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Logement, automobile : la future bombe sociale façon « gilet jaune » est prête





Le 7 Novembre 2022, par Philippe Cahen

Entre 2017 et 2021, le prix des maisons a bondi de 17 %. En2022, la hausse pourrait être de 10 %. Quant aux voitures, leur hausse de prix est de 18 % sur un an. 20 à 40 % des Français se sentent exclus. Ce sont les deux principaux budgets des ménages, devant l’alimentation.


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Reprenons le détail.

D’abord la voiture électrique : un cadeau à l’emploi chinois
Que le Commissaire européen au Marché intérieur – le Français Thierry Breton – dise début novembre 2022, quelques jours après la décision du Parlement européen de supprimer la construction de la voiture thermique au bénéfice de la voiture électrique en 2035, qu’il faut une clause de revoyure en 2026… prouve qu’il a un doute… Un doute pour la construction des voitures électriques en Europe.

Les industriels chinois sont en mesure de noyer le marché européen avec des voitures pas chères dans un marché national largement subventionné. La Hong Guang Mini valait en Chine 3 700 € en 2021. La Qiantu K20 est à 12 000 € en 2022 en Chine. La MG4 chinoise (MG Motors appartient à SAIC de Shanghai) est proposée en France à 28 990 € (« à partir de » 22 990 €). La Dacia Spring (fabriquée en Chine, à Shiyan), la voiture « européenne » la moins chère, est « à partir de » 20 800 €.

Si le prix – hors prime - d’une voiture électrique débute à 20 000 €, les voitures moyennes sont autour des 40/50 000 €. Autant dire que c’est un luxe (45 à 50 % de plus qu’une voiture thermique équivalente) que peu de Français peuvent se payer. En 2022, le prix moyen d’une voiture neuve est de 27 000 €. Certes, en 2021, 82 % des immatriculations sont des leasings. L’âge moyen de l’acheteur de voiture neuve était en 2021 de 55 ans. Gageons qu’en 2022, il est encore plus âgé. Ceci explique le succès de la voiture d’occasion ! Quant à l’entretien de la voiture électrique que l’on dit très bas, l’expérience montre que l’usure des pneus est le premier sujet de dépense, rarement mentionné.

Non seulement les industriels chinois vont envahir le marché européen de leurs voitures, mais l’industrie européenne des batteries (40 % de la valeur d’une voiture électrique) est tributaire aujourd’hui et sans doute encore pour près de 10 ans, du marché chinois. Quand bien même le lithium est extrait d’abord en Australie, devant le Chili et la Chine, les terres rares sont extraites à plus de 60 % de Chine, le cobalt à plus de 70 % de RDC Congo, le nickel à plus de 30 % d’Indonésie devant les Philippines, etc., la Chine est le premier producteur de ces métaux (terres rares à plus de 90 %, lithium à près de 60 %, cobalt à près de 60 %, cuivre à près de 40 %, etc.). En clair, les batteries même fabriquées dans des gigafactories (merci à Elon Musk d’avoir créé ce mot) européennes dépendent de la Chine. Et il faut ajouter les conditions de travail, la pollution, l’eau… Autant dire que la voiture électrique va à l’encontre des objectifs pour l’environnement.

Devant la crise des semis conducteurs, les États-Unis ont décidé de réindustrialiser le pays à commencer par rouvrir les mines stratégiques comme celle de cobalt dans l’Idaho. Dans une batterie électrique, il faut 7kg de cobalt, 50kg de nickel, 45kg de carbonate de lithium. Les produits importés aux États-Unis ne devront pas avoir été soumis à travail forcé et à travail d’enfants, ceci désignant prioritairement les Ouïghours de Chine. Les voitures électriques vendues sur le marché national ne pourront être que fabriquées aux États-Unis, batteries comprises. Les États-Unis protègent leurs emplois. L’Europe dans son ensemble fait preuve de naïveté.

La voiture électrique va supprimer 500 000 emplois en Europe d’ici 2040 sur 3,5 millions. Elle n’a rien d’un moyen de transport écologique (il faut bien la construire, changer régulièrement ses pneus et lui fournir de l’électricité…), le tout pour un prix inabordable pour près de la moitié des Français surtout ceux à qui l’on dit qu’il faut rapidement (mise en place des 40 ZFE au 31 décembre 2024) se séparer de son véhicule diesel, bon à la casse !

Ensuite le logement : la rareté est préservée

La politique de logement en France a été incohérente depuis plus de 50 ans. Les contradictions sont nombreuses entre les propriétaires forcément capitalistes, les locataires qu’il faut aider, la politique pavillonnaires montrée en exemple (82 % des Français l’ont en idéal) sans la lier au gâchis foncier et au budget collatéral en transport, le tout où depuis plus de 10 ans lorsque les mises en chantier atteignent 400 000 logements on crie au miracle alors que le besoin de logement est lié à la croissance naturelle de la population, aux couples séparés, au vieillissement de la population, aux résidences secondaires, à l’immigration, etc. Il s’ajoute un nombre incalculable de règles et de normes qui font qu’un logement construit près de Strasbourg coûte bien plus cher à construire qu’un logement équivalent à Kehl, de l’autre côté du Rhin. Il faudrait construire chaque année entre 500 000 et 700,00 logements. 376.700 mises en chantier en 2020. Le logement est cher et rare.

En étant cher et rare, le logement limite la mobilité du travail. Et le budget logement est le second budget des ménages presque équivalent au transport. Pour les 20 % des Français les plus modestes, c’est la première source de dépenses avec 22 %, pour les 20 % les plus aisés c’est la 4e source de dépenses avec 12 %. Sans les aides sociales, le logement se paie cher… Et au lieu d’encourager les plus aisés à investir dans le logement, ils sont taxés (IFI° : impôt sur la fortune immobilière). Paradoxalement et logiquement, si l’on construisait 600 000 logements par an, les loyers et donc les revenus des investisseurs baisseraient.

Ces derniers temps avec la Covid-19, le logement a été un sujet important pour ceux qui en avaient les moyens en plus de l’envie : la maison avec jardin dans une petite ville de province était le Graal. Le désenchantement a été rapide. La petite maison a multiplié les voitures indispensables, après la concurrence pour ces biens de plus en plus rares. La hausse du pétrole depuis novembre 2021 a fini par noyer les budgets : la petite maison est un gouffre de chauffage et les voitures sont gourmandes, sans oublier que le télétravail a des limites de durée et que le nouveau travail dans la charmante petite ville est moins bien rémunéré que celui de la métropole.
Le rêve de la petite maison avec jardin s’effondre. Les aides publiques à l’acquisition de pavillons sont arrêtées afin de privilégier l’habitat collectif ; mais aucun encouragement ou obligation à densifier une parcelle n’a été édicté. Le rêve s’effondre aussi par le coût de la construction neuve. Les prix des matériaux, la réglementation thermique RE 2020 depuis le 1er janvier 2022 provoquent une hausse qui pourrait être au minimum de 10 % en 2022 alors que les prix avaient augmenté de 17 % entre 2017 et 2021. Le coût du crédit augmente lorsque l’on réussit à l’obtenir. Les primo-accédants disparaissent. L’âge moyen de l’acheteur augmente. Symbole de ce malaise : les maisons Phénix (Geoxia) ont fait faillite en juin 2022.

La bombe sociale est prête

Pour 20 à 40 % des Français les plus modestes et surtout parmi les plus jeunes, acheter une nouvelle voiture devient impossible, car trop cher. Et les voitures d’occasion possibles sont de plus en plus chères (l’une des causes est que les loueurs n’ont pas renouvelé leurs parcs au rythme habituel).

Pour 20 à 40 % des Français les plus modestes et surtout les plus jeunes, quitter un HLM ou chercher une maison plus grande à acheter devient impossible, car trop cher ou non ouvert au prêt du banquier.
Pour baisser la pression de 35 % de leur budget, ces ménages – les plus modestes et les plus jeunes -  sont coincés, interdits.
Autant admettre que le sentiment d’injustice est réel. Explosif.
 
Je repars en plongée…
 
Philippe Cahen
Conférencier prospectiviste
Dernier livre : « Méthode & Pratiques de la prospective par les signaux faibles », éd. Kawa


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