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Louis XV, passions d’un roi





Le 7 Février 2023, par Christine de Langle

L’exposition qui se tient au château de Versailles jusqu’au 19 février nous dévoile-t-elle les nombreuses conquêtes amoureuses d’un roi connu pour ses infidélités conjugales ? Loin de l’image caricaturale véhiculée par les manuels scolaires français depuis le XIXe siècle, cette exposition présente les objets qui ont accompagné la vie de Louis XV et permettent de mieux cerner sa personnalité et ses goûts. Des objets exceptionnels venus du monde entier retracent un portrait plus juste du « Bien Aimé », de l’homme privé, de ses passions et de ce qu’il est convenu d’appeler le style Louis XV.


Vincent de Montpetit, Louis XV, 1774, ©Château de Versailles /T.Garnier
Vincent de Montpetit, Louis XV, 1774, ©Château de Versailles /T.Garnier
L’homme privé

Avec cette première exposition consacrée à Louis XV, seul roi né et mort à Versailles (1710-1774), le château de Versailles commémore le tricentenaire du retour du jeune roi à Versailles en 1722 et son sacre à Reims la même année.

Un tableau attribué à Nicolas de Largillière présente Louis XIV fièrement entouré de sa descendance mâle. Mais l’œuvre réalisée en 1715 rappelle que Louis XV, âgé de cinq ans à la mort du vieux roi, aura connu « une enfance de cimetière ». Arrière-petit-fils de Louis XIV, il est le seul rescapé d’une vague épidémique qui a décimé la famille royale.

L’atmosphère funèbre de ses premières années dessine à jamais une personnalité mélancolique et secrète qui ne s’épanouira qu’en petit comité. Ne cherchons pas plus loin son goût des soupers pris dans les Appartements d’intérieur ou Petits appartements qu’il se fait aménager dans l’ancien appartement de collectionneur de son illustre aïeul. Loin d’une étiquette qui l’étouffe, le roi dévoile toute sa culture et son esprit auprès d’un cercle restreint de personnes de confiance.

On y retrouve les favorites issues de l’aristocratie, les sœurs Nesle, puis de la grande bourgeoisie financière, Madame de Pompadour, enfin la roturière Madame du Barry. Ces choix révèlent le caractère sensuel du roi, mais aussi le désir de s’affranchir d’un ordre établi et d’une société de castes.

Toute une galerie de portraits peints par de Troy, Largillière, Nattier ou Van Loo, dessine sa généalogie royale et les principaux évènements familiaux qui lui sont propres : ses fiançailles avec la petite infante Marie-Anne-Victoire, la rupture trois ans plus tard qui provoque la fin de la diplomatie franco-espagnole, son mariage avec la jeune Marie Leszczynska, dans l’unique but de donner vite des héritiers à la Couronne, ses  petits-enfants, et parmi eux, le jeune duc de Berry, futur Louis XVI. Nous découvrons un roi très attaché à sa famille, lui qui en a été privé trop petit.

Jean-Marc Nattier, Marie-Adélaïde de France, dite Madame Adélaïde ©château de Versailles/ T. Garnier
Jean-Marc Nattier, Marie-Adélaïde de France, dite Madame Adélaïde ©château de Versailles/ T. Garnier
Un roi profondément croyant

L’éducation religieuse reçue de son précepteur, le cardinal de Fleury, accompagne le roi toute sa vie. C’est pour beaucoup une des surprises de l’exposition. Loin de l’image d’un roi à la vie dissolue et donc peu religieux, c’est au contraire un homme profondément croyant et respectueux de l’Église, ciment du Royaume, et qui, faute de respecter ses Commandements, préfère s’éloigner des sacrements pendant plus de trente ans. C’est avec mauvaise conscience qu’il vit ses liaisons avec ses favorites. Madame de Pompadour le sait bien qui tremble à chaque fois que la vie du roi est mise en danger, car elle risque de tout perdre : lors d’une maladie grave ou au moment de l’attentat de Damien, le roi remercie le Ciel, se repent de sa conduite et se rapproche de la reine.

Pendule de Passemant ©château de Versailles/ T. Garnier
Pendule de Passemant ©château de Versailles/ T. Garnier

Les passions d’un roi

Louis XV compte parmi les rois les plus instruits de son temps. Grand lecteur, il lit en français, latin et italien et fait aménager dans toutes les résidences royales des bibliothèques.

Protecteur des sciences et des arts, le roi s’investit personnellement dans tous les domaines scientifiques, astronomie, mécanique, optique, horlogerie, botanique. Capable de discuter avec les meilleurs savants de l’époque, le roi commande pour Versailles des instruments de haute précision, chefs-d’œuvre techniques et artistiques. La Pendule astronomique, véritable trésor national dû au génie de l’ingénieur Passement qui calcule ses tables astronomiques jusqu’en 9999, l’horloger Dauthiau a réalisé le mécanisme et les Caffieri, père et fils, ornent l’ensemble d’un exceptionnel décor rocaille de bronze doré. Le microscope tripode du même ingénieur illustre la passion du roi et de la Cour pour l’étude de l’infiniment petit.

En 1746, c’est dans la Galerie des Glaces que prend place l’expérience de la conduction de l’électricité conduite par l’abbé Nollet. Le roi se révèle aussi particulièrement adroit pour tourner l’ivoire, comme en témoigne une ravissante pendule toujours conservée au château de Versailles.

À Trianon, le roi décide de créer le Jardin botanique le plus vaste d’Europe avec 4000 variétés de plantes provenant du monde entier avec l’idée de pouvoir les cultiver. La France découvre ainsi l’ananas.

Depuis son plus jeune âge, Louis XV est un grand passionné de chasse, la seule activité physique qu’il pratique à un rythme soutenu, souvent trois fois par semaine, et qu’il fait suivre d’un diner de chasse, y assister est un privilège recherché. Le roi a sollicité ses meilleurs peintres (Parrocel, Lancret, Pater, Boucher, Van Loo) pour le décor d’une Galerie des Chasses exotiques, aujourd’hui au musée d’Amiens. L’ensemble revient à Versailles pour la première fois depuis 1667.

Passionné par l’architecture et le décor intérieur, le roi aime travailler avec son premier architecte, Ange-Jacques Gabriel. Aménagement des petits appartements à Versailles, construction du Petit Trianon, programme d’embellissement des grandes villes du royaume par la construction de places royales autour d’une statue du souverain. Beaucoup furent détruites à la Révolution, l’exposition présente une main royale, seul reste de la statue de bronze prévue pour la place Louis XV à Paris (future place de la Concorde). À Paris, l’École militaire, l’École des Ponts et Chaussées, l’église Sainte-Geneviève (futur Panthéon) sont des créations voulues par le roi.

Hubert Drouais, Madame de Pompadour à son métier à broder ©musée du Louvre
Hubert Drouais, Madame de Pompadour à son métier à broder ©musée du Louvre
Madame de Pompadour, «ministre de la culture» de Louis XV

Émanation de cette aristocratie de la finance, d’une grande culture, la nouvelle favorite protège les gens de lettres et les artistes. Voltaire, Montesquieu, ou Diderot qui lui doit l’autorisation de publier les deux premiers tomes de l’Encyclopédie. Madame de Pompadour soutient la nouvelle manufacture royale de porcelaine de Vincennes, bientôt installée à Sèvres, qui permet d’arrêter les importations massives de porcelaine de Chine ou de Meissen. À partir de 1758, le roi organise des expositions-ventes à Versailles qui rencontrent un énorme succès auprès de la famille royale et de l’aristocratie. La réputation de la porcelaine française assoit le rayonnement du service à la française.

Parmi les objets exceptionnels de l’exposition, la Commode de Gaudreaus, commandée pour la chambre du roi à Versailles est remarquable à plus d’un titre. Elle revient pour la première fois à Versailles depuis 1774, conservée à la Wallace Collection de Londres, elle vient d’être restaurée. Fruit du savoir-faire du dessinateur Slotz, de l’ébéniste Gaudreaus et du bronzier Caffieri, le meuble allie l’équilibre de la forme, la beauté de la marqueterie et la fantaisie des courbes et contrecourbes des bronzes dorés, un chef-d’œuvre du style rocaille, dit aussi style Louis XV. 

Madame du Barry, nouvelle favorite dès 1768, avoue une prédilection pour les meubles avec inclusion de plaques de porcelaine et fait travailler les artistes à Versailles (ses appartements viennent d’être inaugurés après restauration) ou à Louveciennes dont Fragonard a décoré le pavillon de musique sur le thème de l’amour.

Martin Carlin et Charles Dodin, Commode à décor de plaques de porcelaine ©musée du Louvre
Martin Carlin et Charles Dodin, Commode à décor de plaques de porcelaine ©musée du Louvre

Une image renouvelée de Louis XV

La Cour subit une nouvelle vague épidémique, en quelques jours le roi est emporté par la variole et meurt le 10 mai 1774.
À la mort de ce roi si décrié par la suite - nos livres d’histoire n’ont pas manqué de nous alerter sur la vie dissolue du roi et sur la perte du Canada - le pays est prospère, s’est agrandi de deux provinces, la Lorraine et la Corse, la France est la plus grande puissance économique et politique et son rayonnement intellectuel et artistique est unique. Toutes les élites cultivées parlent français, c’est la langue des arts et des sciences « La Science doit parler la langue universelle et cette langue est le français » déclare Frédéric II de Prusse.

Les historiens décrivent son sens du devoir et de l’État, son courage à la guerre et sa bonté naturelle, notamment lors de la bataille de Fontenoy, « Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes, la vraie gloire est de l’épargner », l’intelligence politique du roi malmenée par les blocages institutionnels des parlements et de la noblesse. On est souvent trahi par son premier cercle.
 
Le grand apport de l’exposition est de permettre au visiteur d’approcher la personnalité complexe de Louis XV à travers les objets qui l’ont accompagné, portraits de famille, arts décoratifs, mobilier, objets scientifiques, médailles. Tous ces objets nous dévoilent la solitude de l’enfant orphelin et plus tard la mélancolie et le désir d’intimité peu compatible avec le cérémonial de la vie de Cour. Sa volonté de vie privée, inacceptable à Versailles où chaque fonction auprès du roi est jalousement disputée par la Cour. L’amour qu’il porte à ses enfants et sa fidélité en amitié, deux qualités privées qui normalement ne doivent pas s’exprimer en public. La foi profonde du Roi Très Chrétien qui souffre de ne pouvoir par sa vie dissolue se conformer aux préceptes de la vie chrétienne. Trop nombreux encore ceux qui croient que cette vie amoureuse s’accompagnait d’un éloignement de la Foi.

Une exposition exceptionnelle par la qualité des objets réunis et les prêts consentis. Ces objets qui nous parlent de Louis XV renouvellent notre regard sur l’homme et le roi. À chacun de se faire sa religion !
 
Christine de Langle
 
 

Exposition
Louis XV Passions d’un roi
Château de Versailles
18 octobre 2022 - 19 février 2023
 
Antoine Gaudreaus, Commode de la chambre de Louis XV ©Trustees de la Wallace Coll. Londres
Antoine Gaudreaus, Commode de la chambre de Louis XV ©Trustees de la Wallace Coll. Londres


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