les côtes libyennes en raison de la fermeture des ports italiens et maltais. 
Mais, la situation tant politique que sécuritaire en Libye n’a évidemment pas permis au dit-navire d’accoster à cause des combats qui ne cessent de s’intensifier dans ce pays.

Nous nous rappelons de la date du 4 avril 2019, quand le maréchal Haftar et ses troupes ont lancé une offensive sur Tripoli, ce qui, un an plus tard, a conduit à un conflit décrit par la mission des Nations unies en Libye comme ayant « dégénéré en une dangereuse et potentiellement interminable guerre par procuration.. ».
C’est dans ces circonstances que le navire humanitaire se retrouvera coincé dans les eaux de la Méditerranée, condamné à errer pour une durée indéterminée.

La situation du « Sea Eye » est loin d’être la première, souvenons-nous de celle de la nuit du 9 au 10 juin 2016, quand l'Aquarius, navire utilisé par une ONG européenne de sauvetage en mer dont la capacité ne peut excéder plus de 500 personnes, avait dû recueillir 629 migrants dont 123 mineurs isolés, 11 enfants en bas âge et 7 femmes enceintes.
Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles (William Arthur Ward). L’Aquarius a donc pris en charge plus de 600 migrants durant plusieurs jours, le temps d’obtenir l’autorisation d’accoster quelque part, en l’espèce la Corse, bravant ainsi les intempéries et la houle.
 
Or, le phénomène des migrants et des réfugiés arrivant par la mer n’est pas nouveau. L’aspiration à une meilleure qualité de vie ou à une protection internationale a toujours poussé des femmes et des hommes à risquer leur vie à bord d’embarcations de fortune.
 
Ma devise est de secourir les malheureux, et j'étends ce sentiment à tous les hommes écrivait Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (La chaumière indienne 1790). Par ce que la mer est partagée par plusieurs pays, une Convention a été adoptée à Hambourg en 1979 (entrée en vigueur en 1985) appelée Convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes afin de définir une approche internationale de la recherche et du sauvetage en mer.
Selon cette Convention les Parties sont tenues de coordonner leurs services de recherche et de sauvetage et devraient, chaque fois que cela est nécessaire, coordonner leurs opérations de recherche et de sauvetage avec celles des États voisins. 

Cette convention est au demeurant bien mise en œuvre en période de paix (le nombre de morts en mer Méditerranée a diminué, en 2016 on a pu déplorer 4500 morts alors que pour l’année 2019 ce chiffre a été, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), ramené à 1283 morts, sur un total de 110 700 migrants qui ont emprunté cette voie maritime), mais force est de constater que ça ne va pas de même en des temps plus difficiles.

L’ONG allemande estime que « Le droit maritime international et les obligations en matière de droits de l’homme doivent être respectés pendant l’urgence Covid-19 », dans le même ordre d’idées, l’OIM rappelle que « Le statu quo ne peut pas continuer », réclamant ainsi « une approche globale de la situation en Méditerranée centrale ».
Bien sûr, que l’épidémie qui a touché nos pays a chamboulé le monde, rendant le possible impossible. Mais cela ne doit pas empiéter sur nos principes tant culturels que moraux auxquels nous tenons et qui font de nous une grande nation.

Rappelons-nous du préambule de la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 « la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme ».

Cette déclaration concrétisée par Convention européenne des droits de l'homme de 1950 (entrée en vigueur en 1953) est devenue un objectif que nos gouvernements ont toujours veillé à atteindre ou, dans tous les, cas œuvré pour honorer leurs engagements. Parmi ces objectifs nous retrouvons l’asile politique, consacrée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 : « Considérant que le respect du droit d’asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d’une manière générale que l’étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande ».

L’asile politique est donc un principe fondamental auquel les pays membres de l’Union Européenne ne peuvent renoncer car comme l’avait dit le Professeur Mireille Delmas-Marty « Le crime contre l'humanité est la borne commune à toutes les cultures. La mission des droits de l'homme est aussi de préserver cette humanité à venir, ces générations futures, pour que cette humanité reste promesse ».
 
Aujourd’hui, l’humanité est confrontée à un mal invisible, un mal qui nous oblige à nous confiner dans nos maisons, à éviter les contacts, à porter des masques etc.., mais il ne faut pas que ces mesures « provisoires » deviennent une maxime de vie, il ne faut pas que cette pandémie nous retire ce qui fait de nous une grande nation, notre humanité.

Rym BOUKHARI
Docteur en droit
Diplômée de l’École Internationale des Modes Alternatifs de Règlements des Conflits
Avocat aux barreaux de Paris et d’Alger
Associée Lex Squared



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