De fait, dans ce monde en bascule (nous affirmions il y a peu que cette crise globale allait mettre fin à l’unilatéralisme américain – qui a constitué une anomalie historique – pour conduire à un bilatéralisme Occident-Asie, où la Chine va asseoir sa domination), où le Covid-19 aura été un accélérateur et un révélateur (au sens chimique), accentuant en réalité des évènements qui étaient déjà l’œuvre, il n’a jamais été autant question de souveraineté économique.
Toutefois, cette souveraineté économique et commerciale, si longtemps ignorée, et savamment déconstruite, ne se décrète pas. Elle relève d’un acte politique fort et de mesures incitatives et défensives.
C’est dans ce contexte que le rachat de l’industriel d’appareils de vision nocturne (fournisseur des armées) Photonis, a échappé au rachat par un fonds américain, sur opposition de Bercy.
Cela nous permet de revenir sur le régime juridique des investissements étrangers en France (IEF - remis au goût du jour au moment du rachat d’Alstom Power par General Electric, par le « décret Montebourg).
Un interventionnisme de l’Etat au nom des intérêts stratégiques
En effet, au titre de la neutralité de l’Etat dans la direction des affaires économiques sur le territoire français, l’article L. 151-1 du Code monétaire et financier énonce que, par principe, les relations financières entre la France et l'étranger sont libres.
Toutefois, et par dérogation, en application de l’article L. 151-2 du même code, le Gouvernement peut, pour assurer la défense des intérêts nationaux peut notamment soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle la « constitution et la liquidation des investissements étrangers en France ».
Dès lors, dans certains secteurs limitativement énumérés, touchant à la défense nationale ou susceptibles de mettre en jeu l’ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays, en application des articles L. 151-2 et L. 151-3 du Code monétaire et financier, les investissements étrangers en France sont soumis à une procédure préalable d’autorisation du ministre chargé de l’économie.
Au sens de la règlementation des IEF :
- constitue un investisseur:
« 1° Toute personne physique de nationalité étrangère ;
« 2° Toute personne physique de nationalité française qui n'est pas domiciliée en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts ;
« 3° Toute entité de droit étranger ;
« 4° Toute entité de droit français contrôlée par une ou plusieurs personnes ou entités mentionnées au présent 1°, 2° ou 3°.
- constitue un investissement:
« le fait pour un investisseur:
« 1° D'acquérir le contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, d'une entité de droit français ;
« 2° D'acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entité de droit français ;
« 3° De franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d'une entité de droit français ».
NB : Ce seuil est abaissé à 10% pour le reste de l’année 2020, en raison des risques liés à la période du Covid19.
Des secteurs économiques stratégiques ciblés
Régulièrement mis à jour, les secteurs stratégiques, qui entrent dans le champ du contrôle sont à ce jour :
- les entreprises appartenant aux secteurs de l’aérospatial et de la protection civile,
- les jeux d’argent à l’exception des casinos,
- les activités de R&D portant sur des agents pathogènes,
- les activités portant sur des matériels techniques permettant les interceptions de sécurité ou la captation de données,
- la sécurité des systèmes des technologies de l’information,
- les biens et technologies à double usage,
- la cryptologie,
- la défense nationale,
- les infrastructures et services de réseaux dont l’intégrité, la sécurité, et la continuité sont jugées essentielles (énergie, eau, transports,...),
- les entreprises qui mènent des activités de recherche et de développement en matière de cybersécurité, d’intelligence artificielle, de robotique, de fabrication additive, de semi-conducteurs,
- les hébergeurs de certaines données sensibles.
Une procédure administrative d’investissement sur autorisation préalable
Sont ainsi soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie, les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève de l'un des domaines suivants :
En vertu de l’article L. 151-3 du Code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie, s'il constate qu'un investissement étranger est ou a été réalisé en méconnaissance de ces prescriptions, peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.
Cette injonction ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations.
En cas de non-respect de l'injonction précitée, le ministre chargé de l'économie peut, après avoir mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés, sans préjudice du rétablissement de la situation antérieure, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier.
Toute convention conclue au mépris de ces dispositions est nulle et de nul effet.
Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle qui réalise directement ou indirectement un investissement étranger dans l'un des domaines mentionnés au I de l'article L. 151-3 lorsque cet investissement n'a pas fait l'objet de l'autorisation préalable exigée sur le fondement du c du 1 de l'article L. 151-2.
Le régime des sanctions en cas de non-respect de la règlementation des IEF
La loi Pacte n°2019-489 du 22 mai 2019 relative à la transformation et à la croissance des entreprises a considérablement étendu les pouvoirs du ministre chargé de l’économie, dans ses pouvoirs d’injonctions comme de sanctions.
En effet, en fonction de l’investissement projeté, le ministre chargé de l’économie dispose de trois alternatives :
La sanction qui ne pourra être prononcée « qu’après avoir mis l’investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimal de quinze jours » est une sanction pécuniaire dont le montant s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes :
Voici un dispositif dirimant que n’aurait pas renié notre cher Vauban.
Toutefois, cette souveraineté économique et commerciale, si longtemps ignorée, et savamment déconstruite, ne se décrète pas. Elle relève d’un acte politique fort et de mesures incitatives et défensives.
C’est dans ce contexte que le rachat de l’industriel d’appareils de vision nocturne (fournisseur des armées) Photonis, a échappé au rachat par un fonds américain, sur opposition de Bercy.
Cela nous permet de revenir sur le régime juridique des investissements étrangers en France (IEF - remis au goût du jour au moment du rachat d’Alstom Power par General Electric, par le « décret Montebourg).
Un interventionnisme de l’Etat au nom des intérêts stratégiques
En effet, au titre de la neutralité de l’Etat dans la direction des affaires économiques sur le territoire français, l’article L. 151-1 du Code monétaire et financier énonce que, par principe, les relations financières entre la France et l'étranger sont libres.
Toutefois, et par dérogation, en application de l’article L. 151-2 du même code, le Gouvernement peut, pour assurer la défense des intérêts nationaux peut notamment soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle la « constitution et la liquidation des investissements étrangers en France ».
Dès lors, dans certains secteurs limitativement énumérés, touchant à la défense nationale ou susceptibles de mettre en jeu l’ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays, en application des articles L. 151-2 et L. 151-3 du Code monétaire et financier, les investissements étrangers en France sont soumis à une procédure préalable d’autorisation du ministre chargé de l’économie.
Au sens de la règlementation des IEF :
- constitue un investisseur:
« 1° Toute personne physique de nationalité étrangère ;
« 2° Toute personne physique de nationalité française qui n'est pas domiciliée en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts ;
« 3° Toute entité de droit étranger ;
« 4° Toute entité de droit français contrôlée par une ou plusieurs personnes ou entités mentionnées au présent 1°, 2° ou 3°.
- constitue un investissement:
« le fait pour un investisseur:
« 1° D'acquérir le contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, d'une entité de droit français ;
« 2° D'acquérir tout ou partie d'une branche d'activité d'une entité de droit français ;
« 3° De franchir, directement ou indirectement, seul ou de concert, le seuil de 25 % de détention des droits de vote d'une entité de droit français ».
NB : Ce seuil est abaissé à 10% pour le reste de l’année 2020, en raison des risques liés à la période du Covid19.
Des secteurs économiques stratégiques ciblés
Régulièrement mis à jour, les secteurs stratégiques, qui entrent dans le champ du contrôle sont à ce jour :
- les entreprises appartenant aux secteurs de l’aérospatial et de la protection civile,
- les jeux d’argent à l’exception des casinos,
- les activités de R&D portant sur des agents pathogènes,
- les activités portant sur des matériels techniques permettant les interceptions de sécurité ou la captation de données,
- la sécurité des systèmes des technologies de l’information,
- les biens et technologies à double usage,
- la cryptologie,
- la défense nationale,
- les infrastructures et services de réseaux dont l’intégrité, la sécurité, et la continuité sont jugées essentielles (énergie, eau, transports,...),
- les entreprises qui mènent des activités de recherche et de développement en matière de cybersécurité, d’intelligence artificielle, de robotique, de fabrication additive, de semi-conducteurs,
- les hébergeurs de certaines données sensibles.
Une procédure administrative d’investissement sur autorisation préalable
Sont ainsi soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie, les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève de l'un des domaines suivants :
- Activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;
- Activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives.
En vertu de l’article L. 151-3 du Code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie, s'il constate qu'un investissement étranger est ou a été réalisé en méconnaissance de ces prescriptions, peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.
Cette injonction ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations.
En cas de non-respect de l'injonction précitée, le ministre chargé de l'économie peut, après avoir mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés, sans préjudice du rétablissement de la situation antérieure, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier.
Toute convention conclue au mépris de ces dispositions est nulle et de nul effet.
Est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle qui réalise directement ou indirectement un investissement étranger dans l'un des domaines mentionnés au I de l'article L. 151-3 lorsque cet investissement n'a pas fait l'objet de l'autorisation préalable exigée sur le fondement du c du 1 de l'article L. 151-2.
Le régime des sanctions en cas de non-respect de la règlementation des IEF
La loi Pacte n°2019-489 du 22 mai 2019 relative à la transformation et à la croissance des entreprises a considérablement étendu les pouvoirs du ministre chargé de l’économie, dans ses pouvoirs d’injonctions comme de sanctions.
En effet, en fonction de l’investissement projeté, le ministre chargé de l’économie dispose de trois alternatives :
- autoriser l’investissement (si l’opération ne nécessite pas de condition particulière pour assurer la préservation des intérêts du pays) ;
- autoriser l’investissement sous des conditions permettant d’assurer la préservation des intérêts du pays comme le prévoit l’article R153-9 du Code de commerce (à titre d’exemple, ces conditions peuvent porter sur la protection de la santé publique, la protection des données, la sécurité publique...) ;
- rejeter la demande d’autorisation et refuser l’investissement conformément à l’article R153-10 du Code monétaire et financier si aucune condition ne permettrait de garantir les intérêts du pays en matière d’ordre public, de sécurité publique et de défense nationale ou encore si des doutes pèsent sur l’honorabilité de l’investisseur.
La sanction qui ne pourra être prononcée « qu’après avoir mis l’investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimal de quinze jours » est une sanction pécuniaire dont le montant s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes :
- le double du montant de l’investissement irrégulier ;
- 10% du chiffre d’affaires annuel hors taxes de l’entreprise ;
- 5 millions d’euros pour les personnes morales et 1 million d’euros pour les personnes physiques.
Voici un dispositif dirimant que n’aurait pas renié notre cher Vauban.
Olivier de MAISON ROUGE
Avocat (Lex-Squared) – Docteur en droit
A paraître : « Survivre à la guerre économique. Manuel de résilience », VA Editions
Avocat (Lex-Squared) – Docteur en droit
A paraître : « Survivre à la guerre économique. Manuel de résilience », VA Editions