Les gilets jaunes sont-ils populistes ? La catégorie a été mobilisée pour expliquer le caractère spontané, non hiérarchique, à la fois de droite et de gauche, de leur mouvement. Et surtout pour souligner la nature utopique de ses revendications, son hostilité envers les élites, les gouvernants, les journalistes, etc., dénoncer son allergie à toutes les formes de représentation, ses revendications de représenter le « peuple authentique ». Tout dépend du sens que l’on donne à « populistes », bien sûr. Il s’est écrit des dizaines d’ouvrages sur le sujet, mais ils tournent autour de trois acceptions principales.
On peut d’abord « essentialiser » le populisme : ce serait une idéologie spécifique, un type de mouvement politique. C’est plutôt une catégorie repoussoir. Le populisme est accusé de trois tares principales. D’abord, il aurait des problèmes avec la réalité. Il croirait en des choses fausses, des théories fausses (complotisme), des promesses fausses (démagogie), de fausses hiérarchies (refus de reconnaître la compétence des experts, des professionnels et des intellectuels, tendance à se croire supérieurs aux politiciens classiques). Ils seraient aussi en proie à des passions égoïstes, narcissiques (peur de l’étranger, obsession de la pureté ethnique). Enfin le populiste serait attaché à de vieilles valeurs, il refuserait la modernité, le progrès, l’Europe, l’ouverture culturelle, etc., il serait promis aux poubelles de l’Histoire. Comme cette définition/stigmatisation suppose par contraste, l’image d’une bonne politique, moderne, ouverte, libérale, respectueuse de l’État de droit, progressiste, etc., celle dont se réclament nombre de dirigeants actuels, on peut la considérer comme trop polémique et idéologique pour éclairer quoi que ce soit.
Seconde interprétation : le populisme serait un « style » (une expression d’André Taguieff). Plus que sur un projet politique, une tradition intellectuelle ou sur les intérêts d’un groupe social précis, le populisme reposerait sur une forme de discours et d’actions. Choix d’un leader gueulard qui affiche sa vulgarité. Tendance à dramatiser les questions politiques comme à la fois très graves, très urgentes, mais très simples à résoudre si l’on a un peu de courage et de bon sens. Revendication d’une souveraineté directe du peuple qui serait écrasée par les élites, forcément coupables. Cette définition contient énormément de vérité – même si elle ne dit pas grand-chose sur le fond du populisme –.
On peut d’abord « essentialiser » le populisme : ce serait une idéologie spécifique, un type de mouvement politique. C’est plutôt une catégorie repoussoir. Le populisme est accusé de trois tares principales. D’abord, il aurait des problèmes avec la réalité. Il croirait en des choses fausses, des théories fausses (complotisme), des promesses fausses (démagogie), de fausses hiérarchies (refus de reconnaître la compétence des experts, des professionnels et des intellectuels, tendance à se croire supérieurs aux politiciens classiques). Ils seraient aussi en proie à des passions égoïstes, narcissiques (peur de l’étranger, obsession de la pureté ethnique). Enfin le populiste serait attaché à de vieilles valeurs, il refuserait la modernité, le progrès, l’Europe, l’ouverture culturelle, etc., il serait promis aux poubelles de l’Histoire. Comme cette définition/stigmatisation suppose par contraste, l’image d’une bonne politique, moderne, ouverte, libérale, respectueuse de l’État de droit, progressiste, etc., celle dont se réclament nombre de dirigeants actuels, on peut la considérer comme trop polémique et idéologique pour éclairer quoi que ce soit.
Seconde interprétation : le populisme serait un « style » (une expression d’André Taguieff). Plus que sur un projet politique, une tradition intellectuelle ou sur les intérêts d’un groupe social précis, le populisme reposerait sur une forme de discours et d’actions. Choix d’un leader gueulard qui affiche sa vulgarité. Tendance à dramatiser les questions politiques comme à la fois très graves, très urgentes, mais très simples à résoudre si l’on a un peu de courage et de bon sens. Revendication d’une souveraineté directe du peuple qui serait écrasée par les élites, forcément coupables. Cette définition contient énormément de vérité – même si elle ne dit pas grand-chose sur le fond du populisme –.
Pour notre part, nous préférons l’idée qu’il y a une configuration stratégique (dans le rapport entre dirigeants et dirigés). C’est un « moment populiste » (expression employée par des intellectuels aussi opposés que Chantal Mouffe ou Alain de Benoist). Le populisme représente un rapport tendu entre ceux d’en bas et ceux d’en haut. Il se manifeste quand il y a crise idéologique des idées tenues pour évidentes et crise des rapports sociaux plus ou moins paisibles. Quand les grilles droite/gauche fonctionnent mal (ce qui ne veut pas dire qu’elles soient obsolètes), quand une partie de la population ne se reconnaît plus dans ceux qui sont censés la diriger ou lui dire quoi penser. Ce sont des moments où l’inévitable conflit des croyances et des intérêts n’est plus ritualisé par les appareils politiques et médiatiques. Dans ce cas, le peuple ou sa fraction « populiste » veut prendre directement les affaires en main ; il se réclame justement de sa légitimité de peuple souverain. Il intervient – souvent maladroitement – sur la scène politique où il veut jouer une autre pièce suivant d’autres règles. Il veut se renvoyer sa propre image, en somme, à travers des revendications comme « nous sommes le peuple, nous voulons être entendus, voir notre souffrance reconnue, ne plus être méprisés, etc. ».
En ce sens donc, le mouvement « Gilets jaunes » est bien populiste, et personne n’allait d’ailleurs soutenir le contraire (que serait-il autrement ?). Mais reconnaître qu’il y a un moment populiste, c’est dire qu’il ne peut aboutir qu’à autre chose que lui-même. C’est un mot qui, au fond, traduit plutôt notre désarroi devant l’inédit.
En ce sens donc, le mouvement « Gilets jaunes » est bien populiste, et personne n’allait d’ailleurs soutenir le contraire (que serait-il autrement ?). Mais reconnaître qu’il y a un moment populiste, c’est dire qu’il ne peut aboutir qu’à autre chose que lui-même. C’est un mot qui, au fond, traduit plutôt notre désarroi devant l’inédit.